La salle de la Marseillaise paraît pleine à craquer quand les 160 personnes et quelques s’installent lundi soir pour participer à une première rencontre à Strasbourg dans le cadre Grand débat national, proposé par le président de la République, Emmanuel Macron. C’est le député (LREM) de Strasbourg, Thierry Michels, qui a pris tous ses petits copains de vitesse en proposant à l’École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg (ENGEES) d’héberger cette soirée d’échanges sur la transition énergétique.
Bien que le Grand débat ait été mis en place pour répondre au mouvement des Gilets jaunes, pas question pour l’élu de la majorité de leur donner de l’écho. Il est parvenu à introduire la soirée sans les nommer :
« La dépendance à la voiture est à l’origine de la crise actuelle. Il faut que nous trouvions des solutions pour proposer aux citoyens de se déplacer autrement, en prenant en compte les enjeux sociaux de la transition écologique. »
Et ça marche : dans ses interventions, le public a égrené des propositions en faveur de la transition écologique et de son financement, sans parler des Gilets jaunes.
Le GCO écarté lui aussi du débat
Ce sont majoritairement des hommes, la cinquantaine passée, qui ont pris la parole. Les propositions ont porté sur les solutions locales ou nationales, le financement de la transition écologique et les actions à l’échelle européenne voir internationale en faveur de l’Environnement.
Certains des participants ont par exemple proposé l’augmentation des aides pour remplacer les véhicules diesels et le développement de voitures à hydrogène, « moins polluantes à la construction et au recyclage que les voitures électriques. » Soutenir financièrement l’isolation thermique des bâtiments a aussi été une demande récurrente. Mais pour financer cette fameuse « transition écologique, » les propositions se sont faites beaucoup plus rares.
Heureusement que les Gilets jaunes n’étaient pas présents, puisque certains participants ont évoqué des… taxes, sur les importations de viande et de panneaux solaires pour favoriser leurs productions en France. Fabien, étudiant à l’ENGEES, a aussi proposé de revoir à la hausse la fiscalité, mais sur les carburants utilisés pour le transport maritime et aérien.
La première évocation de l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg est venue à la quarantième minute du débat. Après une saillie contre la décision de laisser les déchets au fond de Stocamine, le militant et blogueur Jean-Claude Meyer a proposé que soit abandonné le GCO, une contribution largement soutenue par de forts applaudissements dans l’assistance… Aucune réaction de Thierry Michels. Deux autres interventions reviendront ensuite sur la future autoroute mais seront à chaque fois interceptées par Thierry Michels, au prétexte que « la parole a déjà été donnée plus longtemps que de raison à ce sujet. » Tant pis pour le débat.
Dans une incroyable spontanéité, une personne du public a subitement proposé que soit « redirigé le fonds européen d’aide au désenclavement routier vers la transition énergétique. » Une remarque qui a tout de même sorti Thierry Michels de sa léthargie. Le député en a profité pour annoncer que cette mesure était « au cœur des débats de la commission aux Affaires européennes de l’Assemblée Nationale » dont il fait partie. Deux autres participants ont aussi insisté sur le rôle de « leader écologique que doit tenir l’Europe face aux autres grandes puissances » ainsi que sur la nécessité d’une réponse européenne pour remplir l’accord de Paris… Messages subliminaux.
Un brainstorming citoyen plutôt qu’un débat
Le député s’est contenté d’écouter les propositions, sans répondre sauf à connecter certaines propositions formulées avec des choix du gouvernement. Devant la remise en cause du PIB comme mesure du développement économique par un participant pour y inclure par exemple les impacts écologiques ou le temps de travail, Thierry Michels s’est placé en modérateur implacable : « il faut garder des propositions concrètes. »
Voilà donc à quoi ressemble le Grand débat national à Strasbourg : un enchaînement de propositions techniques, sans lien les unes avec les autres. De débat, il n’a donc pas été question… La soirée s’est plus apparentée à celle d’un groupe de parole pour citoyens inquiets, ou d’une thérapie de groupe pour macronistes.
À la fin de la soirée, Thierry Michels a sondé la salle pour savoir si le public était satisfait. À main levée, l’assistance a répondu « oui » à une large majorité, ce qui aura été finalement le seul vote de la réunion. Mais pour Lucas, l’un des participants, les échanges « manquaient de lien entre eux. » Jean-Claude Meyer a qualifié la soirée de « défouloir par la parole. On n’a pas eu d’échange qui auraient pu aboutir à des réponses. »
Les échanges seront retranscrits dans une synthèse rédigée par les collaborateurs de Thierry Michels et publiée sur le site du Grand débat national. Toutes les synthèses des réunions ainsi que les contributions individuelles seront intégrées après la clôture des débats le 15 mars, dans un grand bilan de la consultation que dressera le gouvernement.
Chargement des commentaires…