Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Grand contournement : à l’ouest, on s’agite de nouveau

Le grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg n’est pas mort ! Il vit encore et pourrait même connaître des étapes cruciales en 2015. Si vous avez raté les saisons précédentes, Rue89 Strasbourg vous propose un petit point d’étapes alors que partisans et opposants affûtent leurs arguments.

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Une première cabane construite sur le tracé du futur GCO et occupée par les opposants (Photo Gaspard Glanz / Taranis News)

Une première cabane construite sur le tracé du futur GCO et occupée par les opposants (Photo Gaspard Glanz / Taranis News)
Une première cabane construite sur le tracé du futur GCO et occupée par les opposants (Photo Gaspard Glanz / Taranis News)

L’idée d’un contournement routier de l’agglomération de Strasbourg date de… 1973. Mais elle est devenue concrète en 1999 avec les débats dits « Bianco » sous les ministres Jean-Claude Gayssot (PS) et Dominique Voynet (les Verts). Voilà qui ne nous rajeunit pas. Déjà à l’époque, le projet prévoyait comme aujourd’hui la construction d’une autoroute à péage, contournant Strasbourg depuis Vendenheim au nord jusqu’à Innenheim au sud. L’emprise totale est de 280 hectares. Dans la nouvelle configuration du GCO, l’A35 urbaine sera requalifiée en « boulevard urbain » et transférée, coûts d’entretien inclus, à l’Eurométropole.

Réclamé par ceux qui y voient une solution à l’engorgement de l’A35, le Grand contournement ouest (GCO) a été enterré plusieurs fois, faute d’appuis financiers et de priorités politiques, avant d’être ressuscité en novembre 2013 contre toute attente. Mais surtout, le GCO a suscité nombres de retournements politiques avant d’aboutir à la situation actuelle : la droite alsacienne est majoritairement en faveur du GCO, avec le soutien de la Chambre de commerce, de la Fédération des transports routiers et de la Fédération des travaux publics tandis que la gauche strasbourgeoise a louvoyé entre opposition, attentisme puis une acceptation tardive.

Pendant ce temps, l’opposition au projet, après avoir longtemps cru le combat gagné, a dû se remobiliser. L’association environnementaliste Alsace Nature publie ce mardi ses propositions alternatives à la construction du GCO (voir notre article) et samedi 24 janvier, une nouvelle « cabane anti-GCO » sera inaugurée à Vendenheim, faisant ainsi suite à celles de Duttlenheim et de Kolbsheim. Pour eux, une autoroute à péage ne sera pas empruntée par les milliers d’Alsaciens qui travaillent à Strasbourg et qui logiquement ne veulent pas contourner la ville, ni par les poids-lourds qui évitent l’Allemagne précisément parce qu’il faut y payer une taxe.

Du retard pour le cahier des charges

Le cahier des charges final était prévu pour… décembre 2014, ce qui permettait de désigner le concessionnaire des travaux au printemps 2015, parmi les quatre candidats pre-sélectionnés lors d’un appel d’offres portant sur un coût estimé de 475 millions d’euros.

Mais, le GCO n’en a pas fini de se faire attendre : à l’heure actuelle, personne ne connaît encore le cahier des charges, ni même quand il sera disponible. Du côté de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), on renvoie les demandes d’informations directement au cabinet de la ministre, Ségolène Royal. Et au ministère, c’est silence radio : le cahier des charges est dans les cartons et « devrait » être transmis dans « les semaines à venir ».

Étant donnés les récents revirements de Ségolène Royal sur d’autres dossiers (Sivens, Écotaxe, Fessenheim), partisans et oppositions du GCO ont tous les deux de sérieuses raisons de croire en leurs chances !

Le tracé du GCO à l'ouest de Strasbourg (Doc CCI)
Le tracé du GCO à l’ouest de Strasbourg (Doc CCI)

Cette situation inquiète les candidats pré-sélectionnés l’année dernière, comme l’explique Georges Lingenheld, patron de la société du même nom et qui fait partie d’un des consortiums en lice:

« Il faut environ six mois pour finaliser un dossier à partir du cahier des charges. Cela signifie que s’il nous est transmis dans les prochaines semaines, concrètement le concessionnaire final ne pourra être désigné que vers la fin de l’année. »

La déclaration d’utilité publique (DUP) n’expire qu’en 2018, mais cette année les Alsaciens auront à voter pour leurs conseillers départementaux en mars et pour les conseillers régionaux de la grande région ALCA en décembre. Pas sûr, dans ces conditions, que les élus aient envie de se retrouver tout de suite avec la patate chaude du CGO… En 2010, lors de la campagne des élections régionales, l’affaire s’était brusquement invitée dans les débats, provoquant embarras à droite comme à gauche.

Mais une chose est sûre : à partir du 1er janvier 2016, les autoroutes allemandes deviendront payantes pour les automobilistes et de nouveaux véhicules viendront forcément s’ajouter aux actuels 165 000 voitures et camions qui empruntent quotidiennement l’A35 autour de  Strasbourg. C’est d’ailleurs pour cette raison que le conseil de la CUS a adopté le 19 décembre une motion proposée par les élus écologistes appelant le gouvernement à (r)établir l’Écotaxe dans l’Est de la France sous forme de « taxe poids-lourds régionalisée » pour contrebalancer la taxe allemande.

Requalification de l’A35 : les collectivités locales ont déjà mis la main au porte-monnaie

Le 24 novembre 2014, le conseil de la CUS a également approuvé un partenariat avec le département et la Région, prévoyant 500 000 euros pour une « étude pré-opérationnelle » en vue de la requalification de l’actuelle rocade de l’A35 en boulevard urbain. Le calendrier prévisionnel laisse songeur : études jusqu’en 2020 et réalisation « postérieurement à la mise en service » du GCO. Là encore le timing est mauvais puisque cette requalification a été proposée avant l’abandon de l’écotaxe en France et avant la décision allemande de créer des autoroutes à péages.

La FDSEA quitte le collectif « GCO non merci »

Quant à l’opposition au projet, elle évolue sensiblement. Le fameux collectif « GCO non merci » (voir ici le site vintage) était traditionnellement constitué de trois entités : les élus locaux, les agriculteurs et des associations environnementales. Si élus et associations sont toujours mobilisés, il n’en va pas forcément de même pour les agriculteurs, dont un nombre croissant est passé de l’opposition à l’attentisme.

Pour le représentant de la FDSEA du Bas-Rhin, Dominique Daul, les agriculteurs doivent « réagir en chefs d’entreprise » :

« Nous avons une position syndicale, qui est de ne plus faire partie du collectif anti-GCO. La décision de relancer le GCO a été prise et nous n’avons plus le choix, nous ne nous plaçons pas dans l’illégalité. Les agriculteurs ne veulent pas d’un scénario à la “barrage de Sivens” entre Strasbourg et le Kochersberg. Donc une fois que le concessionnaire aura été désigné il faudra négocier, à la fois en ce qui concerne les accès aux parcelles, mais aussi les contreparties aux surfaces agricoles perdues, notamment à travers des remembrements. De notre côté tout est en place, nous avons déjà désigné les membres de la commission de remembrement. On veut avant tout éviter la double peine : perdre 280 hectares pour le GCO et peut-être même le double de terres allant à des compensations environnementales ».

Mais tous les agriculteurs ne sont pas d’accord, loin s’en faut. À Kolbsheim par exemple, Thibault Diemer, jeune agriculteur, se bat « plus que jamais » contre le projet et revendique son soutien au nouveau collectif anti GCO à titre individuel :

« Je compends qu’on puisse préparer la négociation car pour le moment on est dans le flou complet sur le remembrement, mais cela donne l’impression que la solidarité contre la réalisation du GCO a pris fin. Personnellement je suis toujours contre le projet et d’ailleurs il m’arrive d’aller à la cabane des “anti”, même si d’autres agriculteurs me demandent pourquoi je vais “traîner avec des écolos”. Il faut bien se rendre compte qu’entre le GCO et le projet de rocade sud à Fegersheim, on se fait bouffer de partout ! Mais il faut faire attention de bien maîtriser le mouvement car on n’est pas des méchants, on ne veut pas que cela devienne comme à Notre-Dame des Landes (où l’opposition à la construction d’un aéroport provoque de réguliers affrontements avec les forces de l’ordre, ndlr). »

Sébastien Schmitt, agriculteur bio à Kienheim et non syndiqué, va même plus loin :

« La FDSEA est passée de la contestation à la négociation, elle recherche le clivage entre les intérêts agricoles et écologiques. D’après moi, si on n’est pas contre le projet de GCO, c’est qu’on est pour. La stratégie des opposants est de retarder le plus possible le projet, mais une fois que les grues feront leur apparition, les positions risquent de se radicaliser. On espère qu’on n’arrivera pas à la création une “zone à défendre”, mais moi je suis prêt, on est déjà sur le terrain avec les cabanes et on peut occuper les lieux s’il le faut. »

Peu de mouvement chez les élus locaux

Du côté des élus, la situation est restée sensiblement la même. Avant les élections de 2014, neuf maires avaient publiquement affiché leur soutien au projet, et tous sauf deux ont été réélus en 2014. Mais une majorité de maires des communes concernées sont toujours opposés au projet.

Le maire de Pfettisheim et animateur du collectif « GCO non merci », Luc Huber, résume ainsi la situation :

« La plupart des communes concernées par le projet ont adopté des motions contre le GCO, à commencer par la Communauté des communes du Kochersberg, et une douzaine de maires sont publiquement contre. On n’en est pas à compter les forces en présence, mais tant que les communes n’adoptent pas de motion officielle disant le contraire, nous considérons que les oppositions exprimées dans le passé restent valables. »

À Vendenheim, le maire Pierre Pfrimmer a exprimé ainsi sa position sur le site Internet de la commune:

« Nous sommes opposés [au GCO] pour trois raisons : il est facteur de pollution, de défiguration de notre environnement, surtout il ne résoudra aucun problème en ce qui concerne l’accès à Strasbourg. »

C’est d’ailleurs dans sa commune qu’une troisième cabane anti-GCO sera inaugurée samedi. Quant au maire de Kolbsheim Dany Karcher, il est un des piliers de la contestation et lui aussi, se tient prêt à « défendre la zone » comme il l’expliquait dans notre reportage en décembre (voir la vidéo). Du côté des associations environnementales comme Alsace Nature, on a remis en place les ressources pour structurer l’opposition : parallèlement à l’occupation du terrain avec les cabanes, l’association écologiste publie une dizaine de « contre-propositions ».

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : Alsace Nature dégaine ses 10 propositions contre le GCO

Sur Rue89 Strasbourg : Vingt ans de grand contournement ouest de Strasbourg

Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur le GCO


#collectif GCO non merci

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