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Qui est Gil Jogging, ce grand sensible qui n’accepte pas le monde ?

Il embarque un vieux synthé, un survet vintage, et une mèche rebelle. Gil Jogging a mis six ans à naître, mais ça y est, il est prêt. À coups de textes provocs, de samples ultra-pop et de mélodies huilées, il s’inscrit dans la lignée des VRPs et des Didier Super pour moquer la société. Une voie risquée, mais tellement nécessaire. Gilles Leroy, un Strasbourgeois qui gagne à être connu.

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Qui est Gil Jogging, ce grand sensible qui n’accepte pas le monde ?

Gil Jogging : mais qui est-il ? (doc remis)
Gil Jogging : mais qui est-il ? (Photo Gabriel Goubet)

On trouve Gil Jogging à Strasbourg au Gobelet d’Or, l’un des rares restaurant populaire à avoir survécu dans le quartier gare. C’est là qu’il est bien Gilles Leroy, au milieu des maçons, des ouvriers et des coquillettes, lui qui décoche dans ses textes des amabilités aigre-douces pour l’ensemble de l’humanité : les filles, les arrivistes, les mecs trop cools, les artistes et l’univers de la culture dans son ensemble…

D’une manière générale, le monde est difficile à accepter pour Gilles. Arrivé à Strasbourg en suivant sa compagne en 2002, il a été animateur radio, régisseur dans l’audio-visuel mais il n’a jamais lâché les chansons qui lui trottaient dans la tête. Une expression artistique qui lui sert de soupape de sécurité, lui qui à 38 ans coupe le son de FIP lorsque survient le flash d’actualité :

« Je ne supporte pas les infos, je ne crois pas une seconde à ce qu’on nous raconte. Tout m’insupporte, m’oppresse. C’est pourquoi je développe Gil Jogging, qui est une version plus aboutie, plus assumée, de moi. Ça me permet de tourner en dérision ce qui me révolte le plus. J’ai besoin de l’humour pour vivre. Si je n’arrive pas à rire de tout, je ne peux pas me lever le matin. C’est tout simplement trop dur. »

« Le réveil, une contrainte de l’enfer qui t’écrase le cerveau »

De toutes façons, c’est dur de se lever pour Gilles qui a banni le réveil de son appartement :

« Le réveil, c’est une contrainte de l’enfer qui t’écrase le cerveau. Si tu as un réveil, c’est que tu es un robot. On t’a programmé pour faire un certain nombre de tâches, voilà, c’en est fini de ta liberté d’exister, ta liberté de penser. Une journée où je dois utiliser un réveil pour me lever est une journée gâchée. J’ai découvert ça lors d’un voyage à Abidjan en Côte d’Ivoire quand j’avais 17 ans, j’ai vu ces gens qui vivaient au rythme qu’ils choisissaient… Tout l’inverse que ce qu’on nous avait appris ici. »

C’est peut être pour ça que Gil Jogging a mis du temps à naître, six ans exactement que Gilles Leroy tourne autour de ce personnage « 100% survet 0% sport ». Et 100% cynisme aussi. Il vient de boucler un premier album, disponible sur Bandcamp, un deuxième est prêt et un troisième est en préparation. Bien que Gilles écrive textes et mélodies, rien de tout ça ne lui rapporte un centime, aussi cherche-t-il à débuter une tournée :

« C’est clair qu’il y a eu un temps de maturation, mais il fallait ça… Je me nourris du quotidien et c’est très très long d’écrire des textes drôles, ou qui essaient de l’être en tout cas. Même le nom je ne l’ai pas trouvé moi même, c’est quelqu’un qui a mis “Gilles Jogging” sur un planning de salles de répétition pour me différencier d’un autre Gilles et parce que je venais en survêtement. »

« Un pur produit de la classe moyenne et de l’école »

Pour autant, Gil Jogging ne vient pas de nulle part non plus. Issu de la classe moyenne avec un père VRP et une mère au foyer dans la banlieue de Tours, le jeune Gilles Leroy calquait déjà des paroles singeant sa famille sur des musiques de Mozart. C’est à une tournée avec La Chanson du Dimanche en 2009 et à un concert de Didier Super qu’on doit la naissance de Gil Jogging :

« J’avais vu son premier spectacle “Têtes de vainqueurs” et ça a été une claque. J’espère ne pas l’avoir copié mais il m’a prouvé que cette énergie pouvait fonctionner. »

Peut-être pas avec tout le monde cela dit. Les textes de Gil Jogging bousculent, dérangent même si politiquement, Gilles assure vouloir réserver un traitement équitable à toutes les sensibilités, à la manière des cabarettistes alsaciens.

Avec ce positionnement délicat, Gilles est bien conscient qu’il s’apprête à vivre une période délicate pour ses finances. Il va perdre le statut d’intermittent, obtenu grâce aux contrats dans l’audiovisuel. Mais de toutes façons, Gilles n’aimait pas ce statut :

« L’intermittence, ça t’oblige à compter et décompter tes heures en permanence. Et puis les revenus amènent un certain confort, donc une laisse. Je préfère rester détaché de tout. »

Ce sera donc les concerts, un domaine où les performances de Gil Jogging ont nettement progressé. Invité à partager la scène de « Mon voisin cet artiste » en septembre, Gil Jogging est descendu sur l’asphalte au milieu du public et il a retourné l’ambiance avec son seul micro et son synthé aux sonorités Bontempi. Une sacrée performance pour quelqu’un qui était au naturel plutôt timide.  Il est en ce moment en tournée dans quelques bars de Paris, mais « bientôt dans ton cœur ».

Aller plus loin

Sur soundcloud.com : une compilation de quelques sons

Sur BandCamp : le premier album, « En chair et en jogging »


Des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois mieux connus par leurs exploits ou leurs réalisations en dehors de l’Alsace que par leurs voisins. Et cette série d’articles est là pour changer ça !

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