« L’ancien dépôt d’ordures (…) est souillé par les excréments. Voici où nous en sommes actuellement avec d’un côté des français (sic) qui respectent la loi et paient les impôts et de l’autre des hors la loi que nous subventionnons et qui se pavanent avec voitures et attelages à plus de 100 000 euros. »
Les propos de Laurent Sutter, maire de Rohrwiller qui a donné son parrainage à Marine Le Pen lors des dernières élections présidentielles, ont été perçus comme stigmatisants et erronés par des habitants de sa commune. Et pour cause : en l’espèce, ce ne sont pas les gens du voyage qui n’ont pas respecté la loi, mais ce maire, manifestement très à droite.*
La liberté « d’aller et de venir » est reconnue par la jurisprudence (arrêt du Conseil d’Etat « ville de Lille » du 2 décembre 1983). La circulaire n°86-370 du 16 décembre 1986 réglemente le stationnement des gens du voyage dans les communes de moins de 5000 habitants ne figurant pas au schéma départemental, comme suit :
« En l’absence d’une aire aménagée (…) le stationnement doit être toléré pendant une période minimum de halte (au moins 48 heures). »
Ainsi, les communes qui n’ont pas d’obligation en matière de création d’aire permanente d’accueil doivent permettre la halte des gens du voyage sur des terrains qu’elles leur indiquent pendant cette durée minimale. C’est le cas de Rohrwiller, qui compte 1700 habitants et ne figure pas au schéma départemental qui répartit les aires d’accueil dans le Bas-Rhin.
Le maire, en dépit de cette obligation, a refusé l’accès au terrain identifié par les gens du voyage, qui s’y sont donc installés à son « insu » le 24 juin. Ils y sont restés moins d’une semaine.
Bouches à incendie pour laver les voitures
Pour Louise Michel, habitante de Rohrwiller, l’édito du maire est scandaleux :
« Le maire affirme dans cet article « coup de gueule » que les gens du voyage ont forcé l’accès au terrain communal et aux hydrants [ndlr, bouches à incendies] pour laver leurs voitures. D’une part, il est presque « normal » qu’ils se soient installés quelques jours, ils en avaient le droit. D’autre part, les habitants eux-mêmes utilisent ces hydrants pour laver leurs voitures et remplir leurs piscines. Seulement quand il s’agit d’eux, la maire emploie des termes beaucoup moins véhéments. Il utilise le journal communal pour faire une leçon de morale qui laisse transparaître son ressentiment vis à vis des gens du voyage. Aucun incident n’a été recensé. Pour moi, l’objectif de cet article est clairement électoraliste et ses propos sont choquants ! »
Valse des clichés sur les nomades
Dans l’édito du maire, c’est effectivement la valse des clichés : nomades hors-la-loi, riches et qui manquent de savoir-vivre. Pour preuve, ils font leurs besoins autour des « 200 arbres plantés » par les jeunes du conseil municipal ! Enfin, ces gens du voyage sont ici des étrangers, par opposition aux Français qui « paient leurs impôts ». Or la quasi totalité des gens du voyage sont Français. L’amalgame avec les Roms – dont seulement 15% sont itinérants – et gens du voyage est une fois de plus commis.
* Contacté par nos soins à plusieurs reprises, Laurent Sutter n’a pas donné suite à nos sollicitations.
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