Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours en référé d’Alsace Nature contre la deuxième version du permis d’aménager le viaduc de Kolbsheim, au milieu du Grand contournement ouest (GCO – voir tous nos articles) de Strasbourg, une autoroute payante de 24 kilomètres. Si le tribunal reconnaît qu’il y a « urgence à statuer », ce qui valide la procédure en référé, il ne voit pas dans les arguments présentés par Alsace Nature des éléments de nature à le faire douter de la légalité du permis déposé par la préfecture du Bas-Rhin.
À l’instar du référé précédent concernant l’échangeur nord, les magistrats n’ont pas pris la peine de justifier comment ils écartent les deux points litigieux.
Comme il n’y a plus d’audience programmée à brève échéance (voir l’infographie en bas d’article), ce rejet sonne comme un clap de fin sur le front de la justice administrative.
Trois permis pour un viaduc
Le premier permis d’aménager a été retiré, avant même que le même tribunal ne l’annule, en raison d’un avis des Architectes des Bâtiments de France (ABF) non-conforme. Un accord pour l’ouvrage est nécessaire car les jardins du Château de Kolbsheim, inscrits aux Monuments historiques, se situent à quelques centaines de mètres. Mais lorsque ce permis avait été publié en octobre 2017, il co-existait avec un autre permis de construire, valable pour la commune voisine d’Ernolsheim-Bruche (pour le sud du viaduc). Le permis d’Ernolsheim concerne la partie sud de ce viaduc de 465 mètres de long et une dizaine de hauteur.
Désormais, le permis délivré le 25 janvier 2019 pour Kolbsheim cohabite avec ce permis d’Ernolsheim de 2017 vraisemblablement illégal. Similaire à celui de Kolbsheim, il s’appuyait aussi sur un avis a posteriori des ABF. Mais il a été affiché entre août et septembre 2018 et n’a pas été repéré par les opposants à cette période. Les délais de recours sont épuisés. Le maire de ce village a toujours adopté la posture de l’acceptation du projet et des négociations avec les concepteurs, plutôt que de s’approcher des opposants comme à Kolbsheim.
La jurisprudence en débat
Or, une décision de 2009 du Conseil d’État dite de la « Commune de Grenoble » pose comme principe qu’une opération doit « faire l’objet d’un seul permis de construire ». Ce principe est d’ailleurs assorti d’exceptions, notamment « l’ampleur et la complexité du projet le justifient ». Des critères qui ne s’appliquent pas selon l’avocat d’Alsace Nature, Me François Zind. Le cas de la Commune de Grenoble distinguait un stade de foot de 20 000 places, le stade des Alpes, et son parking. Ce principe a été confirmé et précisé dans une autre décision en 2016 autorisant la construction d’éoliennes et leur point de livraison.
Pour l’État, la représentante du préfet, a fait valoir qu’Alsace Nature connaissait l’existence de cet autre permis et qu’elle aurait pu l’attaquer dans les délais autorisés ou « évoquer l’existence d’un autre permis » dans sa procédure précédente.
Pour le constructeur et exploitant Arcos (Vinci), l’avocat Me Jean-Nicolas Clément a insisté sur « l’urgence à exécuter la décision de l’administration », qui devrait contrebalancer celle à suspendre l’acte le temps d’un examen approfondi. Le viaduc devait être réalisé en « moins de six mois » pour ensuite un « point de passage » pour les engins et construire, les « autres parties du projet ». Question calendrier, il a ajouté que la situation actuelle a « rogné les marges de confort » de la société. Cette dernière annonce sur son site une mise en service pour la mi-2021 et non septembre 2020 comme prévu dans le contrat de concession de 2016. Elle est exposée à des pénalités financières en cas de retard.
Sur la question du permis d’aménager, il a aussi plaidé pour l’utilisation des « exceptions » posées la jurisprudence du Conseil d’État.
L’architecte des ABF vient s’expliquer
La question de l’avis des ABF a moins fait débat. Invité par la préfecture, Gregory Schott, architecte des Bâtiments de France du Bas-Rhin est venu lui-même expliquer avec clarté l’avis qu’il a élaboré en novembre 2018 « avec le constructeur » et délivré le 13 décembre 2018. Il a indiqué que son avis était un « accord », assorti de deux « recommandations » et non de « prescriptions ».
La première a été suivie par la Préfecture, à savoir de demander des matériaux avec une finition « non-brillante ». La deuxième est plutôt un « point de vigilance » à savoir que les plantations « optionnelles » (comme indiqué au tribunal) mais néanmoins « nécessaires au projet paysager » (comme indiqué dans son avis) pour cacher la viaduc doivent bien faire l’objet d’autres demandes d’autorisation auprès des ABF. Il n’avait pas émis l’avis précédent en 2017, qui incombait à son prédécesseur.
Des travaux le jour de l’audience
Dans l’après-midi, quelques heures avant l’audience des travaux se sont déroulé à cet endroit. Une trentaine de militants ont retardé les coulées de béton sous-terraines d’environ une heure, avant d’être écartés par les gendarmes. Toujours dans la même journée, le président de l’Eurométropole, Robert Herrmann (PS), soutien le plus actif du projet a indiqué publiquement avoir porté plainte, suite à un courrier anonyme de menaces.
Une décision sur le fond est attendue dans les mois à venir. Lorsque le premier permis avait été suspendu en référé en septembre 2018, l’audience sur le fond avait été programmée en novembre, puis décalée par le juge à la fin décembre, lorsqu’elle avait été renvoyée à février 2019 dans la confusion.
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