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GCO : Près de Vendenheim, Arcos a enterré un projet de fouille archéologique jugé nécessaire

En septembre 2018, le service archéologie de la préfecture a prescrit une ultime fouille sur le chantier du GCO, entre Vendenheim et Eckwersheim. Quelques mois plus tard, un gigantesque remblai de terre recouvre la zone. L’opération est annulée. Cet exemple témoigne de relations parfois tendues entre la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et le constructeur-exploitant Arcos. La filiale de Vinci a déjà reçu un rappel à l’ordre pour six entraves aux travaux d’archéologie.

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GCO : Près de Vendenheim, Arcos a enterré un projet de fouille archéologique jugé nécessaire

Vinci n’aime pas l’archéologie. Plus de deux ans après le début des fouilles, sa filiale Arcos veut construire le Grand Contournement Ouest (GCO) au plus vite… quitte à oublier ses obligations. Entre Vendenheim et Eckwersheim, des archéologues devaient réaliser début mars les dernières fouilles en marge du chantier. Ils ne se sont jamais rendus sur place. Le 26 mars 2019, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) publiait un arrêté pour annuler l’opération. L’unique explication lisible sur l’arrêté : « la première tranche des fouilles a permis de récolter les renseignements nécessaires à la compréhension du site. » L’enquête de Rue89 Strasbourg révèle une autre raison derrière cette décision.

La construction de ce pont provisoire a déplacé des tonnes de terre sur une zone destinée à la fouille archéologique. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

Deux arrêtés contradictoires, un remblais

Le 6 septembre 2018, un arrêté préfectoral autorisait une deuxième tranche de fouille entre Vendenheim et Eckwersheim. La Drac justifiait l’opération en « considérant la nécessité d’une seconde phase d’intervention afin de procéder à la fouille de la zone anciennement protégée. » Les mois passent et Arcos ne met pas la fouille en œuvre. Début 2019, la filiale de Vinci recouvre même la zone prescrite d’un gigantesque remblais. Autour du canal de la Marne au Rhin, le chantier d’un pont provisoire a déplacé des tonnes de terre sur la zone à fouiller. Les scientifiques d’Alsace Archéologie ne se rendront donc pas sur place.

Les premiers diagnostics sur ce site ont permis de découvrir la trace d’un habitat du néolithique ancien, d’une occupation de l’âge de Bronze et de mobilier céramique du néolithique à la protohistoire. L’ultime opération archéologique était prévue pour trouver « d’éventuels aménagements de berge. » Un premier arrêté a affirmé la nécessité de cette fouille. Sept mois plus tard, un second indique le contraire.

« Au vu du remblaiement du terrain… »

Pour répondre à nos questions, Nicolas Payraud, conservateur régional de l’archéologie adjoint, se perd dans les innombrables documents liés aux 33 fouilles prescrites dans le cadre du GCO. Sur ce sujet sensible, l’archéologue de formation assure d’abord de la régularité de la procédure et souligne les nombreuses découvertes réalisées au cours des trois dernières années. Confronté aux deux arrêtés contradictoires, le responsable livre sa compréhension :

« En mars 2019, ma décision, c’est d’abroger la deuxième tranche de fouille, au vu du remblaiement du terrain, qui fait que les travaux prévus ne portent plus atteinte aux éventuels vestiges et que la fouille de la première tranche a donné suffisamment d’informations. Je ne sais pas quelle était la nature des travaux prévus en septembre 2018 (étant en poste depuis janvier 2019, ndlr). »

Carte de la fouille prescrite par l’arrêté préfectoral SRA 2017/A155 entre Vendenheim et Eckwersheim. La deuxième phase de l’opération archéologique est représentée par les deux tranchées grisées partant du rectangle gris.

Que s’est-il passé entre septembre 2018 et mars 2019 entre Vendenheim et Eckwersheim, mystère. Arcos n’a pas souhaité répondre à nos questions. Ce qui est sûr, c’est qu’aucune « opération n’a eu lieu entre septembre et décembre 2018 », indique Nicolas Payraud. Puis début 2019, la filiale de Vinci a lancé la construction d’un pont provisoire qui a déplacé des tonnes de terre sur la zone à fouiller. L’entreprise a ainsi rendu quasi-impossible le travail des archéologues. Il aurait fallu déplacer le remblai pour fouiller, et espérer que les éventuels vestiges n’ont pas été abîmés par le poids de la terre déplacée… L’opération aurait été probablement inutile. Selon les conclusions du diagnostic préliminaire, livrées dans l’arrêté préfectoral SRA Numéro 2017/A155 du 16 mai 2017, un quart des tests pratiqués indiquent « une faible profondeur conservée ».

Selon les conclusions d’un diagnostic préliminaire réalisé sur le site 6-1, les vestiges découverts se trouvent souvent à une faible profondeur. Pas sûr qu’ils aient survécu à la pose d’un remblais de plusieurs tonnes.

Un rappel à l’ordre général pour Arcos

Tout au long des fouilles, les archéologues ont subi cette urgence du chantier. Les causes sont multiples : un chantier hors-normes, avec 33 fouilles à réaliser sur un tracé de 24 kilomètres. Les contraintes écologiques ou environnementales exigent parfois de reporter les opérations. Le projet autoroutier évolue aussi, obligeant les scientifiques à modifier leurs plans. Les calendriers s’entrechoquent.

Selon nos informations, Alsace Archéologie a plusieurs fois subi des reports de fouille décidés par Arcos. Des archéologues embauchés en CDD ont dû poser des congés, leurs contrats ont été allongés… Ce sont les équipes archéologiques qui s’adaptent au maximum au calendrier d’Arcos, qui est soumise à des pénalités financières en cas de retard. Nicolas Payraud déplore l’attitude du concessionnaire autoroutier :

« Globalement les choses se sont bien passées mais il y a eu divers types de travaux qui ont pu constituer une gêne. Par exemple, deux fois des poses de canalisation ont été faites avant ou pendant les fouilles… Le constructeur met une pression sur les archéologues parce qu’il doit respecter ses délais. Les équipes sont lessivées par trois ans de recherches et de résultats. Elles ont fait un travail remarquable. D’où nos regrets quand on voit qu’on doit envoyer un rappel à l’ordre sur six chantiers (sur 33, ndlr) alors qu’on a toujours été très réactifs. »

Ces tensions ne datent pas de la fin des fouilles archéologiques. Suite aux diagnostics préventifs, début 2017, Vinci se plaint d’avoir à attendre la fouille de 33 sites (suite aux 47 « points d’intérêt » identifiés lors du diagnostic) et se tourne vers la préfecture. Un agent se souvient de la bataille en coulisses pour maintenir toutes les opérations prescrites : « Au départ, les constructeurs avaient sous-estimé l’archéologie de manière extraordinaire… »

Garder le cap malgré les critiques

Ce rappel à l’ordre peut donner lieu à des sanctions. Mais Arcos a pour l’instant ignoré la Drac : « Notre rappel n’a été suivi d’aucune réponse », regrette Nicolas Payraud.

En 2017, plusieurs maires ont déploré des efforts insuffisants pour les fouilles préliminaires. Jean-Charles Lambert, maire de Stutzheim-Offenheim, estimait  alors que les diagnostics archéologiques devaient être réalisés sur 10% de la surface concernée par les travaux. Avec l’accord de la Drac, ces fouilles préliminaires n’ont porté que sur 5% de la zone à aménager, justifié par les fouilles précédentes dans le secteur, notamment pour la LGV Est.

Les archéologues ne se plaignent pas. Vinci leur a donné du travail pour plusieurs années. Il pourrait en donner encore sur d’autres projets. Tout comme Arcos, Alsace Archéologie n’a pas souhaité donner suite à nos demandes d’interview.


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