« S’il y a bien un dossier qui m’a bouffé du temps, c’est celui du GCO », lâche René Wunenburger, maire de la commune de Griesheim-sur-Souffel depuis 2001. Opposé au projet de rocade à ouest de Strasbourg depuis près de 20 ans, il se présente pour un quatrième mandat et n’a guère de concurrent. Si le retour en arrière semble aujourd’hui impossible, René Wunenburger se bat désormais pour atténuer les nuisances du Grand contournement ouest (GCO, voir tous nos articles) dont la mise en service est prévue à l’automne 2021.
« Dans le cadre du remembrement, nous avons acté au niveau intercommunal la création d’une piste cyclable le long de la route départementale 64. Nous voulons aussi faire des plantations le long des cours d’eau. »
« Depuis six ans, on s’ennuie en conseil »
À Duttlenheim, au sud-ouest de la future autoroute de 24 kilomètres, Alexandre Denisty, conseiller municipal anti-GCO, mène avec Sylvia Fenger-Hoffmann la liste d’opposition au maire sortant Jean-Luc Ruch (Divers droite). Ce responsable logistique de 59 ans s’engage contre la « politique environnementale timide » de son maire et les « maigres » compensations obtenues pour le GCO à Duttlenheim. Il regrette aussi l’absence de concertation sur les projets locaux :
« Le maire nous a refusé le financement d’une étude indépendante sur les nuisances sonores avant et après le GCO. Il se contente de celle de Vinci. Depuis 6 ans, on s’ennuie copieusement en conseil municipal. Tous les projets arrivent déjà prêts, réalisés par des cabinets de conseil. »
Jean-Luc Ruch, maire de la commune depuis 2001, qui ne s’est jamais mis en travers du GCO, dément :
« Lors de ce mandat, nous présentions les grands projets en commission. Les élus d’opposition, dont M. Denisty, ne s’exprimaient jamais, ils ne parlaient que pendant les conseils municipaux. »
L’aire de services qui fâche à Duttlenheim et Duppigheim
La commune de Duttlenheim accueillera la future aire de services du GCO au nord-est de son ban communal (entre la zone d’activités économiques de la Plaine de la Bruche et la D411). D’abord prévue un peu plus au nord, les communes de Griesheim-sur-Souffel, Dingsheim et Pfulgriesheim s’étaient opposées au projet en 2016. « Nous avons tout de même négocié la sortie d’autoroute gratuite », justifie Jean-Luc Ruch qui a « respecté l’État ». Alexandre Denisty fustige ce projet dont « ni l’aspect visuel, ni l’aspect technique ne sont connus. »
Cette aire de services, en attente d’un permis d’aménager, concerne également la commune voisine de Duppigheim. Julien Haegy, président de l’association Duppigheim qualité de vie (DQV) y mène une liste (À cœur et en chœur) pour les municipales :
« Nous envisageons de déposer un recours contre l’aire de services, que ce soit en tant qu’association ou en tant que futurs élus. Ce projet engendrera pollution et nuisances sonores, notamment pour le collège Nicolas Copernic de Duttlenheim. »
Un membre de la DQV et de la liste (À cœur et en chœur)
De la lutte associative au combat politique
Avec Duppigheim Qualité de Vie, Julien Haegy se félicite d’avoir obtenu la seule étude de bruit indépendante avant et après la réalisation du GCO. Transmis en novembre dernier, le premier volet de l’étude acoustique menée par le bureau spécialisé Venathec révèle des mesures qui « semblent corroborer » celles réalisées par Vinci.
Reconnaissant envers la mairie pour la subvention de 9 000€, cet inspecteur du recouvrement à l’Urssaf n’est pas moins déterminé à s’opposer à Mylène Simon, la conseillère municipale de Duppigheim qui se présente pour succéder au maire sortant :
« Si nous sommes élus, nous aurons plus de poids pour interpeller les députés et les élus et de la communauté des communes. Nous aurons aussi plus de poids pour demander des mesures de pollution auprès d’Atmo Grand Est (association agréée par l’Etat pour la surveillance de la qualité de l’air). Nous voulons transformer la dynamique associative en dynamique politique. »
Objectif réduction de vitesse
La liste de Julien Haegy travaille de pair avec celle d’Alexandre Denisty et Sylvia Fenger-Hoffmann. En plus de l’opposition à l’aire de services, les deux équipes de Duppigheim et Duttlenheim souhaitent la réduction de la vitesse de 110 km/h à 90 km/h lors de la traversée des deux communes. Ils s’opposent enfin à la future liaison GCO-Entzheim envisagée par la région Grand Est avec la crainte d’un afflux massif de camions.
La candidate Mylène Simon se positionne également contre cette liaison mais n’ira pas aussi loin que son opposant :
« Je n’ai pas l’habitude de me battre contre des moulins à vent. Le GCO est le cheval de bataille de M. Haegy, pas le mien. Je souhaite améliorer la gestion du stationnement, la réfection des pistes cyclables et la modification de la desserte des camions pour éviter la traversée du village. »
À Ernolsheim-Bruche, deux novices s’affrontent
Plus au nord, les premières habitations d’Ernolsheim-Bruche se situeront à moins de 300 mètres du GCO. Martin Pacou, le maire sortant de la commune, ne s’est jamais positionné contre le GCO. Il ne se présente pas pour un second mandat.
Hubert Wolff, 60 ans, dirigeant d’une entreprise de matériaux de 50 employés a pris la suite « pour éviter qu’Ernolsheim-Bruche ne soit jumelée avec une autre commune » en l’absence de listes au début du mois de février. Pour son premier engagement dans la vie politique, Hubert Wolff explique :
« Nous allons assurer la continuité de Martin Pacou. Concernant le GCO, il est maintenant acté, nous sommes obligés de composer avec. Je ne connais pas bien le dossier mais un agriculteur présent sur ma liste se penche sur le remembrement (regroupement de parcelles agricoles, ndlr) et le choix de plantations végétales. Nous allons faire le maximum pour minimiser les nuisances. »
La liste d’opposition est menée par Éric Franchet, consultant en informatique, « jamais pour ni contre le GCO ». Des opposants au projet font pourtant partie de cette liste de novices en politique comme Guillaume Bourlier, président de l’association écologiste de la Réserve du Bishnoï et Camille Violas, cogérante de la buvette du Ravito du cyclos. Le premier place l’environnement au cœur des préoccupations. Il souhaite endiguer la bétonisation et une « consommation de foncier qui ne s’arrête pas ». La seconde est étonnée de « l’absence de réunion publique concernant le GCO ces cinq dernières années. »
L’opposition n’existe plus à Vendenheim
Au nord, Vendenheim sera l’une des communes les plus touchées par les nuisances sonores et la pollution avec le passage des véhicules à moins de 100 mètres des habitations. D’abord un symbole de la lutte anti-GCO, la commune et son maire Philippe Pfrimmer (DVD) ont adopté un protocole avec Vinci en 2018 afin de sortir d’une « opposition stérile ». Ce texte avait pourtant été rejeté d’une courte majorité par les 20,20% de votants lors d’une consultation locale. L’accord prévoit des compensations financées par le géant du BTP en échange du désistement de « toute action contentieuse » pendant 20 ans de la part de la commune.
Contre la réalisation de la future portion d’autoroute payante, le groupe d’opposition Unis pour Vendenheim (4 élus au conseil municipal) ne se représente pas. La voie est libre pour Philippe Pfrimmer. Valérie Renard, élue d’opposition, regrette cette situation :
« Pour des raisons personnelles et de disponibilité, la plupart des membres n’ont pas voulu s’engager dans la course à la mairie. Unis pour Vendenheim va probablement être dissout. Personnellement je continuerai à m’engager avec les Fédinois contre le GCO. Je suis d’ailleurs très surprise, je pensais que l’association allait créer une liste. »
Philippe Ployé, président des Fédinois contre le GCO, a envisagé une candidature à la mairie avant d’abandonner à cause d’une mobilisation en baisse dans les manifestations contre le projet autoroutier : « Lors des dernières manifestations contre le GCO, nous étions à peine 20 Fédinois… »
Philippe Pfrimmer n’est pas tendre avec un de ses adversaires les plus coriaces lors de cette mandature :
« Entre 2005 et 2011, je manifestais contre le GCO. Philippe Ployé n’était pas là. Si ses arguments tenaient vraiment la route, il serait à la tête de la liste d’opposition. »
Pour son prochain mandat, Philippe Pfrimmer envisage la rénovation de bâtiments municipaux afin de les rendre moins énergivores. Aussi, le maire sortant souhaite établir « ceinture verte de 5 à 10 mètres (espaces verts, haies) autour de la commune pour mettre de la distance entre les habitations et les cultures. »
Une écotaxe en Alsace : prochain combat local ?
Pour Philippe Ployé, le combat continuera à travers le milieu associatif. Même son de cloche pour Luc Huber, maire délégué de Pfettisheim, fusionnée avec Truchtersheim. Pour cet opposant tenace au projet de Vinci, son engagement politique s’arrête et sa lutte se poursuivra au sein du collectif GCO non merci. Le maire de Griesheim-sur-Souffel, René Wunenburger, annonce la teneur du combat politique à venir :
« On a perdu le combat contre le GCO, maintenant il appartient à nous, maires des communes traversées par le tracé, de gérer l’après-GCO. Il faut continuer à demander haut et fort la mise en place de l’écotaxe en Alsace (appliquée aux poids lourds). »
Depuis l’instauration en Allemagne d’une écotaxe sur les poids lourds en 2005, les camions de plus de 12 tonnes privilégient le passage par l’A35. Yves Bur, ancien député bas-rhinois, soutenait en février 2019 au micro de France Bleu Alsace la mise en place d’une écotaxe alsacienne. Selon le maire de Lingolsheim, qui s’arrête, une telle mesure permettrait de soulager le futur GCO de « 2 000 camions » par jour.
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