Comme nous l’écrivions quelques jours après le second tour de l’élection présidentielle, le projet de grand contournement ouest de Strasbourg (GCO) a perdu tous ses soutiens politiques au niveau de l’Etat. Des fuites du côté du concessionnaire pressenti, le géant du BTP Vinci, ont permis à l’agence Reuters de prédire l’abandon du projet après les élections législatives. Une information qui a fait bondir le président UMP de la Région Alsace, Philippe Richert, qui soutient cette autoroute depuis 15 ans. Cet après-midi, il n’a pas eu de mots assez durs pour exprimer son courroux si la nouvelle était confirmée.
Premier argument développé par Philippe Richert : l’abandon pour des raisons politiciennes d’une infrastructure dont « l’absence [sera] ressentie quotidiennement par tous ceux qui sont dans les bouchons, mais aussi indirectement par ceux qui subissent nuisances et pollutions ». Et de marteler que 43 000 personnes meurent chaque année en France à cause de la pollution atmosphérique, dont une bonne partie est due à la circulation automobile. Pour appuyer son propos, il cite même un adjoint Vert au maire de Paris, qui s’exprimait en 2008 dans le Nouvel Observateur sur l’urgence « de rendre contraignantes les mesures de réorganisation des la circulation lors de pics de pollution (contournements d’agglomération par les poids lourds de transit »…).
Et puis l’A35, qui se verrait délestée de 10 à 30% de son trafic poids lourds vers le GCO, est selon lui une autoroute dangereuse. Pour preuve, l’accident qui s’est produit ce vendredi matin à hauteur de Geispolsheim (lire l’article des DNA), qui a fait un mort et neuf kilomètres de bouchons pendant plusieurs heures. Mais aussi les impacts d’accidents sur les murs de l’autoroute à hauteur de Brumath… Pour Philippe Richert, les opposants au GCO sont donc des irresponsables qui mettent en danger la vie des autres. Ils apprécieront, surtout Justin Vogel, maire UMP de Truchtersheim et vice-président du Conseil régional.
L’abandon du GCO : une perte économique pour l’Alsace
Argument numéro deux, la perte économique pour l’Alsace que constituerait cet abandon, qui « témoignerait de l’absence de vision de moyen et long termes du développement de notre région ». « Les choix d’aujourd’hui pèseront lourdement dans quelques années », prévient-il. Et d’enfoncer le clou:
« Nous sommes dans un contexte de crise, qui frappe des familles. On n’est pas en train de jouer, là ! C’est d’un projet de relance dont on parle. Un projet sur des fonds presque exclusivement privés de 540 millions d’euros de travaux, porté depuis 15 ans par des gouvernements et des collectivités de droite comme de gauche. »
Pour valider sa thèse, il transmet un courrier signé en 2000 par Catherine Trautmann, alors maire PS de Strasbourg, s’adressant au ministre Jean-Claude Gayssot et validant le principe du GCO. Et pour faire bonne mesure, le président de la Région Alsace joue une dernière carte, celle de l’Alsace victime des gouvernements de gauche, sacrifiée sur l’autel des accords entre les socialistes et les écologistes:
« En octobre 1997, déjà, le gouvernement Jospin, faisant suite à une transaction de campagne avec les Verts, avait abandonné dans des conditions tout aussi étonnantes, le projet du canal entre la Saône et le Rhin (…). On se souvient également qu’en octobre 1984, le gouvernement Fabius avait remis en cause, déjà unilatéralement et sans concertation, le choix initial de Strasbourg pour l’accueil du Synchrotron au bénéfice de Grenoble. »
« Une décision politique de pure complaisance »
Au même moment, le président du conseil général du Bas-Rhin Guy-Dominique Kennel, successeur de Philippe Richert à ce poste, fait parvenir aux médias un communiqué sur le sujet. Il a la même lecture politico-économique de l’abandon du projet de GCO :
« Si cette décision politique, de pure complaisance avec les alliés du nouveau gouvernement est confirmée, elle est synonyme d’un immense gâchis tant au point de vue économique que pour la qualité de vie des riverains et pour tous les Bas-Rhinois qui n’ont pas d’autres choix que d’emprunter quotidiennement l’A35. »
Si, comme cela se dit, c’est bien le groupe Vinci qui jette l’éponge, faute de closing financier ou par simple calcul politique, le groupe serait engagé sur d’autres opérations plus juteuses et moins risquées avec l’Etat, le gouvernement n’aura même pas à prendre la décision de ne pas signer le décret accordant la concession au géant du BTP. Pour Philippe Richert en revanche, le prix de l’alternance est élevé : il perd un ministère, une centrale nucléaire et peut-être les emplois qui vont avec, et ce projet autoroutier. Mais il lui reste la Marque Alsace.
L’Alsace demandera des compensations financières
Le président de la région n’hésite pas à menacer : dans l’affaire du canal entre la Saône et le Rhin, « la Région avait obtenu des compensations financières de l’Etat au terme d’un recours contre cette décision ». Philippe Richert se réserve la possibilité d’engager une procédure le cas échéant. Le chapitre du Grand contournement ouest est encore loin d’être clôt pour la droite alsacienne. Quant au chapitre des solutions alternatives pour désengorger Strasbourg, il n’est pas encore ouvert…
Pour aller plus loin
Sur Blog Notes Claude Keiflin : GCO : que faut-il en penser ?
Sur Rue89 Strasbourg : Vinci a abandonné le GCO faute de financement (ajouté à 22h)
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