Jean-Luc Mélenchon avait un programme pour « L’avenir en commun », les deux Départements alsaciens ont, eux, « l’Alsace en commun ». La comparaison s’arrête là pour ce rendez-vous donné par les présidents des deux Départements alsaciens à la Bibliothèque humaniste de Sélestat mardi 3 avril. Le lieu n’est pas choisi au hasard, car dans cette affaire, il est beaucoup question de symboles.
La bibliothèque, fondée 1452 et abreuvée par la collection de Beatus Rheanus, inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco, permet de parler « d’humanisme », « d’espace rhénan » et géographiquement du « train d’union entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ».
Lancement de campagne
Mais si les deux présidents ont réuni des journalistes, élus et collaborateurs dans l’édifice qui rouvrira ses portes en juin après quatre années de rénovation, c’est pour lancer une campagne « d’Expression citoyenne » pour l’avenir institutionnel de l’Alsace, incarnée par le site expressioncitoyenne.alsace.
Pour la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert (LR), le timing est important :
« Ce n’est pas un référendum, ça n’aurait pas de sens de se prononcer sur un projet qui n’est pas encore validé. Le projet a besoin des propositions formées par les Alsaciennes et les Alsaciens. Cette expression arrive dans un temps politique approprié, après des réunions de concertation à l’initiative d’associations qui ont rencontré un franc succès. Nous voulions maintenant donner la parole aux Alsaciens. »
Pour son homologue bas-rhinois, Frédéric Bierry (LR), l’avenir de l’Alsace est en de passe de devenir « une réalité palpable ou un dossier à placer en bas de la pile et pour longtemps ». Il fait référence à la mission confiée par le Premier ministre Édouard Philippe au préfet du Bas-Rhin et du Grand Est, Jean-Luc Marx, sur le sujet.
Rappelons que, conformément à la volonté du gouvernement, les deux Départements acceptent de rester au sein de la Région Grand Est. « Nous avons fait un grand pas, nous en attendons un de la Région », a d’ailleurs glissé à ce sujet Brigitte Klinkert à l’intention du président du Grand Est, l’alsacien Jean Rottner.
Une nouvelle manière de décentraliser ?
Frédéric Bierry pense que le gouvernement est prêt à bouger. Et que ça méthode peut faire des émules :
« Les dernières lois de décentralisation ont opposé les territoires : le rural à l’urbain, ou les Départements et les Régions. Nous espérons préfigurer d’une nouvelle forme de décentralisation. Le gouvernement a reconnu un droit à la différentiation. »
Les deux chefs d’exécutifs semblent aussi conscients qu’un débat monopolisé par les élus est l’une des raisons de l’échec du référendum en 2013 :
« Nous ne voulons pas nous arrêter au politique et l’institutionnel. Nous voulons interroger la vision qu’ont les citoyens de leur région. »
Les contributions ont donc vocation à influer sur le rapport du préfet, qui consulte beaucoup d’élus des trois anciennes régions sur le sujet depuis janvier. Sa copie est attendue pour « le printemps ». Le deux présidents savent aussi que ce sont les plus mobilisés sur le sujet qui risquent de se mobiliser.
Dix propositions, plus ou moins sérieuses
Pour cela, le tandem avance dix propositions. Dans la première, les élus assurent que les plaques d’immatriculation garderont le 67 et le 68. Ouf ! D’autres idées sont pourtant plus ambitieuses comme la possibilité d’une écotaxe sur les transports routiers en Alsace, de s’impliquer dans l’enseignement des langues, à l’heure où il manque souvent des enseignants en classes franco-allemandes ou encore signer des accords avec l’Allemagne ou la Suisse.
La plupart des propositions sont assez vagues et peuvent rassembler une base large (soutenir le développement économique, accompagner les associations, faire rayonner l’Alsace…). En filigrane, se joue tout de même des compétences que les Départements fusionnés souhaitent récupérer à la Région Grand Est. C’est notamment la question économique qui fâche à ce jour. Les départements veulent d’ailleurs que ces pouvoirs soient transférés par la loi et non délégués par la Région, car une autre majorité pourrait retirer ces délégations.
Pour participer à cette vaste campagne, le plus simple est de laisser un avis sur le site de « l’Alsace en commun », avec une case à cocher pour indiquer son soutien – ou non ! – à l’ébauche de projet actuel. Les magazines institutionnels des deux Départements prévoient aussi d’affréter une lettre pré-affranchie à remplir dans leur prochain numéro (tirage à 1 million d’exemplaires). Enfin, il est possible d’écrire sur papier libre à l’une ou l’autre administration ou encore de s’adresser à elles via les réseaux sociaux.
120 000 euros
Quant à des avis divergents à ceux des 10 propositions, ils doivent « enrichir le projet » dixit Brigitte Klinkert : « Les propositions seront ensuite soumises à un comité de pilotage dans chacun des deux départements et celles qui retiennent l’attention seront prises en compte. »
Cette campagne coûte au total « six centimes par Alsacien », soit 120 000 euros financés à 60% par le conseil départemental du Bas-Rhin et 40% par celui du Haut-Rhin, conformément à leur répartition de population. Les agents des deux administrations sont également sollicités, notamment pour répondre aux questions et commentaires sur Facebook, y compris les week-end.
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