Et si, pour remporter la délégation de service public du cinéma municipal de la Ville de Strasbourg, l’équipe du Troisième souffle avait imaginé un anti-Odyssée ? Enfin partiellement dévoilé, le projet de cette équipe de quatorze personnes réunissant des talents du cinéma, de l’image, du multimédia, des arts et de la télévision veut remettre le cinéma municipal au cœur de Strasbourg, en partant de son emplacement, à proximité immédiate de la place Kléber.
Noémie Flecher, de l’atelier NoJo et membre de l’association, précise :
« Tout le cheminement de notre projet débute par la rue des Francs-Bourgeois. On veut que les Strasbourgeois se sentent invités à entrer dans le cinéma et légitimes à s’approprier ce lieu. »
Un cinéma ouvert sur la ville, c’est le maître-mot du projet du Troisième souffle qui entend se métamorphoser en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour joindre le geste à la parole. Des collèges (fondateurs, salariés, spectateurs, partenaires…) participeront à des degrés divers au pilotage des deux structures du cinéma et du bar, elles-mêmes coopératives tandis qu’un conseil de programmation aura en charge les choix des cycles et des films projetés.
Étienne Hunsinger, futur directeur du cinéma, détaille :
« Ça a l’air très technique comme ça mais c’est un élément essentiel, structurant, de notre proposition. On s’inscrit dans un mouvement décrit dans “Cinema makers”, qui détaille comment des indépendants réinventent ce que peuvent être les cinémas à l’heure du tout numérique. On fera partie de cette génération de cinémas européens devenus des lieux de vie. »
Art cinématographique et enjeux d’actualité
Cette ouverture programmatique devra néanmoins s’accorder aux deux axes forts du projet, que sont « l’art cinématographique », avec par exemple des séquences sur le mouvement, la lumière, etc. et « les enjeux de société », que le futur cinéma veut éclairer par des projections ancrées dans l’actualité. Parmi les exemples français qui ont inspiré l’équipe du Troisième souffle, Étienne Hunsinger cite le Gyptis à Marseille, le Cinématographe à Nantes ou le Mellies à Saint-Etienne.
Devant le jury de sélection, le projet a marqué des points notamment dans la catégorie « utilisation des différents espaces » avec une note de 9 sur 10. Cécile Becker, journaliste indépendante et future secrétaire générale du cinéma, détaille :
« Nous intégrons complètement le bar au projet global, ses espaces seront repensés pour exploiter par exemple le salon qui surplombe le hall d’accueil et dont les arcades donnent sur la rue des Francs-Bourgeois, notamment lors de nos événements, qu’on espère nombreux. »
Nid pour enfants et clubbing
Quant à la petite salle de projection et l’actuel « centre de documentation », le Troisième souffle ne manque pas d’idées, c’est Catherine Mueller, co-directrice de La Chambre, qui résume :
« La bibliothèque sera convertie en une salle de montage et de production audiovisuelle, à destination des publics scolaires par exemple, lors d’opérations de formation. Quant à la petite salle, on veut qu’elle serve de territoire d’expérimentations, qu’elle puisse évoluer entre un nid pour le tout jeune public et un clubbing cinématographique. »
Ce « rêve de cinéma » pour reprendre le mot de plusieurs membres du Troisième souffle doit fonctionner avec un budget annuel d’environ 700 000€, dont près de 250 000€ de subvention municipale. Le projet était semble-t-il le « moins disant » des trois candidatures mais l’équipe tient à préciser qu’elle remportait quand même la délégation avec un niveau de subvention comparable à celui des projets concurrents. La billetterie doit fournir au moins 40% des recettes (avec des tarifs comparables à ce qui existe dans les autres cinémas). L’équipe promet d’être en mesure de mobiliser d’autres financements, nationaux et européens, pour équilibrer le budget. Les onze salariés actuels du cinéma Odyssée seront repris mais leurs fonctions vont sensiblement évoluer, étant donné les nouveaux axes d’ouverture et de diffusion que se donne le Troisième souffle.
Des travaux complets de réfection débuteront à partir du 9 avril, date du début de la délégation au Troisième souffle, et qui doivent durer six à huit mois. Une période de préfiguration durant laquelle l’équipe mettra en place les structures juridiques et proposera des rendez-vous « hors les murs », avant une ouverture officielle prévue à la fin de l’année. Quant au nom du futur cinéma, le Troisième souffle refuse de le dévoiler en attendant « un arbitrage de la maire. »
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