De la place Kléber à Osaka. Pour Funkindustry, il n’y a qu’un pas. Le 25 juillet, les 6 membres du groupe découvrent que leurs morceaux cartonnent au Japon. Très prisé par les amateurs de locking, une danse à la frontière du funk et du hip-hop, le style plein de vie des musiciens strasbourgeois séduit un public à 13 000 kilomètres de là.
Taïwan puis le Japon, la Corée du Sud et la Chine
« Tout a commencé un peu par hasard », s’amuse François-Xavier Laurent, alias « Fx », le claviériste de Funkindustry. Alors qu’ils enregistrent en studio leur second album, les artistes sont contactés fin juillet par Yutaro Yoshihara, un danseur japonais. « Il souhaitait utiliser notre morceau “Do It” pour une compétition de locking au Japon, le Dance Stadium », explique Fx.
À la Naniwa High School d’Osaka (Japon), 12 danseuses lycéennes en uniforme jaune et blanc choisissent donc le son de Funkindustry pour leur show de phase préliminaire. Même si leur performance n’est pas retenue par le jury, les musiciens strasbourgeois profitent d’un passage à la télévision japonaise.
Intrigués, les six amis cherchent à savoir comment leur musique s’est faite connaître à l’autre bout du monde. Sur Instagram, ils reconnaissent « Do It » dans une vidéo de danse du chorégraphe Pog Yuichi, qui compte 12 000 abonnés. Elle a été publiée en décembre 2019 à Taïwan. François-Xavier le contacte immédiatement et réalise l’ampleur du bouche-à-oreille :
« Pog est tombé sur nos morceaux grâce à Apple Music. Il a accroché, les a partagés et nous a annoncé qu’ils s’exportaient partout en Chine, au Japon, en Corée du Sud et à Taiwan dans le milieu du locking. C’est un réseau, tous les danseurs se passent le mot. Quelle surprise ! »
« Au début, on pensait que c’était une mauvaise blague d’un pote, qui aurait ajouté nos sons sur un montage créé de toutes pièces, plaisante Fx. Mais en découvrant vidéos après vidéos sur le net, on a commencé à y croire. Plus on fouille, plus on en trouve. Hier, on en a encore déniché 4 nouvelles. »
« En Chine, Facebook n’existe pas et l’accès à Internet est très restrictif. On ne peut pas le mesurer, mais les danseurs des pays voisins nous disent que les gens adhèrent aussi là-bas. »
François-Xavier Laurent, claviériste de Funkindustry
Promouvoir la scène funk à Strasbourg
Funkindustry existe depuis 2014. François-Xavier a monté ce projet avec deux amis d’enfance : Jean-Mathieu à la basse et son frère Nathan à la guitare et à la voix. Quatre ans plus tard, ils sont rejoints par Rémi (au saxophone), David (à la batterie) et Cédric (à la trompette).
Funkindustry se décrit comme un groupe « jazz, funk et dansant » qui « aime être entouré d’un public qui fait la fête, tape du pied, transpire et ressort avec un grand sourire ». Ensemble, ils ont déjà sorti l’album « Let’s do It again » en 2017, 13 morceaux et 3 clips. Leur second album, éponyme, est prévu pour avril 2021.
En colocation à la Krutenau, François-Xavier, Nathan et Jean-Mathieu ont profité du confinement pour « se consacrer à la musique ». Chaque membre a répété et s’est filmé depuis son domicile. Résultat : une reprise de Walk on the Wild Side de Lou Reed.
Pour l’instant, les artistes cumulent leur vie de scène avec d’autres boulots. « Le but, c’est d’en vivre, » se projette Fx :
« Mais on est six sur scène, ça engendre beaucoup de frais. On a monté un label “Original Tape Records” afin de promouvoir la culture funk à Strasbourg et les artistes dans la même lignée « groove » que Funkindustry ».
Vers une tournée en Asie de l’Est
« On est les premiers surpris de ce qu’il nous arrive », poursuit François-Xavier :
« Recevoir des compliments de l’autre bout du monde, c’est déroutant et excitant à la fois. Avant, pour se marrer, on se disait qu’on aimerait faire une tournée en Asie, car la culture funk et disco y est plus développée. Maintenant, on réalise que c’est réel, que des danseurs ont travaillé des heures sur nos morceaux et les apprécient. Ça donne envie de faire des échanges avec eux, de concrétiser ce rêve. Mais la crise sanitaire risque de casser cette dynamique… »
Pas d’exploitation commerciale
De cette notoriété grandissante, Funkindustry n’en a jusqu’ici tiré « aucun profit », assure Fx :
« On aurait pu demander une compensation financière. Mais il s’agit de petites écoles qui proposent des spectacles amateurs. Les danseurs n’exploitent pas notre musique commercialement, alors on n’a pas envie de gagner des sous dans ces circonstances. On préfère valoriser leurs initiatives, on a plaisir à partager. Tout ce qu’on demande, c’est les crédits. Après, la Sacem nous indiquera les retombées économiques perçues. On ne s’attend pas à des grosses sommes. »
Le claviériste reste prudent face à ce coup de pouce venu d’Asie : « Ça pourrait décoller dans deux semaines, dans deux ans ou même jamais. Il ne faut pas griller les étapes. »
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