Depuis le mois de novembre, les longs murs blancs du Centre Rhénan d’art contemporain (CRAC) d’Altkirch font résonner la voix de Benjamin Seror dans l’espace. Fascination est le fruit d’années d’échanges et de partages autour du concept d’une « exposition musicale », mais surtout d’une longue amitié entre Elfie Turpin, la directrice de l’établissement du sud de l’Alsace, et Benjamin Seror. Questionnant notre relation immédiate avec la musique, Fascination aborde cette thématique avec confort, simplicité et fragilité.
Réalisées à partir de divers instruments comme le clavier, la guitare, la boîte à rythme, les œuvres Depressing Times, Ne plus redire ne plus revoir, Demain, Second Earth, Stresssssss, Those with the Fake shoes, Relaxer et Mediocre se transforment en titres musicaux dont Benjamin Seror est le compositeur. Les chansons ont été composées et réalisées au cours de la pandémie sauf l’une d’entre elle qui se nomme Demain. « Les chansons datent de deux années d’écriture et d’enregistrement dans le Home studio qu’il a créé dans son atelier », explique Elfi Turpin.
Des chansons percutantes et fortement émotionnelles
Avec une activité d’enseignant en parallèle à son statut d’artiste et performeur, Benjamin Seror a également ouvert la voie aux jeunes créateurs, en valorisant les œuvres de ses anciens étudiants de l’École Supérieure d’Art et Design de Grenoble. Binta Diaw d’Italie, Ru Kim d’Allemagne, Yan Li de Chine, et Sohyun Park de Corée ont donc contribué à l’enrichissement de l’exposition grâce à leurs créations plastiques situées au rez-de-chaussée.
Couleur joyeuse, ambiance mélancolique
« Benjamin Seror se décrit comme professeur de frisson plutôt que professeur tout court » , explique Richard Neyroud, chargé des publics et de la communication au CRAC Alsace. Un attribut qui lui correspond bien, car dès le premier étage, les mélodie diffusées nous interpellent dans un environnement atypique. Cette « disco-sentimentale », comme il le décrit lui-même, n’est pas chaotique. Une forme d’harmonie se dégage de l’exposition : même son journal adopte la forme d’un livret musical.
Chaque œuvre est accompagnée d’un son associé à des projections de fleurs colorées sur des grands écrans télévisés ou des installations plastiques condensées, spécifiques à chaque musique. Le tout s’harmonise avec des lumières scintillantes et multicolores dans les recoins de l’espace qui a l’allure d’un club de disco solitaire où le visiteur est portés par des paroles tristes et mélancoliques posées sur des rythmes enjoués.
Ce texte semble nous être destiné. Won’t repeat, won’t see again est une œuvre dont la mélodie reste dans la tête pour quelques jours. C’est l’une des rares à avoir été interprétée à la fois en français et anglais. Accompagnée d’une projection lumineuse de couleur magenta, la fleur de rose figurant sur l’écran, immerge le spectateur dans une tristesse. La voix de Benjamin Seror accentue la phrase : « Ne plus redire, ne plus revoir » pour nourrir le cœur de son interlocuteur. Il interpelle le public à écouter la voix des plus démunies et fragiles.
Ce qui hurle, mais ne s’entend pas
Elfi Turpin explique que Benjamin Seror s’est inspiré de l’image de l’actrice interprétant la Mère Courage en 1957 :
« Il y a une histoire de cri dans l’œuvre de Benjamin, tout comme celle de la Mère Courage. Des injustices et des obstacles subis, qui s’extériorisent par l’image d’un cri mué. Qu’est-ce qu’on entend de son cri ? »
Prise à l’occasion de la pièce de théâtre de Bertolt Brecht créé en 1941, le portrait en noir et blanc montre Hélène Weigel hurlant, les yeux fermés. La photo symbolise l’accablement des innocents et de leurs vies rompues, causé par l’Homme.
D’une manière intuitive, Benjamin Seror devient le porte-parole d’une nature oubliée au détriment de son apparence. En chantant, il devient l’intermédiaire entre le public et les sentiments des voix silencieuses qui fredonnent le désespoir.
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