« Lyon Wants French Tech », Lille est le « coeur de la French Tech » tandis qu’à Toulouse on s’affiche « ready to tech »… Sept agglomérations ont présenté leur candidature auprès du secrétariat d’État à l’économie numérique dans le but d’obtenir le label « métropole French Tech ». Cette démarche vise à certifier la présence d’un « écosystème » d’acteurs publics et privés, prêts à relever les défis posés par l’économie numérique mondialisée. En clair, c’est là où ça va se passer dans les dix prochaines années pour le numérique en France, surtout que l’État prévoit d’injecter 200 millions d’euros des « investissements d’avenir » dans des start-ups numériques de la French Tech.
Et à Strasbourg ? L’Eurométropole ne déposera pas de candidature. L’agglomération a dû faire le constat d’une « masse critique » d’entreprises du numérique insuffisante pour obtenir le label. Le cahier des charges (PDF) réclame une liste d’entreprises avec un chiffre d’affaire supérieur à 5 millions d’euros, en croissance et avec une part à l’export. Dans la CUS, il n’y a guère que DiValto qui correspond à cette description. Du coup, Strasbourg s’est liée à Mulhouse, qui a le même problème de taille, et la candidature sera présentée par le Pôle Métropolitain. Ça tombe bien, depuis sa création en décembre 2011, cette alliance des agglomérations alsaciennes n’a guère brillé par ses réalisations.
Dénommée « French Tech Alsace », la candidature des agglomérations alsaciennes sera présentée jeudi 12 juin lors de deux soirées distinctes à Strasbourg et à Mulhouse. Comme manifestation d’une unité, on aurait pu rêver mieux mais ce double lancement montre à quel point il est délicat de synchroniser deux agglomérations. French Tech Alsace est le premier dossier d’envergure directement géré par le Pôle Métropolitain, ce qui lui confère une valeur de test comme l’admet Jean Rottner, maire (UMP) de Mulhouse :
« Le Pôle métropolitain a été créé pour montrer que Strasbourg et Mulhouse avaient envie de travailler ensemble. Il y a eu des initiatives autour du TGV mais c’est vrai que la French Tech nous donne l’occasion de passer à l’acte, d’autant qu’aucune agglomération n’avait les moyens de partir seule. Le Pôle va recruter et dédier un assistant à maîtrise d’ouvrage qui permettra de disposer d’une gouvernance dans le processus de labellisation et de fédérer les énergies. »
Deux agglomérations, c’est plus lent
Mais évidemment, mettre en ordre de marche deux agglomérations prend plus de temps… Du coup, ce n’est qu’en janvier que les premières réunions d’un comité de pilotage élargi ont eu lieu, réunions vite interrompues en février et mars par l’approche des élections municipales. Romain Spinali, président de Rhénatic, un regroupement d’entreprises du numérique alsaciennes, se souvient :
« C’est vrai qu’on a poussé très fort pour la candidature au début du processus. Mais il a fallu passer d’un tempérament de “cluster” où tout se décide très vite au rythme de deux agglomérations, où tout doit être validé trois fois avant d’entamer la prochaine étape. Du coup, je ne pense pas que French Tech Alsace sera prêt à être présenté en septembre. À Rhénatic, on est en attente de voir quelle sera la mission qui nous sera confiée. La French Tech, c’est ce qu’on fait donc je n’ose pas penser que la mission de coordination ne nous sera pas confiée. »
Mais pour Jean-Marc Kolb, directeur de l’économie numérique à la Chambre de commerce et d’industrie d’Alsace, ce retard à l’allumage ne sera pas préjudiciable à la candidature alsacienne :
« On ne sera pas dans la première vague mais tant pis, on sera dans la seconde. Il n’y a pas d’urgence puisque le label vise à certifier une vision à 3 ans et 10 ans du territoire… Ce délai va même nous permettre de faire valoir les spécificités alsaciennes, en nous donnant le temps d’inclure les entreprises industrielles dans la démarche. Je pense à Häger qui développe la domotique, Kuhn et ses systèmes de pilotages de tracteurs automatiques, Socomec et leurs données sur l’efficacité énergétique, etc. »
Quels choix pour French Tech Alsace ?
L’industrie comme spécificité alsacienne ? C’est aussi le choix de la Région Alsace, qui voit dans l’entreprise 4.0, c’est à dire l’entreprise connectée, le levier de croissance futur de l’économie alsacienne. Mais Romain Spinali aimerait plutôt mettre en avant les pôles de compétitivité constitués, comme ÉnergieVie, Biovalley ou le Pôle véhicule du futur :
« On est une petite région, on ne pourra pas tout faire. Il faudra faire des choix, qui seront forcément hasardeux et qui devront être assumés comme tels. French Tech Alsace ne sera pas un inventaire des entreprises du numérique, ce sera un projet pertinent, différenciant pour la région, sur une sélection de secteurs porteurs pour lesquels l’Alsace peut déjà faire valoir des atouts, comme l’e-santé ou le textile connecté. Il faudra prendre des risques. »
Une vision que ne partage pas Stéphane Becker, président d’Alsace Digitale, association œuvrant pour la promotion de l’économie numérique :
« Avec ce genre de critères, le Steve Jobs alsacien peut se recycler dans la maintenance des machines à laver parce qu’il n’aura pas eu la bonne idée dans le bon secteur… French Tech Alsace ne devrait pas se réduire à une gouvernance, mais créer un environnement pour que les entreprises d’un même territoire travaillent ensemble. Ce serait déjà un gros progrès. Après, on peut toujours proposer des leviers spécifiques pour certains secteurs lorsque l’Alsace dispose déjà d’une avance. C’est ce qu’on a fait avec le Digital Health Camp par exemple, qui était une première en Europe. »
Dans le cahier des charges pour l’octroi du label, la mission French Tech mentionne que « les acteurs du territoire [doivent être] fédérés autour d’une stratégie de développement ». Rhénatic et Alsace Digitale devront donc se mettre d’accord, comme Strasbourg et Mulhouse l’ont fait. Le dossier de candidature demande quelles sont les manifestations autour du numérique organisées sur le territoire. Alsace Digitale peut faire valoir le Start-up Week-End, le Digital Health Camp, l’EdgeFest début juillet. Rhénatic soutient l’eRep Day, jeudi 19 juin à Mulhouse.
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