Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Frédéric Pfliegersdoerffer, maire de Marckolsheim : « Europa Vallée interroge l’identité d’un territoire et de ses habitants »

Suite au lancement d’une étude d’impact sur Europa Vallée (un projet de centre hôtelier, de formation et de loisirs porté par Europapark), le maire et président de la communauté de communes de Marckolsheim, Frédéric Pfliegersdoerffer, revient sur ses ambitions et exigences pour le centre-Alsace.

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Frédéric Pfliegersdoerffer, maire de Marckolsheim : « Europa Vallée interroge l’identité d’un territoire et de ses habitants »

Europa Vallée, un projet aux contours flous. Aux alentours des communes de Diebolsheim et Sundhouse (Bas-Rhin), le PDG d’Europa Park souhaite étendre son parc d’attractions. Complexe hôtelier, structure d’apprentissage de l’allemand et parc de loisirs pourraient ainsi être construits dans cette zone rurale, entre parcelles agricoles et zones naturelles protégées. Mais l’emprise précise de cet ensemble reste inconnue à ce jour.

Téléphérique gelé mais pas le reste…

Autre source de flou : le calendrier du projet. Pour rappel, en novembre 2018, le président de la République Emmanuel Macron en visite en Alsace s’était précipité de communiquer son enthousiasme autour du projet de téléphérique qui relierait Rhinau à Europa Park à travers la réserve naturelle du Taubergiessen. De quoi susciter la fronde des écologistes, allemands comme français, surpris par cette annonce sans communication préalable. Pour calmer la contestation naissante, l’entreprise allemande avait annoncé un moratoire de 5 ans sur le projet de téléphérique… sans s’exprimer sur celui d’Europa Vallée.

En octobre 2020, les Dernières Nouvelles d’Alsace ont révélé qu’une étude d’impact du projet Europa Vallée sera coordonnée par l’Agence de développement d’Alsace (Adira). Suite à cette nouvelle annonce, le maire et président de la communauté de communes de Marckolsheim, Frédéric Pfliegersdoerffer (sans étiquette), a accepté de nous répondre.

Rue89 Strasbourg : Quand avez-vous entendu parler du projet Europa Vallée pour la première fois ? 

Frédéric Pfliegersdoerffer : C’était quelques jours avant l’arrivée du président de la République en Alsace, en novembre 2018. J’ai cru saisir que ce dossier faisait l’objet d’un travail en amont de la part de la Région et du Département, à la faveur de la venue du président. Il y a donc eu toute une série de réunions au niveau de la Région et du Département. L’ancien président de la communauté de communes du canton d’Erstein, Jean-Marc Willer, et moi-même en avons été informés, de même que les maires de Sundhouse et Diebolsheim.

Frédéric Pfliegersdoerffer, maire et président de la communauté de communes de Marckolsheim. (Document remis)

Que connaissez-vous d’Europa Vallée à ce jour ?

Ce que j’en sais, c’est grosso modo la localisation. Europa Vallée se situerait sur les bans communaux de Sundhouse et Diebolsheim. Sur un tiers de ceux de Sundhouse et deux tiers de Diebolsheim. On lance donc une étude globale sur la base d’un certain nombre de choses identifiées : un usage agro-ludique, la promotion de produits traditionnels, un nouveau parc de loisirs et des hébergements “nature ».

Le projet d’Europa Park concernerait principalement le ban communal de Diebolsheim. (Photos Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

« Un saut qualitatif » pour la nature

Le côté « nature » fait partie des questionnements que je porte. Ca ne peut pas être simplement du greenwashing. Il doit y avoir un vrai saut qualitatif. Il y a l’éventualité de création de structures pouvant accueillir des événements à caractère culturel et un centre d’apprentissage de la langue allemande, qui reste un des gros enjeux de la coopération transfrontalière.

Europa Vallée et le projet de téléphérique sont-ils dépendants ? 

Si je m’en réfère aux échanges qu’on a pu avoir avec Michael Mack (directeur exécutif d’Europa Park, ndlr) lors de deux réunions, les deux choses pouvaient être disjointes.

« Pas d’opposition de principe »

Cela a pu changer depuis, mais je reste sur la base d’une réunion à Benfeld qui a eu lieu il y a quelques mois, sous l’égide de l’Adira, avec les représentants de la Préfecture, et les élus des territoires concernés. Monsieur Mack a pu indiquer ses intentions et entendre la première réaction des élus locaux.

Comment ont réagi les élus locaux ?

Il n’y a pas d’opposition de principe. Cela paraît évident. Il y a un fort investissement, presque affectif, de Monsieur Mack sur ce projet. Il reste que la localisation et la nature du projet posent beaucoup questions. Il y a la localisation à proximité d’espaces naturels sensibles. Et le fait qu’à ce jour, l’ensemble du réseau routier n’est pas forcément en capacité de supporter le flux généré par Europa Vallée.

« Europa Vallée changera le territoire et sa perception »

Ce n’est pas un projet anodin, s’il est mis en œuvre, il changera durablement le territoire et la perception qu’en ont les gens. Ce qui interroge aussi l’identité des habitants. Sans dire qu’il faut donner du temps au temps, il faut laisser mûrir le projet, qui ferait aussi du territoire une périphérie du parc. Les citoyens doivent pouvoir connaître ces choses.

Les agriculteurs concernés par le projet sont-ils déjà au courant ? 

Des contacts ont été pris. L’ancien maire de Sundhouse, lui-même ancien agriculteur, a appelé à la vigilance sur la consommation des terres. Il y a aussi un travail initié avec la chambre d’agriculture et la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (Safer). Cette dernière a la possibilité de préempter des terrains pour les compensations.

« Un contexte de foncier plus rare et de changement climatique »

Quel est l’état du projet actuellement ? 

Nous ne sommes pas à la phase d’étude. C’est l’esquisse de projet. L’étude doit permettre d’établir si cette volonté de Monsieur Mack peut s’inscrire dans un projet de développement de l’Alsace centrale et plus globalement entre Strasbourg et Mulhouse. Ce très gros projet peut mettre en synergie d’autres structures touristiques du Bade-Wurtemberg ou d’Alsace Centrale.

Les associations environnementales tenues à l’écart

La question est multifacettes. Il y a la problématique des hébergements. Même si certains sont faits sur place, il faudra peut-être construire d’autres structures. Il y a aussi l’ensemble des règles d’urbanisme dans un contexte de foncier plus rare et de changement climatique, avec un objectif de neutralité carbone et de préservation de la biodiversité. Ce sont des contraintes qu’il va falloir intégrer dans le projet. On en est à cette phase-là. Si la volonté est là, on peut faire quelque chose d’exemplaire, une référence.

Comment s’assurer de l’exemplarité du projet sans consulter les associations environnementales par exemple ?

L’approche avec les associations n’est pas portée par les communes et communautés de communes. Mais nos communes ont totalement intégré que ces questions environnementales vont être décisives dans l’aval donné au projet. J’ai fait remarquer à l’ensemble de mes interlocuteurs que la bande rhénane a été par le passé un lieu de mobilisations pour la sauvegarde des espèces et de forêts relictuelles (milieu d’habitat protégé de taille restreinte dans lequel les espèces animales se développent dans une moindre concurrence vitale, ndlr). Ces grosses mobilisations ont eu lieu tant du côté allemand que français.

« Améliorer le franchissement du Rhin »

Europa Park est à l’étroit dans l’enveloppe foncière qui est la sienne parce qu’il est voisin de réserves naturelles classées. Mais si l’on doit renforcer le réseau routier, on devra forcément s’interroger sur l’impact pour les espaces naturels. C’est aussi l’opportunité de réfléchir sur l’amélioration du franchissement du Rhin, qui n’est pas optimal.

Y a-t-il une clause de confidentialité autour d’Europa Vallée ?

Il n’y a pas de clause de confidentialité. Nous sommes dans la réalisation d’une étude sur le développement économique et touristique. Cette étude prendra environ un an avec une analyse des enjeux économiques, éducatifs, agricoles et environnementaux, une analyse de la mobilité.

« Il y aura multiples débats et présentations »

Dans une deuxième phase, il y aura une élaboration d’une stratégie de territoire, afin d’arrêter l’ambition du projet, voir si le périmètre choisi est le plus pertinent pour une synergie d’Europa Vallée avec d’autres projets d’aménagements.

À quelle échéance les citoyens alsaciens pourront-ils en savoir plus sur ce projet ? 

En tant qu’élu, je vais participer au quotidien au groupe de pilotage de l’étude. Au-delà des affirmations théoriques, j’aurai la faculté de demander un focus particulier sur l’une ou l’autre dimension. Par principe, je rendrai compte de l’état d’avancement du projet auprès des citoyens. Il y aura ensuite de multiples présentations et débats autour d’Europa Vallée.


#Europa Vallée

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