Peaux de renne, tasses en bois, tente traditionnelle, saumon… Les symboles de la culture samie ne manquent pas dans le village finlandais, invité du Marché de Noël de Strasbourg et ouvert depuis le vendredi 23 novembre. Sur la place Gutenberg, le dernier peuple autochtone d’Europe n’est jamais mentionné à l’écrit. Samim Akgönül, chercheur spécialisé sur les minorités européennes à l’Université de Strasbourg, y voit une injustice :
« C’est dommage que leur culture soit instrumentalisée et commercialisée sans même faire mention de l’origine samie de ces objets. C’est comme si on vendait de la choucroute sans parler d’Alsace. »
« Les Samis sont Finlandais comme nous »
Annika Bourgogne, responsable du village finlandais à Strasbourg, se défend de toute récupération de la culture samie : « Pour nous, les Samis sont des Finlandais comme les autres. » La salariée de l’entreprise Kalevala Spirit, qui s’occupe de l’organisation de cette place, affirme que « les particularités régionales sont évoquées par les vendeuses à l’oral. » Dans le chalet plein de peaux de rennes à 159 euros la pièce, une vendeuse d’origine brésilienne présente plutôt les conditions de production aux clients : « Les animaux sont élevés en liberté. Ils sont d’abord chassés pour leur viande et leur peau est ensuite réutilisée pour la vente. » Il faut rassurer les clients frileux face à la fourrure, un commerce de plus en plus décrié. « Ces peaux, c’est pour éviter le gâchis », sourit l’employée.
Jusqu’à la moitié du XXème siècle, les Finlandais ont considéré la population samie comme archaïque. Aujourd’hui, les défenseurs de cette communauté d’Europe du Nord (Finlande, Norvège, Suède et Russie) d’environ 100 000 habitants, dont 8 à 10 000 habitants en Finlande, reprochent surtout la violence de l’évangélisation et la répression des rites chamaniques au XIXème siècle. Il a fallu attendre les années 60 pour que l’enseignement du Sami soit autorisé à l’école. Depuis 1996, un parlement composé de 21 élus samis permet de faire remonter les revendications de la population autochtone.
L’autre menace : le changement climatique
Maurice Carrez enseigne l’Histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques strasbourgeois. Ce spécialiste de la Finlande ne voit pas de mépris dans cette vente de produits de tradition sami :
« Les Lapons, synonyme de Samis, sont aujourd’hui parfaitement intégrés dans la société finlandaise. Certes, les Lapons ont été discriminés jusque dans les années 1950, mais aujourd’hui je pense qu’ils sont plutôt fiers d’être représentés à l’étranger, même sous le drapeau finlandais. Il faut plutôt le voir comme un signe d’intégration. »
Aujourd’hui, la population autochtone gère la protection de la langue et de la culture samie en Finlande. Mais la menace vient d’ailleurs. Le gouvernement finlandais veut construire une nouvelle ligne de chemin de fer entre la Finlande et la Norvège. L’infrastructure menace l’activité économique principale des Samis : l’élevage de rennes. Les animaux ne pourront plus migrer et se nourrir une fois le projet de train mis en place.
Dans une interview accordé au journal Le Monde, la présidente du parlement sami de Finlande, Tiina Sanila-Aikio, pointait le changement climatique comme la menace principale sur son peuple : « Si la situation continue d’empirer, les peuples autochtones arctiques, qui vivent en lien avec la nature, seront menacés d’extinction. »
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