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Fin 2019, sept guichets SNCF de moins à Strasbourg

En mai 2019, des travaux débuteront dans l’espace vente de la gare de Strasbourg. L’objectif : réduire le nombre de guichets pour y transférer l’espace « Grand voyageur ». À la fin de la même année, la boutique située quai de Paris doit fermer. Plusieurs usagers regrettent cette décision.

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Fin 2019, sept guichets SNCF de moins à Strasbourg

Parle à ma machine. Pour acheter son billet de train à Strasbourg, s’adresser à un humain sera de plus en plus rare. La SNCF compte fermer sept guichets strasbourgeois d’ici la fin de l’année 2019. Dans la gare, l’espace vente doit passer de 14 à 10 comptoirs. La boutique située quai de Paris, et ses trois bureaux de vente, fermera à la fin de la même année. L’entreprise ferroviaire n’a pas souhaité confirmer cette évolution. Rue89 Strasbourg a pu accéder à un document interne où ces projets sont évoqués.

La boutique SNCF située quai de Paris, dans le centre-ville, doit fermer à la fin de l’année 2019. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

Les salons feutrés de la gare seront vides

La SNCF rappelle néanmoins plusieurs chiffres, après avoir refusé un entretien sollicité par Rue89 Strasbourg :

« Actuellement, plus de 50% des billets TGV sont vendus sur internet et deux billets sur trois sont des billets dématérialisés sur smartphone. La SNCF s’adapte à l’évolution des modes d’achat de ses clients. […] Le temps d’attente moyen au premier trimestre 2018 pour l’espace de vente à Strasbourg est inférieur à 6 minutes. »

Selon un syndicaliste de la SNCF, un autre projet se cache derrière la suppression de quatre guichets en gare de Strasbourg. La place libérée dans l’espace de vente permettra d’y transférer le « Salon Grand voyageur ». Il se trouve aujourd’hui dans des salons historiques de la station strasbourgeoise, face au quai numéro 1. Dans ces salles pleines de bois noble, de moulures dorées et de lustres, un restaurant haut de gamme pourrait être installé, d’après plusieurs témoins internes à l’entreprise. À ce sujet, la direction de la gare n’a pas « d’éléments concrets à communiquer pour le moment ». Mais la SNCF promet plusieurs annonces pour le mois de septembre.

Le salon Grand Voyageur pourrait accueillir un restaurant en 2020 (Document Remis)

« Il n’y a pas d’humain pour vendre ces billets »

Mi-août, en début d’après-midi, trois personnes attendent leur tour dans la boutique SNCF située quai de Paris. Une vendeuse vient d’apporter une gamelle pleine d’eau pour le chien d’une cliente. La salariée de l’entreprise ferroviaire appelle ensuite le numéro suivant. Une personne se lève. Sa demande ne peut être traitée, lui explique-t-on :

« On ne pourra pas vous aider. Pour les trajets OuiGo, ça se passe exclusivement sur internet. Il n’y a pas d’humain pour vendre ces billets. C’est aussi pour ça que c’est moins cher. »

En entendant cette réponse, une autre cliente se lève de sa chaise. Elle s’apprête à quitter les lieux sans même passer par le guichet. Interrogée sur les raisons de sa venue, elle explique :

« Je voulais payer mon billet en chèque-vacances mais j’entends qu’ils ne font pas de OuiGo ici. C’était la première fois que je venais ici et du coup, c’est probablement la dernière vu que vous me dites que la boutique va fermer l’année prochaine. »

« Sur internet, j’ai peur de me tromper »

Au milieu de la salle, une pancarte informe que les billets OuiBus, OuiGo et Intercités 100% éco « ne sont pas disponibles à la vente en gare et en boutique SNCF ». Malgré ces contraintes et le temps d’attente parfois plus long, les clients tiennent à ce point de vente. Valérie, psychologue strasbourgeoise, apprécie un service de qualité :

« Ici, j’ai l’impression que les agents trouvent des trajets plus pratiques ou des prix plus intéressants. Sur internet, j’ai toujours peur de me tromper et de galérer ensuite pour échanger mon billet ou le faire rembourser. En plus, il faut dire qu’ils sont super sympas dans cette boutique. Ça me fout vraiment les boules qu’ils ferment… »

« Je ne dialogue pas avec une machine »

Parmi les déçues de cette fermeture, il y aussi Evelyne, la soixantaine. Elle aime se décrire comme une « retraitée atypique ». Pour elle, prendre son billet au guichet est un acte de militantisme :

« Je déteste les écrans. Alors venir en boutique, c’est une liberté dont je veux profiter : celle de prendre le temps et de parler à des gens. Je ne dialogue pas avec une machine. »

La dame est sur le point de déménager pour la Franche-Comté. « Plus les moyens de vivre ici », affirme-t-elle. Elle est donc pressée : « J’ai cinq minutes. Si vous m’en prenez moins, c’est mieux. » Evelyne finit tout de même par se lancer dans un long discours :

« Souvent des gens me demandent de l’aide quand ils essayent d’acheter un ticket. Les machines pour vendre des billets, moi j’y comprends rien. C’est clair que c’est pas fait pour les vieux, les étrangers ou les personnes un peu plus lentes d’esprit. Le pire dans tout ça, c’est que certains se trompent en prenant leur ticket et qu’ensuite, ils prennent une amende dans le train. Ça n’arrive pas quand tu dialogues avec un être humain. »

« Ce sont surtout les clients qui vont en pâtir »

Justement. Johan s’est rendu à la boutique cet après-midi pour se plaindre d’une amende de 100 euros. « Je me suis trompé dans la date du voyage retour… », lâche-t-il. Pour ce jeune Strasbourgeois, le service des salariés quai de Paris est « nickel ». Dans des situations complexes, pour un abonnement ou une réclamation, il apprécie de pouvoir dialoguer avec une personne.

Dans la boutique, les vendeurs ne souhaitent pas répondre, sans une autorisation écrite, validée à tous les échelons, de leur direction (qui n’arrivera donc jamais). Un salarié a accepté de nous répondre, par téléphone et sous couvert d’anonymat :

« Ce sont surtout les clients qui vont en pâtir. Les personnes âgées en premier lieu. Ils nous le disent souvent au guichet : « Heureusement que vous êtes encore là. » Ils pourraient pas prendre un aller-retour pour le Sud de la France, avec changement de train et transport de bagages. Et c’est sans compter le temps d’attente, qui atteint souvent 45 minutes, voire une heure en fin d’après-midi… Avec moins de vendeurs, forcément il faudra attendre plus longtemps… »

« On casse volontairement la qualité du service de vente »

Du côté syndical, un syndicaliste de la CGT fustige la suppression de la moitié des guichets de vente à Strasbourg. Selon lui, ce choix entraînera une « dégradation de la prestation, alors qu’il y a toujours de la demande ». Le syndicaliste y voit même une stratégie bien réfléchie :

« On casse volontairement la qualité du service de vente et ensuite la direction nous dit que de toute façon tout le monde prend ses billets sur internet. La stratégie est classique, on dégrade la qualité d’un service pour ensuite justifier sa fermeture. »

Pour l’avenir des vendeurs de billets, le représentant du personnel rassure :

« Certains (vendeurs, ndlr) seront reclassés dans le même établissement et affectés à la vente et à l’accueil des voyageurs sur les quais. D’autres peuvent postuler sur les postes vacants disponibles, parfois situés hors de Strasbourg. Le reste peut demander un plan de départ volontaire. »


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