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Terroristes ou combattants exaltés ? Prison requise contre les sept de la « filière de Strasbourg »

Huit à dix ans de prison. Les peines requises par le procureur de la République de Paris à l’encontre des sept Alsaciens partis en Syrie en décembre 2013 sont lourdes. Lundi, le ministère public a estimé que l’ « on jugeait des terroristes, et non des combattants. »

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Terroristes ou combattants exaltés ? Prison requise contre les sept de la « filière de Strasbourg »

« Vous avez encore un peu de courage ? » Accoudée sur l’un des pupitres du banc des avocats, Me Françoise Cotta se lève et s’adresse à la présidente du tribunal correctionnel de Paris. Pendant trois heures, ses six collègues se sont succédés mardi pour défendre leurs clients. Elle est la dernière à plaider. Et l’avocate de Karim Mohamed-Aggad sait que pour défendre le « frère de », il va falloir y aller fort.

En cette septième et dernière journée du procès de la « filière de Strasbourg », sept Strasbourgeois sont soupçonnés d’être partis faire le djihad en Syrie fin 2013, la salle des pas perdus étaient bondée. Familles, journalistes, étudiants en sociologie, stagiaires avocats, simples curieux : « la société entière s’intéresse à cela », assurera Me Martin Pradel en montrant d’un geste le public de la salle d’audience.

Huit à dix ans requis contre les Strasbourgeois

Lundi (retrouvez le compte-rendu réalisé en direct), le procureur de la République a requis la peine maximale, dix années de détention, contre quatre prévenus : Karim Mohamed-Aggad et Radouane T., tous deux décrits comme les « meneurs du groupe », et les frères Ali et Mohamed Hattay dont la sincérité du retour est mise en doute par le ministère public. Cette peine de dix ans, le procureur la demande assortie d’une peine de sûreté des deux tiers, empêchant toute remise en liberté pendant cette période.

Contre les trois autres prévenus : Banoumou Kadiakhé, Mokhlès Dahbi et Miloud Maalmi, huit ans de prison ont été requis. Deux ans de moins que le box d’en face au motif qu’ils ont passé « moins de temps » en Syrie. Ces lourdes réquisitions, le procureur Nicolas Le Bris les justifie par le fait que l’ « on juge des terroristes et non des combattants », et que « tous ont été au front. »

Mardi, certains prévenus apparaissent les traits tirés, la mine fatiguée, tandis qu’ils écoutent les plaidoiries de leurs conseils.

Des réquisitions obéissant à « la raison d’État »

Avant de commencer sa plaidoirie, Me Françoise Cotta s’est assise « du côté des huit ans. » L’avocate de Karim Mohamed-Aggad ironise sur le placement des prévenus dans les box : le clan « des barbus » d’un côté, celui des « imberbes » de l’autre. Un placement que ni elle, ni la presse n’avait manqué de relever dès le début du procès ce qui avait d’ailleurs énervé quelques proches des prévenus. Un placement « involontaire », d’après la présidente du tribunal. Cette fois, Me Françoise Cotta se dit qu’assise de « ce côté-ci », ça lui portera « peut-être chance. »

Comme ses collègues, elle évoque le contexte dans lequel les sept Alsaciens sont jugés :

« On demande à la justice de tout régler : le politique, les violences sociales, le médical lorsqu’un médicament est défectueux. Là, on vous demande de régler la peur et la terreur. Car la France a été terrorisée. »

Avant elle, Me Nathalie Schmelck, avocate de Mokhlès Dahbi dénonçait des réquisitions obéissant à « la peur » et à la « raison d’État » :

« Il est jugé sur ce qu’on imagine qu’il aurait pu faire, sur ce qu’il pourrait faire. C’est n’est pas pour ça que vous avez prêté serment, et que j’ai prêté serment. On juge sur des faits. »

Les faits, justement, les avocats se sont employés à démontrer que le dossier n’est pas en lien avec des attentats, et que les sept Alsaciens ne sont pas des « terroristes », contrairement à ce que le procureur a affirmé lors de son réquisitoire. « Où sont les victimes ? Il n’y en a pas dans la salle. C’est un dossier d’association de malfaiteurs », martèle Me Nathalie Schmelck.

Masyaf en Syrie (Photo Klaus Wagensonner / FlickR / cc)
Masyaf en Syrie (Photo Klaus Wagensonner / FlickR / cc)

Se désolidariser radicalement des réquisitions

De son côté, Me Aloïs Blin, qui défend aussi Mokhlès Dahbi, s’est attaché à mettre en avant le cas particulier de son client. « Quand j’ai entendu le réquisitoire, je n’ai entendu parler que du groupe, avance t-il. On a empilé les déclarations pêle-mêle, la belle affaire. » Et l’avocat d’enchaîner sur la dépression de son client, le « fantôme, gavé d’antidépresseurs et de somnifères », à qui il allait rendre visite à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.

Tour à tour, les avocats ont insisté sur les personnalités de leurs clients afin d’effacer « le groupe de Strasbourg. » Un dossier d’une « complexité évidente », a rappelé Me Martin Pradel, avocat de Banoumou Kadiakhé :

« Des jeunes originaires de la même région, de la même ville, mais pas du même quartier. Comment des personnalités différentes peuvent-elle mener une même action ? Se retrouver dans la même galère ? C’est ça que vous allez devoir juger. »

Reprenant à son compte un terme maintes fois utilisé au cours du procès, il demande à la présidente du tribunal de se « désolidariser radicalement des réquisitions » du procureur de la République. Il conclut, la voix solennelle : « c’est la seule radicalité que je vous demande. »

« Bon courage, madame la présidente »

Leitmotiv des plaidoiries : l’intention des prévenus. Le supposé bien-fondé de leur départ. Venir en « aide au peuple syrien », remédier à sa « lente agonie » et à l’inertie du gouvernement français. Me Éric Lefebvre, avocat des frères Hattay, invoque Rimbaud et décrit ainsi la volonté « humanitaire » des Strasbourgeois : « on n’est pas sérieux quand on a 17 ans, mais quand on a 17 ans ou 20 ans, on est exalté. » Et d’ajouter qu’avant les attentats du 13 novembre et ceux de Charlie Hebdo, jamais, « les réquisitions n’auraient été aussi lourdes. »

Finalement, Me Françoise Cotta conclut à l’adresse de la présidente du tribunal : « s’il y a quelqu’un qui peut vous aider dans votre jugement, c’est Karim. » Immobile dans le box, Karim Mohamed-Aggad fixe son conseil qui termine : « qu’on vienne me prouver qu’il représente un danger réel. Il va sortir de prison, qu’est-ce qu’il va faire ? Je ne veux pas quitter l’audience en me disant que les organisations terroristes auront gagné. Bon courage, madame la présidente. »

Le jugement est mis en délibéré au 6 juillet.


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