Pour sa dernière édition des Giboulées en tant que directeur du TJP Centre Dramatique National de Strasbourg Grand Est, Renaud Herbin a souhaité valoriser la dimension onirique des artistes. La programmation, riche, est accessible pour toutes les générations. Et les adultes trouvent leurs compte dans des spectacles jeune public entiers et dense, aux multiples niveaux de lecture.
La marionnette s’agite avec douceur
Connu pour son implication dans les arts de la marionnette, le théâtre place toujours cette discipline au cœur des Giboulées. Le directeur présente plusieurs créations de sa main, et notamment Quelque chose s’attendrit, qui incarne parfaitement le ton que Renaud Herbin semble avoir voulu donner à cette édition. Dans cette performance, la marionnette et l’optique s’associent pour créer un spectacle intimiste. Le poème glisse dans un murmure, tandis que les mouvements du petit pantin, retourné à travers une lentille, perturbe les perceptions du public. La pesanteur perd peut à peu son sens, hésitant entre ascension et chute.
Dans un esprit similaire, Le Grand Souffle se permet de sortir les grands moyens. Une marionnette d’homme à taille réelle se retrouve suspendue par toute une série de cordages, accompagnés de projections vidéos. Plongé sur une côté bretonne, le public découvre ce corps noirci, tuméfié, d’un naufragé qui recommence à marcher sous l’impulsion du vent.
Bien évidemment, le plus célèbre des pantins s’invite dans l’imaginaire des marionnettistes. Avec Pinocchio (live) #2 le conte original est retourné : ce sont les humains qui deviennent objets. Une dizaine d’élèves du Centre chorégraphique de Strasbourg sont peu à peu modelés en pantins inertes et percés de fils. Perturbant détournement de la magique qui change en véritable petit garçon, ce spectacle glisse discrètement la question de la forme humaine, et de ses frontières.
Transdisciplinaires, les Giboulées visent large
Festival éclectique par excellence, ce temps fort est l’occasion de prendre des nouvelles des dernières innovations du spectacle vivant. Tout à la fois laboratoire et foire aux arts, les Giboulées accueillent volontiers les expérimentations de ses participants. Le théâtre d’objet sera très présent. Dans Ici et là une maison se transforme au gré du temps et des envies de sont étrange occupante. Des sons curieux émergent de la boite protéiforme. Des images surgissent, un arbre pousse. La divinité des bois agence sont intérieur avec un goût qui lui est propre, et qui sollicite tous les sens.
Lieu rêvé des plasticiens, les scènes se couvrent d’environnement mystérieux. Une accumulation de ruines accueille Le Gonze de Lopiphile, avec un impressionnant amoncellement de débris. Un acrobate, un musicien et un acteur enquête dans ces ruines, cherchant à recomposer leur archéologie. L’égarement semble inévitable à mesure que le trio se plonge dans le passé obscure du lieu, et de son devenir. La mise en danger permanente d’un spectacle aussi chaotique est au cœur même de l’expérience.
De nombreux rendez-vous rythmeront les festivités. Quelques plateaux radios seront l’occasion de discuter autour des spectacles, du geste artistique et du parcours des créateurs et créatrices. Une soirée d’hommage au fondateur du théâtre, André Pomarat, disparu en 2020, se tiendra le 15 mars.
Deux soirée DJ set seront animées par Valimir Spoutnik, bien connu du public strasbourgeois. Claire Faravarjoo, qui représente dignement Strasbourg sur la scène pop, résonnera dans le festival. Avec sa profusion de propositions, ces Giboulées comptent bien rassembler le public dans des salles toujours peu remplies, dans la continuité de la pandémie. L’amélioration de la situation et la levée prochaine des restrictions sanitaires pourraient jouer de concert pour fêter dignement les retrouvailles au sein du théâtre.
Chargement des commentaires…