Mercredi 13 juin, j’ai plein de choses de prévues et une seule le soir, je ne vais donc pas avoir besoin d’avoir le don d’ubiquité : il s’agissait de me rendre au Hall des chars pour assister à la deuxième soirée du festival « sans titre mais poétique #2 » qui se tient jusqu’à samedi soir et que je vous avais annoncé la semaine passée…
La soirée a commencé sur quelques notes de musique, un musicien, Dirty Deep chantait et jouait, on aurait dit du blues, de la country, c’était entraînant et donnait envie de danser (ça tombe bien, danser me manque). Ce petit gars tout frêle entonnait ses chansons avec une voix éraillée on ne peut plus sexy qui sortait de ses tripes dans le salon du Hall des chars. Parce que oui, vous trouverez dans cet espace convivial une cuisine, des petits salons, un table à repasser, des linges entrain de sécher et même une chambre à coucher avec des peluches, le tout autour d’un endroit où commander à boire et à manger (un régal, je vous assure !). Mais bon, passons aux choses sérieuses, je suis tout de même sensée vous parler de poésie…
Soirée étrange où je me suis retrouvée entre diverses formes de poésie, ballottée, chahutée, transportée, j’ai abordé la soirée en me disant que j’allais réfléchir à ce que je voyais et entendais, prendre des notes pour vous faire partager tout ce qui s’y était passé. Mais c’était une erreur donc j’ai laissé tomber pour simplement vivre cette soirée et les expériences que nous proposaient ces différents poètes mais est-ce encore de la poésie quand toutes les fibres de nos corps sont sollicitées ?
Donc après la mise en bouche musicale de Dirty Deep, j’ai pu découvrir une conférence poétique de Christophe Boursault ou plutôt de son assistant (c’est ainsi qu’il s’est présenté). Étonnant, assourdissant aussi par moments, il nous a en fait convié à une conférence où l’artiste (lui-même) était aussi en duplex vidéo à Marseille et ailleurs où comment présenter l’artiste comme un être schizophrène qui s’aime et se déteste, se méprise et nous vrille les tympans par moments. La morale de l’histoire ? « Est-ce que cette œuvre a du sens ? » demande-t-il au public, en direct de Marseille (en fait non mais c’est ça qui est drôle), qui dit que non.
Il faut une certaine dose de dérision et de second degré pour créer une œuvre dans laquelle on se dit à soi-même que ce que l’on fait ne parle pas au public, non ? L’artiste en fou en colère, ce fut drôle, surprenant, perturbant, mais réussir à exister et vivre de son art ne rend-il pas fou quand on nous dit qu’ « être artiste, c’est accepter l’histoire de l’art, c’est savoir faire des courbettes (…), c’est rebirth » ? Merci M. Boursault qui n’est pas M. Boursault pour cette leçon sur l’art…
Puis ce fut autour de Joachim Montessuis de prendre le contrôle de l’espace et de nous emmener dans un monde de mots et d’émotions. J’avais beaucoup entendu parler de cet artiste, on m’en avait dit le plus grand bien et j’étais donc assez impatiente de le découvrir autrement que sur internet. Il nous a invité à nous installer au centre de quatre colonnes, de quatre hauts-parleurs qui diffusaient le texte qu’il lisait extrait d’un livre publié récemment : Regen, c’était la première fois qu’il présentait cette pièce. Couchée par terre, je me suis laissée envahir par ce qui était diffusé.
Outre le texte dit, un son lancinant et profond était projeté dans l’espace, le texte tournoyait entre les hauts-parleurs. Suivant les moments et le lieu où on se trouvait, on devait vraiment faire l’effort de tendre l’oreille pour percevoir ce qui était dit. Je ne sais comment vous parler de cela, je crois vraiment qu’il faut le vivre (c’est aussi pour ça que je n’ai pas fait de vidéos de cette soirée) pour se rendre compte que Joachim Montessuis imite le ressac, nous emporte par vagues dans un monde de mots et de maux le tout au moyen d’un tourbillon sonore qui invite à la perte de repères, de soi et nous propose d’oublier pendant un temps nos rassurantes habitudes de pensée et de vie. La chute fut brutale, le son s’est arrêté, les mots aussi sans transition aucune, il nous a remercié mais de quoi, d’avoir été là et d’avoir accepté de faire ce voyage avec ses sons ? Voyage à refaire je pense, il fut bon de flotter dans un autre espace-temps.
Ce post commence à être un peu long, aussi vais-je essayer de conclure… Alors que la soirée était loin d’être finie. J’ai donc aussi pu découvrir le travail de deux poétesses : Lucie Rivaillé et Annabelle Galland qui, jouant avec les mots, nous ont emmené dans une rythmique de sons et dans des univers poétiques prenant peut-être moins aux tripes que les précédents mais il est bon aussi d’alterner les types de poésie et donc les plaisirs. Pierre Louis Aouston que j’avais découvert l’an passé au premier « sans titre » intervenait lui aussi, il vit ses textes et nous invite à entrer dans son univers engagé où il est question de peur, de capitalisme et d’une société qui ne semble pas nous appartenir. Pour finir, mention spéciale aux derniers performers (il était vraiment tard), Cécile Fleur Dabo et Stéphane Diskus, qui ont réalisé une performance alliant danse, poésie et vidéo, la poésie était alors une invitation à entrer en état de transe, même s’ils ne furent pas les seuls ce soir-là à nous faire cette proposition.
Le programme est par là, ça se passe encore vendredi 15, samedi 16 au soir ainsi qu’une table ronde le 16 à 10h à la galerie Stimultania, au plaisir de vous y croiser !
Y aller
Sans titre mais poétique #2, du 10 au 16 juin 2012 au Hall des Chars, 10 rue du Hohwald à Strasbourg (Tram B station Laiterie). www.halldeschars.eu
Informations complémentaires : Tous les soirs, en continu : « cuisine vagabonde » douceurs franco-perses avec l’Arc En Miel. Et en non stop : breuvages pression à base de houblon strisselspalt provenant exclusivement de récoltes régionales. Tarifs : – 8 € par soir. Jauges réduites, réservation conseillée : 03 88 22 46 71 / contact@lafrichelaiterie.org
Article précédemment publié sur www.lifeproof.fr
Chargement des commentaires…