Arthur Van Hoey, directeur artistique de la future galerie, et trois autres amis ont fait l’acquisition en 2007 d’un ancien abri d’artillerie, le n°A28A, de son petit nom. Il appartenait au ministère de la Défense qui leur a gracieusement accordé un bail de 99 ans, la condition étant de réhabiliter le lieu. Par amour pour l’art, les quatre étudiants ont décidé de retaper le bunker. Mais l’argent nécessaire à la réhabilitation est à débourser de leurs poches.
Un seul inconvénient : l’endroit est situé hors de Strasbourg, à Mittelhausbergen. Arthur Van Hoey avoue appréhender un peu :
« Le pari va être de séduire le public strasbourgeois, et notamment les étudiants. Malheureusement, il n’est pas toujours évident pour eux de sortir de Strasbourg. C’est pourquoi nous misons beaucoup sur notre premier événement. »
Cet événement, c’est le festival « April Dapsilis #1, Poulettes », qui se déroulera du 11 au 14 avril 2014. Que peut bien signifier ce charabia ? Eh bien, en fait, rien. C’est justement le but recherché. Pour trouver le titre, ces amoureux d’art ont souhaité rendre hommage au surréalisme en empruntant le procédé à l’origine du dadaïsme, mouvement dans lequel l’aléatoire tient une place importante. Il s’agit d’ouvrir un dictionnaire de latin au hasard et choisir le mot figurant en cinquième position sur la page. Heureusement, ils sont tombés sur « dapsilis », qui ne signifie rien de moins que « somptueux », plutôt que sur « horribilis ». Ouf.
Quand l’art rencontre la campagne
Les « poulettes », ce seront les vedettes de l’événement. Arthur Van Hoey explique :
« On s’est inspiré d’un événement historique pour l’art : l’exposition internationale du surréalisme de 1938. Les cartons d’invitation au vernissage promettaient la présence de « coqs attachés », mais le jour J, ils manquèrent à l’appel. Il est temps aujourd’hui pour ces volailles de prendre leur revanche et d’occuper le devant de la scène. »
La petite équipe du Point du Fort assume sa folie jusqu’au bout, puisqu’elle a elle-même acheté les poussins et les a vu grandir. Ainsi, tout au long des quatre jours de festival, une quinzaine de poules soies se baladeront entre les jambes des visiteurs, sur un parterre de paille. Art surréaliste et ambiance champêtre, donc.
Trois salles sur les quatre composant l’abri seront ouvertes au public, chacune d’entre elles accueillant une forme artistique différente. Dans la première pièce, le jeune artiste Paul Roquecave exposera son interprétation en photographie d’un texte méconnu d’André Breton « J’ai vu un coq… ». On reste dans la basse-cour. La seconde salle accueillera des sculptures de poules de l’artiste César Baldaccini. Enfin, Navyrha Thoure revisitera des œuvres emblématiques de l’exposition de 1938, tels que les mannequins aujourd’hui perdus de Max Ernst et Marcel Jean, et même le fameux Taxi pluvieux de Dali. Reste à espérer que tout rentrera dans un espace si exigu !
Un festival transdisciplinaire
Le festival au programme ambitieux se déroulera sur quatre jours. Le vendredi 11, Jitka Štěrbáková et Markéta Čechová, deux pianistes étudiantes au conservatoire de Strasbourg, se colleront au piano au sein même du bunker pour y interpréter un programme mêlant jazz, musique classique et même des morceaux tchèques. La performance durera douze heures. Pourvu que les poules soient mélomanes.
Le lendemain, ce sera au tour du registre littéraire de faire son entrée : Benjamin Orsucci, un jeune écrivain toulousain, et des comédiens conteront son texte original Limaille de fer pendant pas moins de sept heures d’affilée. Le communiqué de presse promet des « histoires grinçantes et délurées […] vacillants entre souvenirs d’enfance et réflexions philosophiques délirantes et décalées ». Le spectacle de danse prévu pour le dimanche ne va finalement pas être réalisé, l’artiste ayant déclaré forfait. Concernant la représentation qui va la remplacer, le mystère reste entier, pour les organisateurs eux-mêmes. Arthur Van Hoey confie :
« C’est notre premier événement et il faut admettre qu’on a été un peu pris de court : nous sommes encore en pleins travaux et il va être difficile d’être prêt à temps, mais on y arrivera. Pour dimanche, nous voulions d’abord faire jouer des groupes à l’intérieur du bunker, mais on s’est finalement rendu compte que ça allait être compliqué à cause du manque de place. L’idée est maintenant de les faire jouer dehors, au-dessus du bunker, si le temps le permet. On a été plutôt chanceux jusqu’à présent ce mois-ci, on compte sur notre bonne étoile pour que le vent ne tourne pas. »
Il est vrai que l’emplacement serait idéal et pourrait bien accueillir une bonne centaine de personnes, voir plus. De toute façon, le bunker ne pouvant accueillir que 92 visiteurs simultanément, il faudra bien occuper celles qui resteront un moment sur le carreau. Les groupes prévu devraient faire dans l’expérimental. On attend Ultra Zouk, mais rien n’est encore sûr. L’équipe espère faire venir jusqu’à 600 personnes sur toute la durée du festival.
Concernant les expositions, le Point Fort privilégiera les jeunes artistes peu connus, locaux comme internationaux, et prévoit de développer des partenariat transfrontaliers avec l’Allemagne et le Benelux. A noter que ce festival n’est qu’une sorte d’avant-première : la galerie ne sera inaugurée officiellement qu’en septembre lors des journées du patrimoine.
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