Awochi (prénom modifié), un sans-papier originaire du nord-est de l’Afrique, est en pleurs lorsqu’il apprend la nouvelle, mardi 19 octobre. Alors qu’il est logé depuis avril 2020 et le début de la crise sanitaire dans l’hôtel F1 de Geispolsheim, il va se retrouver à la rue peu avant le début de la trêve hivernale. L’homme d’une trentaine d’années raconte :
« Un travailleur social nous a annoncé que l’hôtel allait fermer vendredi 22 octobre. On nous a affirmé que tout le monde allait être relogé. Alors, je ne me suis pas inquiété. Je pensais avoir une solution pérenne, surtout avec l’arrivée de la période hivernale. Ça m’a fait un choc d’apprendre que cette solution, ce ne serait que 8 nuits dans un hôtel puis d’appeler le 115 (Samu social, à destination des personnes sans abri, NDLR). Tout le monde sait qu’ils n’ont pas assez de place et qu’on dormira dehors”.
8 nuits en hébergement d’urgence avant la rue
Sur les 80 personnes présentes à l’hôtel, une vingtaine, principalement des sans-papiers, se trouve dans la même situation qu’Awochi. Ibrahim (prénom modifié) est l’un d’entre-eux. Âgé d’une vingtaine d’années, ce jeune homme originaire d’Afrique du Nord ne sait même pas s’il aura droit à ces 8 jours d’hébergement :
« Contrairement à Awochi, personne n’est venu me voir pour me donner une adresse où aller. Je n’ai même pas de rendez-vous pour en parler. Parmi, les dernières personnes encore à l’hôtel, on est quelques-uns dans ce cas. Ça fait deux jours que je n’en dors pas, je suis très stressé par cette situation. Pour l’instant, je pense dormir dans un parc, dehors, la nuit de vendredi à samedi. Je ne comprends pas, la plupart des personnes logées à l’hôtel ont eu des solutions de longue durée. Pourquoi nous on se retrouve dans la rue alors qu’il fait froid ? »
Ibrahim, mercredi 20 octobre, à 18h.
En effet, le reste des sans-abris de l’hôtel a été relogé grâce à des dispositifs comme l’intermédiation locative, des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des pensions de famille, etc.. Il s’agit d’une soixantaine de personnes « en règle administrativement ou aux démarches suffisamment abouties » note un employé du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) qui préfère garder l’anonymat.
« Il y a un roulement car il n’y a pas suffisamment de places »
Parmi la vingtaine de personnes sans solution dans 8 jours, trois ont été orientées par le SIAO au centre Frietz Kiener géré par le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Strasbourg. Le reste a été orienté vers le centre du Château d’Eau géré par l’association d’accueil et d’hébergement pour les jeunes (AAHJ) et vers le centre géré par l’association Antenne. Un agent du CCAS confie anonymement :
« Ce sont des centres temporaires, personne n’y reste durablement. Il y a un roulement car il n’y a pas suffisamment de places. De plus, le logement collectif n’est pas toujours le plus adapté pour des hommes isolés. Dormir à 10 dans un dortoir, ce n’est pas facile ».
« Aucune personne à la rue » selon Horizon Amitié
La préfecture du Bas-Rhin doit assurer le principe d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil. Selon la circulaire du 19 mars 2007 « toute personne accueillie dans un centre d’hébergement d’urgence devra se voir proposer, en fonction de sa situation, une solution pérenne, adaptée ». Ni le SIAO ni la préfecture du Bas-Rhin n’ont répondu aux sollicitations de Rue89 Strasbourg.
Amina Bouchra, directrice de l’association Horizon Amitié, en charge de la gestion de l’hôtel depuis mars 2020, affirme de son côté :
« Les services de l’État, c’est-à-dire la préfecture et le SIAO, ont tout mis en œuvre pour trouver une réponse adaptée à chaque personne. Elles vont toutes être relogées. Il n’est pas question de les laisser à la rue ou sans solution. Pour rappel, l’idée n’a jamais été de faire habiter des gens dans un hôtel ».
Mais une salariée du SIAO est moins affirmative. Elle précise anonymement :
« On a eu l’information de la fermeture de l’hôtel F1 de Geispolsheim très tard, alors l’orientation de ses occupants se termine tard (c’est-à-dire jusqu’à la fermeture de l’établissement, vendredi 22 octobre, NDLR). C’est pour cela que certains ne savent toujours pas ce qu’ils feront après. Concernant les solutions de relogements, on a fait au mieux mais une vingtaine de personnes seront sans solution dans 8 jours et dépendront du roulement du 115… »
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