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Fermeture du resto U Pasteur : la note va s’alourdir pour les étudiants

Il y a bataille sur les chiffres : le restaurant universitaire Pasteur, rue du faubourg-National dans le quartier gare, servirait entre 250 et 500 repas par jour à des étudiants en médecine, école d’architecture, d’infirmières ou de l’ENA. Si le resto U Pasteur ferme en avril 2013, conformément aux plans du Crous de Strasbourg, ces étudiants pourraient devoir débourser deux fois plus cher pour manger moins bien. Décryptage.

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Fermeture du resto U Pasteur : la note va s’alourdir pour les étudiants

"Pour le prix, c'est pas mal du tout…" Un étudiant en école d'architecture (Photo MM)

L’entrée dans l’arrière-cour, à deux pas de la station de tram Faubourg-National, ne paye pas de mine. Une porte face au porche mène au restaurant universitaire, un self classique avec deux plats du jour au choix (viande ou poisson), une porte à gauche mène à la cafétéria, qui a fermé début octobre. Un premier coup porté au resto U Pasteur, puisque cette cafétéria assurait un choix plus large aux étudiants, avec des grillades, des pizzas, des quiches, etc. Le tout pour 4,50€ à 6€ de ticket moyen, contre 3,10€ le plateau repas du self.

Après avoir fait la queue une petite dizaine de minutes, les étudiants et les personnels de l’université ou des écoles avoisinantes s’installent au compte-goutte dans la grande salle de restaurant, chaleureuse avec ses boiseries au mur et ses tables massives, lumineuse grâce à la grande verrière au plafond, qui témoigne du passé de brasserie du lieu. A 13h, les deux tiers des places sont occupées. A une table, quatre étudiants à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg prennent leur premier repas au resto U Pasteur. L’un d’eux, Geoffroy, originaire de région parisienne, s’étonne que ce restaurant qu’il découvre à peine puisse fermer en avril 2013 :

« C’est le resto U le proche de l’école d’archi ! Les autres sont à l’Esplanade, beaucoup trop loin pour nous ! Donc s’il ferme, on sera obligé de se prendre un kebab, qui nous coûtera le même prix mais ne sera ni aussi nourrissant ni aussi équilibré… Pour moi, c’est un vrai problème de santé publique !

Le matin, on n’a pas le temps de se préparer un repas et de toute façon, on n’a pas la possibilité de réchauffer quoi que ce soit à l’école. Ils n’ont qu’à fermer un resto U sur le campus et laisser celui-là ouvert ! Et puis, si le service n’est pas assez rapide pour les étudiants qui n’ont qu’une heure de pause, ils n’ont qu’à rajouter du personnel ! »

Les cafétérias plus rentables que les restos U

Geoffroy et ses amis, plus surpris que révoltés, mettent le doigt sur l’argument massue de ceux qui combattent ce projet de fermeture du resto U Pasteur par le Crous : la fin d’un service public plébiscité par plusieurs centaines d’étudiants chaque jour au sud-ouest du centre-ville. Martin Bontemps, président du bureau de l’Unef (Union nationale des étudiants de France) à Strasbourg, dénonce :

« Si le Crous va au bout de son projet de fermeture, les étudiants seront obligés d’aller aux « points cafétéria » que le Crous compte implanter, par exemple à la fac de médecine. Or là-bas, le sandwich sera à 2,50€, mais ce sera insuffisant pour un repas, donc les étudiants prendront des périphériques, desserts, boissons, et la note grimpera à 4€ ou plus. Ce qui est inacceptable, ce n’est pas tant la politique du Crous de Strasbourg que la baisse des dotations de l’État qui pousse le Crous à vouloir faire du chiffre ! »

Or, selon le personnel avec lequel nous n’avons pas eu le droit de discuter à l’intérieur du resto U, le système de « cafète » est beaucoup plus rentable pour le Crous que les plateaux classiques : d’abord, c’est plus cher (4 à 6€ au lieu de 3,10€). Ensuite, les plats sont pour partie achetés à l’extérieur et préparés dans une cuisine « mère » (les gros resto U de l’Esplanade et de Paul Appell par exemple), puis seulement vendus dans les « points de vente », ce qui nécessite moins de personnel. « Une ou deux personnes, au lieu de six en cuisine », déplore une employée.

Plus de repas à Pasteur qu’à Paul-Appell, selon la CGT

Economies à tous les étages : c’est ce que plaiderait le directeur du Crous, Christian Chazal, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. La mise aux normes (rénovation de la verrière et renouvellement du matériel en cuisine) du resto U Pasteur serait estimée à 5 millions d’euros. Une somme trop élevée par rapport à la fréquentation insuffisante du lieu, selon la direction toujours. Des analyses et des choix stratégiques que contestent les salariés du Crous par la voix du syndicat majoritaire CGT. Lydie Passot, 22 ans d’ancienneté en tant qu’agent d’accueil à la résidence universitaire de la Somme et secrétaire générale de la CGT-Crous, et Tonio Gomez, plongeur au resto U de l’Esplanade depuis 30 ans, sont très remontés. C’est eux qui ont organisé une manifestation devant le resto U mardi 9 octobre, eux encore qui font tourner une pétition pour le maintien du site. Ils accusent :

« Il y a une grande hypocrisie de la part de la direction du Crous ! Ils disent que le RU Pasteur n’est pas suffisamment fréquenté, mais c’est faux ! Il y a plus de monde là-bas qu’à Paul Appell, où l’on ne fait que 250 à 300 repas pour une capacité de 1 500 places… Leur seul objectif, c’est de faire du chiffre, c’est l’équilibre financier !

Et puis la gestion du personnel est catastrophique ! Il y a 15 jours, la responsable du RU Pasteur a annoncé à deux employés que trois jours après ils seraient « redéployés » ailleurs. Sans aucune concertation, aucune discussion avec les syndicats. C’est très violent pour des gens qui travaillent là depuis des années… Il y a une casse systématique des équipes depuis que le nouveau directeur est en place. Les salariés (268 « personnels ouvriers ») sont en crise !

L’État seul responsable ?

Alors que certains départs en retraite ne seraient pas remplacés, sinon par des CDD de 9 mois, « parce qu’à dix mois, ils votent comme le reste du personnel », note Lydie Passot, les budgets du Crous sont parfois à deux doigts de ne pas être votés par le conseil d’administration. Paul Meyer, conseiller municipal en charge de la vie étudiante, y siège comme représentant de la collectivité. A ce propos, il s’explique :

« Si je n’ai pas voté les quatre derniers budgets, c’est à cause des dotations nationales insuffisantes, qui obligent le Crous à augmenter le prix des repas au resto U et des chambres en cités U. Rien à voir avec la personnalité ou les méthodes du directeur. Mais je suis aux côtés des personnels quand ils s’inquiètent de la disparition d’un endroit où les étudiants peuvent manger assis, rapidement, équilibré et pas cher. »

Même si elle n’est pas à l’ordre du jour transmis aux personnes y siégeant, la fermeture du resto U Pasteur devrait être au cœur des débats du prochain conseil d’administration du Crous, le 23 octobre. Avec peut-être en filigrane, la question du maintien d’un système qui n’attire plus qu’une frange résiduelle du monde étudiant. Par ailleurs, on ignore encore tout de ce que pourraient devenir les locaux du restaurant.

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Sur Rue89 Strasbourg : grève au Crous pour sauver le Resto U Pasteur


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