Après le féminicide à Colmar, la procureure dénonce le double discours contre les violences conjugales
Après le drame du 3 juin, la magistrate demande des moyens supplémentaires pour sa juridiction… à qui beaucoup de consignes sont données, mais sans l’argent qui va avec.
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Jean-François Gérard
Publié le ·
Imprimé le 30 octobre 2024 à 17h36 ·
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Dix circulaires depuis le début de l’année 2021 contre les violences conjugales, mais aucun moyen supplémentaire pour les appliquer. C’est ce paradoxe pour la « grande cause nationale » que la procureure de la République de Colmar, Catherine Sorita-Minard, souligne dans un communiqué critique, qui sort de la réserve habituelle des fonctionnaires.
Jeudi 3 juin à Colmar, un homme a défenestré sa compagne de 48 ans du haut du 8ème étage d’une tour, soit 19 mètres de haut. Le suspect interpellé, âgé de 52 ans, avait pourtant été condamné en janvier 2019 à six mois de prison avec sursis. Il avait surtout l’interdiction d’approcher sa compagne pendant trois ans. « Une interdiction jamais respectée selon ses voisins », rapporte France 3 Alsace. Ce féminicide, le 49ème de l’année 2021 selon la page « Féminicide », s’accompagne d’un débat sur le suivi et la prise en charge des auteurs de violences conjugales.
De nouveaux moyens, déjà sollicités
Logiquement, la procureure défend les actions de ses services comme des stages de sensibilisation, des audiences correctionnelles dédiées et la saisie systématique d’une association d’aide aux victimes en cas de dépôt de plainte. De nouveaux outils ont été mis en place en janvier 2021. Mais l’ensemble des 20 « téléphones grave danger » (TGD) dont dispose sa juridiction sont déjà utilisés par des victimes.
Quant aux trois bracelets électroniques anti-rapprochements (BAR) reçu il y a « quelques semaines », l’un d’eux est déjà prévu pour un homme à la sortie de sa détention. Néanmoins, Catherine Sorita-Minard estime que chercher « à tout prix une responsabilité de l’autorité judiciaire sur fond de dysfonctionnements et défaillances » relève du « fantasme d’une société sans meurtre et sans violences. »
Dans sa demande de « moyens supplémentaires », la procureure relève qu’a contrario, les parquets ont été « dotés de moyens fléchés » pour agir de « matière innovante » contre la « petite délinquance ». Un volontarisme du gouvernement qu’elle aimerait bien voir s’appliquer aux violences intrafamiliales, au-delà des discours du chef de l’État.
La procureure de la République de Colmar s’inscrit dans un mouvement national des Parquets, qui ont tous protesté de la même façons quant aux moyens insuffisants mis à leur disposition.
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