Comme un festival dans le festival, les manifestations organisées au Shadok, docks Malraux à Strasbourg, paraissent se dérouler en marge, loin des maquillages du village fantastique et des midnight movies des cinémas star. Pourtant, les quais de la presqu’île Malraux sont, eux aussi, bien animés durant les 10 jours que dure le FEFFS. La célébration du cinéma de genre est l’occasion pour la culture geek et vidéoludique de s’offrir une visibilité, et, pourquoi pas, de se laisser découvrir par le grand public.
Une compétition qui célèbre le talent des créateurs de jeux vidéos
Le festival au Shadok, c’est d’abord l’occasion de récompenser les jeux indépendants sélectionnés dans le cadre de l’Indie Game Contest. Le jury, composé de commentateurs et de créateurs du monde du jeux vidéo, dispose de 10 jours pour tester les 8 jeux internationaux et les 8 jeux français en compétition afin de décerner le prix Octopix. Cette année, Arte récompense l’un des jeux en lice.
Pour Théo, organisateur de ces activités au Shadok, le choix de ne s’intéresser qu’à des jeux dits « indépendants » (qui ne sont pas financés par de grands éditeurs) n’est pas qu’une question de moyens :
« les jeux indé, ça permet de mettre en avant la créativité des concepteurs. Comme c’est le travail de très peu de personnes, on ressent tout de suite le talent. »
Parmi les oeuvres en compétition, un jeu strasbourgeois : cuttlefish rising, où le joueur incarne une seiche dont la principale mission est de survivre dans le monde marin. Benoît « ExServ » Reinier, journaliste indépendant, streamer et vidéaste, récemment installé à Strasbourg, est membre du jury. Il se dit enthousiasmé par la compétition :
« La sélection est assez éclectique, les jeux touchent pour certains à des questions de société intéressantes, ce qui est propre au jeu indé. Il y en a par exemple un où le joueur campe un personnage à qui l’on vient d’annoncer un cancer. »
Les jeux en compétition ne sont pas tous terminés et la plupart ne sont pas encore disponibles au public. C’est l’occasion pour les créateurs de confronter leurs oeuvres à une première audience, d’observer les comportements des joueur et, éventuellement, de corriger les créations avant leur commercialisation. Pour Théo, ce mini-festival est aussi un moment de rencontres rares :
« On a de grands développeurs qui ont prévu de passer pendant le festival. C’est aussi l’occasion de rencontres entre développeurs mais aussi avec les joueurs. »
Pour la première fois, le jury attribuera également un prix étudiant, récompensera la meilleure création issue d’écoles de jeux vidéo. Là encore, Benoît ne cache pas sa satisfaction.
« Les jeux viennent d’écoles françaises, ça permet de montrer qu’en France il se passe des choses. D’ailleurs, on sait que les jeux français s’exportent souvent plutôt bien. »
Bornes d’arcades et consoles, à seul où à plusieurs.
Les jeux sont tous présentés au premier étage du Shadok et les visiteurs sont invités à y jouer afin de se faire leur propre opinion. Au rez-de chaussée, des bornes d’arcades sont alignées, elles permettent au visiteur de découvrir ou de redécouvrir des grands classiques retro comme Streetfighter ou Windjammers. Contre la machine, ses amis ou de parfaits inconnus, chacun est libre de jouer sous le regard curieux et amusé de néophytes, de joueurs expérimentés, ou de membres du staff impatients de pouvoir à leur tour s’emparer du joystick.
A l’étage, des fauteuils sont placés devant des téléviseurs, eux-mêmes branchés à des consoles en tout genre. NES, Playstation, Wii, les jeux que l’on a choisi de montrer sont en accord avec le thème annuel du festival : Humans 2.0. Toutes les oeuvres présentées (Metal Gear, Vanquish, Super Metroid) sont porteuses d’un discours sur l’intelligence artificielle et l’humanité augmentée. L’expérience complète du festivalier peut ainsi le mener, de manière tout à fait cohérente, d’une séance de Metropolis (réalisé en 1927 par Fritz Lang) à une partie de Megaman (sorti pour la première fois sur NES en 1987).
Le divertissement n’est toutefois pas oublié : Dragon Ball Z ou Super Smash Bros sont également laissés en libre service pour permettre au visiteur d’y défier ses amis.
« On a voulu éviter Mario et Sonic. Tout le monde connaît ces jeux mais ça ne représente que 5% de ce qu’est vraiment les jeux vidéo. »
Théo est un passionné. Il a personnellement sélectionné les jeux sur un critère simple : la qualité et la représentativité de ceux-ci. S’il est lui même un grand joueur, il n’oublie pas ceux qui n’ont qu’une culture modeste en termes de jeux vidéo. Le non-joueur peut donc sereinement se rendre au Shadok et y découvrir une vitrine du média vidéoludique qui a su esquiver la facilité et le cliché.
La réalité virtuelle à l’honneur
Des fauteuils, des écouteurs, et d’énormes appareils que l’on enfile autour de sa tête. C’est l’équipement proposé au visiteur désireux d’expérimenter, gratuitement, la réalité virtuelle via une sélection de 7 courts et moyens métrage et de quelques jeux vidéos. Accompagné par un bénévole, il est possible de s’essayer à la VR ou d’en apprendre plus sur son fonctionnement et son utilisation en assistant à la conférence organisée le dimanche 17 dans l’après-midi.
« La réalité virtuelle, c’est très attractif pour le public car très onéreux. Comme je le vois, c’est un moyen de faire un pont entre les jeux vidéo et le cinéma. »
Aider à la démocratisation du medium
Les conférences, les jeux en libre accès et l’exposition de l’artiste numérique Tatiana Vilela dos Santos sont autant d’éléments qui contribuent à la démocratisation du jeux vidéo en tant qu’expression artistique. Les organisateurs ne cachent pas leur désir de voir des curieux s’aventurer au Shadok durant le festival et se laisser prendre au jeu. A ce titre, le FEFFS permet de donner une visibilité inhabituelle au jeux vidéo à Strasbourg.
Jouissant lui-même d’une petite notoriété dans le monde du jeux vidéo, Benoît se dit satisfait que le secteur puisse ainsi profiter de l’engouement pour le festival pour se laisser découvrir par le grand public :
« Ça permet de prendre au sérieux le jeu vidéo, mais il faut bien se souvenir que les deux n’ont rien à voir l’un avec l’autre, tout comme le théâtre n’a rien à voir avec la poésie. »
On peut en effet à juste titre s’interroger sur la pertinence d’intégrer les activités vidéoludiques du Shadok au Festival du Film fantastique. Malgré les efforts des organisateurs pour lier leurs manifestations aux thématiques du FEFFS, le jeu vidéo demeure un aspect périphérique du festival. Mais Benoît se dit confiant :
« Le jeu vidéo gagne en maturité et cesse petit à petit de complexer par rapport au cinéma. Il est tout à fait capable de voler de ses propres ailes et il le fera. »
À l’étranger, le jeu vidéo bénéficie déjà de ses grands rendez-vous comme l’E3, une convention où sont présentées par les plus grands éditeurs les sorties annuelles. Le jeu vidéo indépendant gagnerait lui aussi à bénéficier d’une visibilité accrue, peut-être un jour à Strasbourg ?
Chargement des commentaires…