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Faute d’argent, Flavie aurait pu rater son permis avant même de l’avoir présenté

La vie sans permis (1). Peu de dispositifs existent en Alsace pour aider les jeunes à passer le permis de conduire, qui coûte de plus en plus cher. Flavie est étudiante et son code ne sera bientôt plus valide. Elle s’est donc résolue à s’endetter pour finir cet autre passeport vers la vie d’adulte.

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Faute d’argent, Flavie aurait pu rater son permis avant même de l’avoir présenté

Flavie (20 ans) est étudiante en histoire de l'art à Strasbourg. Coincée à mi-chemin dans sa formation à la conduite, elle aimerait passer son permis mais rencontre des difficultés financières. (Photo : Baptiste Cogitore)
Flavie (20 ans) est étudiante en histoire de l’art à Strasbourg. Coincée à mi-chemin dans sa formation à la conduite, elle aimerait passer son permis mais rencontre des difficultés financières. (Photo : Baptiste Cogitore)

« J’ai grandi dans la campagne lorraine. Chez nous, avoir son permis, c’était la première condition de liberté ».

Il y a trois ans, Flavie (20 ans) a quitté la Lorraine où elle avait grandi pour suivre ses études supérieures à Strasbourg. Entre son parcours en classes préparatoires et un double cursus en licence, elle n’a trouvé ni le temps ni l’argent de passer son permis. Pourtant, cette jeune étudiante en histoire de l’art reconnaît que disposer du précieux sésame rose lui « simplifierait clairement la vie ». Finis les covoiturages annulés en dernière minute, les galères pour déménager ses meubles ou faire des courses volumineuses. Mais Flavie n’en a pas encore terminé avec ces ennuis.

Des tarifs très variables…

Inscrite depuis deux ans dans une auto-école strasbourgeoise, Flavie a versé environ 450€ pour des leçons de code et sa présentation à l’examen théorique, qu’elle a obtenu du premier coup. Ses parents pensaient pouvoir l’aider à payer son permis, avant de connaître eux aussi des soucis d’argent qui les ont conduits à y renoncer. L’auto-école de Flavie lui propose des séances de conduite d’une heure, facturées à 41€, et l’autorise à échelonner son paiement, comme la plupart des professionnels. Comme elle n’a pas encore commencé ses leçons de conduite, il va lui falloir allonger au moins 800 euros pour avoir le droit de se présenter au volant devant un examinateur. La loi oblige un apprenti conducteur à valider un apprentissage d’un minimum de 20 heures avec un moniteur.

Mais selon une enquête nationale menée cette année par l’association CLCV auprès de 447 auto-écoles (sur les quelque 11 000 recensées en France), un conducteur sur trois a besoin de plus de 26 heures pour être au point lors du jour J, et plus des deux tiers dépassent les 20h de leçons. Ce qui augmente donc nettement le prix initial du forfait minimum, qui peut aller du simple au double selon les professionnels et selon les régions : 780€ à Lille contre 1425€ à Paris. Le collectif CLCV a établi que l’heure de conduite pouvait coûter de 36€ dans le Nord à 62€ en Vendée. L’auto-école de Flavie propose donc des prix dans la moyenne.

…qu’il faut revoir à la hausse.

Si le prix moyen du forfait — comprenant les frais de dossier, les leçons théoriques, l’examen théorique, les 20 heures de leçons pratiques et l’examen pratique — est de 1 067€ aujourd’hui, le coût réel pour obtenir son permis tourne plutôt autour de 1 800€, à cause des heures de conduite supplémentaires, d’une nouvelle présentation à l’examen en cas d’échec, etc. Sans compter les frais de dossiers additionnels si le candidat change d’auto-école à cause d’un déménagement, par exemple.

Un examen « périssable »

Mais le temps presse : comme Flavie a passé son code en 2011, elle n’a plus qu’un an pour se présenter à l’examen pratique. Pas question d’abandonner maintenant. En effet, le code n’est valable que trois ans quel que soit l’âge du candidat ou le permis choisi (auto, moto, poids lourd, etc.).

« Je me souviens que quand j’ai passé mon code, j’ai fait l’erreur de m’arrêter en cours de route… Je me disais que trois ans suffiraient largement pour passer mon permis. En fait, j’aurais mieux fait de tout boucler le plus vite possible et de m’en débarrasser. »

Pendant ces trois ans, Flavie peut se présenter cinq fois à l’épreuve — en ajoutant à chaque nouvelle tentative une dizaine d’heures de conduite pour se maintenir à niveau, car il faut compter raisonnablement trois mois de délai pour se représenter devant l’examinateur. En cas d’échec aux cinq tentatives ou lorsque le délai des trois années sera passé, il lui faudra tout reprendre à zéro, et repasser le code. Et perdre ainsi tout l’argent avancé… Si Flavie valide son examen et qu’elle souhaite passer un permis d’une autre catégorie (moto, poids lourd, etc.), elle disposera en revanche de cinq années durant lesquelles elle n’aura pas à repasser son code.

Des dispositifs rares et pas toujours adaptés

Pour l’heure, il lui faut payer ses heures de conduite. Et si possible, éviter d’étaler les leçons sur trop de temps :

« J’aimerais concentrer ma formation pratique à raison de quatre heures de conduite par semaine. C’est plus efficace, et puis, le temps joue contre moi ! »

Comme ses parents ne peuvent pas l’aider et que ses petits boulots ne suffisent pas, Flavie n’a plus d’autre choix que de souscrire un prêt étudiant. Pourtant, elle s’est bien documentée sur les possibilités d’aides au financement du permis pour les jeunes, qui, on s’en souvient, était un argument de Nicolas Sarkozy comme de François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle.

Ainsi, Flavie s’est renseignée pour tenter plusieurs options, mais elle ne répond à aucune condition préalable :

  • Si elle était demandeuse d’emploi, Flavie aurait pu demander de l’aide à Pôle emploi, en prouvant que l’absence de permis est un obstacle à une éventuelle embauche. Le montant maximum de l’aide est de 1 200€, et varie d’une région à l’autre.
  • Si Flavie ne vivait pas à Strasbourg, elle aurait pu demander une bourse au permis de conduire à sa mairie. En échange d’un financement allant entre 50 et 80% du coût de formation — réservé aux jeunes de 18 à 25 ans —, elle aurait pu fournir entre quarante et soixante heures de travail associatif ou de travaux civiques. Mais contrairement à Suresnes (92) ou Carcassonne (11), la ville de Strasbourg ne propose pas un tel dispositif, qui doit être voté par le conseil municipal. En Alsace, cette aide existe à Colmar et ne représente que 30% du permis de conduire (360€ maximum), ouvert aux jeunes de 17 à 23 ans.
  • Si elle avait suivi la formation à la conduite accompagnée, Flavie aurait pu tenter d’obtenir une aide : mais là encore, ce dispositif n’existe que dans le Haut-Rhin, pour les jeunes de 16 à 25 ans. Le montant de l’aide est de 160€ par personne. Le candidat doit être inscrit dans une auto-école du Haut-Rhin partenaire (il y en a quarante en tout) et sa famille résider dans le département. Petite fleur : l’attribution de l’aide à la conduite accompagnée n’est pas soumise à une condition de ressources.

Un prêt, pour un papier rose

En fait, le seul dispositif auquel Flavie peut recourir aujourd’hui est le permis à un euro par jour : il s’agit d’un prêt à taux zéro aidé et garanti auprès des banques et des auto-écoles partenaires par l’État. Ce prêt est réservé aux personnes qui présentent leur examen de conduite pour la première fois et le dossier est soumis à l’acceptation par les banques. Celle de Flavie a accepté de financer ce prêt sans intérêt, alors que dans la plupart des cas, les établissements signent un contrat avec le futur conducteur dès son inscription dans une auto-école, a priori avant l’examen théorique.

« À 30 euros par mois, je peux m’en sortir : c’est vrai que je vais devoir revoir mon budget et peut-être rogner sur quelques achats ou sur des sorties, mais c’est beaucoup plus avantageux pour moi qu’un prêt avec intérêts ! »

Flavie peut souffler un peu : sa banque avancera la somme à l’auto-école et la candidate le remboursera au fur et à mesure.

« Financièrement, ça m’enlève le couteau que j’avais sous la gorge. Le truc, c’est de ne pas s’arrêter en chemin, sinon le permis vous coûte très cher. En fait, j’aurais peut-être dû attendre la fin de mes études et d’avoir vraiment besoin de conduire pour débuter. »

En France, 40 millions de personnes sont titulaires d’un permis B. En 2012, plus de 82% des candidats qui l’ont décroché avaient, comme Flavie, moins de 25 ans.

Aller plus loin

Sur CLCV.org : Les tarifs et pratiques des auto-écoles (étude d’août 2013)


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