Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Face au projet de rénovation de l’Elsau, les habitants ne décolèrent pas

Dans la soirée du 27 mars, plus de 200 Elsauviens ont assisté à la présentation du projet de rénovation de leur quartier. Pendant trois heures tendues, les responsables locaux ont tenté de répondre aux inquiétudes des habitants. Pour beaucoup, la colère subsiste.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Face au projet de rénovation de l’Elsau, les habitants ne décolèrent pas

La grande salle du Centre socioculturel de l’Elsau est pleine à craquer. Mercredi 27 mars à 18h30, plus de 200 personnes sont venues découvrir la rénovation à venir de leur quartier. L’ambiance est tendue. Les guichets bancaires et le supermarché fermés depuis trois ans, le chômage et la délinquance ont nourri la rancoeur elsauvienne. Ce soir, certains habitants craignent que leurs demandes répétées n’aboutissent pas. D’autres sont inquiets de voir leur immeuble promis à la destruction par le Nouveau Plan National de Rénovation Urbaine (NPNRU).

Beaucoup ont le sentiment de ne pas avoir été écoutés. Demain, plusieurs responsables strasbourgeois feront valider leur projet auprès de l’Agence national de rénovation urbaine (Anru). Mais « rien n’est gravé dans le marbre », assurent les meneurs du projet. Pas de quoi rassurer le public.

Les responsables du projet ont tenté de répondre à plus de 200 Elsauviens pendant près de trois heures. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Pas de solution pour le supermarché

François Desrues, directeur de projet pour l’Eurométropole, suscite la première déception. À ce jour, aucune solution n’a été trouvée pour rouvrir un supermarché dans le quartier. Les Elsauviens voient là leur premier espoir douché. Mathieu Cahn, vice-président de l’Eurométropole en charge du renouvellement urbain, tente d’expliquer les leviers d’action à sa disposition : « Nous avons proposé une offre d’achat au propriétaire, qui l’a refusé. Je suis un élu, je ne peux pas ouvrir des banques ou un commerce. » « On n’a rien ici ! On est des clochards ! », répond une habitante du quartier.

« Où va habiter ma mère ? »

Deuxième question du public : « Où va habiter ma mère qui vit dans un immeuble qu’on va détruire ? » Sur ce point, l’élu strasbourgeois (PS) se montre plus rassurant :

« Nous allons accompagner les locataires concernés par les démolitions. Ils auront au moins trois propositions et pourront rester dans leur quartier s’ils le souhaitent. »

Philippe Bies, président du bailleur social CUS Habitat, abonde : « Pour chacun, il y aura systématiquement une enquête sociale pour trouver une solution. »

Pendant deux heures, les responsables locaux tentent de répondre aux inquiétudes et aux revendications des Elsauviens. Certains habitants craignent l’arrivée d’une route reliant Lingolsheim à leur quartier. Mais sur ce point les responsables locaux ont suivi les remontées du terrain : l’Elsau restera « délicieusement nichée dans le bras de l’Ill », comme le demandait le conseil citoyen. Cette instance de démocratie participative a aussi permis de renoncer à la démolition de l’immeuble situé du 21 au 29 rue Martin Schongauer.

Les exclus de la concertation

Mais la participation citoyenne a ses limites. Le président de l’association de locataires ALIS, Hmida Boutghata, dénonce un conseil citoyen « qui n’est pas représentatif de la population. » Son frère Moussa lutte depuis des années pour la construction d’un lieu de culte musulman. « Nous avons parfois 200 fidèles alors que le local que nous louons à CUS Habitat ne peut en accueillir que 100… », explique-t-il.

Luc Gillmann, adjoint de la Ville pour le quartier Elsau, élude rapidement la question : « Il y a déjà deux lieux de culte et nous n’avons ni terrain identifié, ni projet de financement pour une mosquée. » Moussa Boutghata quitte les lieux, furieux.

Hmida Boutghata, président de l’association de locataires ALIS, a dénoncé une concertation de façade. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

Rappelant la problématique du trafic de drogue à l’Elsau, un autre habitant pose la question d’un projet destiné à la jeunesse. Michel Witasse, un habitant du quartier, demande plus que la construction d’une salle de boxe derrière le centre socioculturel. Mais le problème reste entier suite à la réponse des responsables locaux.

Laurent Garczynski, habitant du quartier voisin de la Montagne-Verte, a pourtant formulé une proposition concrète sur ce thème. L’initiateur du projet « Elsau idéale » souhaitait lancer un projet de construction durable dans le quartier :

« Nous avons proposé une maison du projet pour les nouveaux métiers du bâtiment. Grâce à un chantier participatif, impliquant des jeunes du quartier, l’Elsau aurait eu une vitrine et des Elsauviens formés à un métier qui a de l’avenir. »

« Rien d’alternatif n’est accepté »

L’idée n’a pas trouvé sa place dans le projet de rénovation… Alors Laurent Garczynski n’hésite pas à fustiger la « concertation dont se gargarisent les élus » :

« Le bilan est maigre quant aux résultats de notre action. Quand on présente quelque chose aux responsables, ils sont d’accord. Mais ensuite rien d’alternatif n’est acceptée. J’ai seulement obtenu une légère ouverture de CUS Habitat sur un projet de résidence pour séniors (dans la rue Michel-Ange, derrière l’établissement Léonard de Vinci, ndlr). »

21h30. Mathieu Cahn a décidé de mettre fin aux questions. La salle s’est déjà vidée de moitié. Près de la porte, deux habitants du quartier expriment leur rancoeur. L’un regrette que la question du stationnement et d’un parc pour enfants aient été absentes du débat. L’autre voit un problème plus profond :

« Regarde qui est-ce qui est devant. Ils viennent parler de l’Elsau mais ils ne connaissent pas la vie ici. Et le conseil citoyen, ce ne sont que des vieux. Les principaux concernés, les jeunes du quartier, personne leur a posé aucune question. »


#Elsau

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options