Affiches sur les symptômes du coronavirus et lavage régulier des mains. Le responsable du MacDo de la place Kléber a vite fait de résumer les mesures mises en place contre le Covid-19. Pressé malgré une fréquentation en baisse de son établissement, l’homme n’en dit pas plus sur l’étape d’après. « On verra ce qu’ils mettent à la télé », balaye le gérant. Selon le décompte de l’Agence régionale de santé (ARS), 364 personnes étaient contaminées en Alsace mardi 10 mars à 17h, dont 104 cas dans le Bas-Rhin.
« On ne se serre pas la main »
Dans le supermarché voisin, Emmanuel Klein entre vers 9 heures et évite une main tendue par une employée : « On ne se serre pas la main », rappelle-t-il calmement. Emmanuel Klein énumère les précautions d’ores et déjà mises en place : gel hydroalcoolique et gants distribués aux employés, désinfection régulière des claviers des caissières, lavage régulier des mains… « Au moindre doute, le salarié malade est invité à rester chez lui », conclut le directeur de l’Auchan de la place Kléber.
Le risque « d’achat compulsif »
Pour Emmanuel Klein, la pénurie représente la plus grande menace pour son établissement. Craignant un phénomène « d’achat compulsif », le gérant scrute avec attention les évolutions des stocks de pâtes, riz, farine et autres boîtes de conserves. Le directeur se prépare aussi une pénurie de main d’oeuvre en cas d’infection au sein de son équipe :
« On a mis en place des formations en polyvalence pour les employés. Si quelqu’un de l’équipe des caissières est contaminée, voire plusieurs personnes, elle pourra être remplacée par quelqu’un qui fait les rayons. »
« Je suis plus fragile que vous »
Un peu plus loin, dans la rue du Maroquin, Khenifar vient de sortir de la Poste située à quelques mètres de la cathédrale. Le retraité de 76 ans porte un masque chirurgical qu’il a gardé d’une opération il y a plus d’un an. Diabétique, cet ancien travailleur dans le BTP évite les endroits bondés : « Je suis plus fragile que vous, alors je porte ce masque et je reste chez moi le plus possible… » Il est 9h30, le vieil homme semble profiter d’un moment de calme dans cette rue d’ordinaire bondée de touristes.
Chercher toutes les économies possibles
Dans un hôtel de l’autre côté de l’Ill, la salle du petit-déjeuner est aussi plus calme que d’habitude. Cette semaine, la gérante, qui a tenu à garder l’anonymat, subit aussi l’annulation de la session parlementaire à Strasbourg. Craignant que l’épidémie ne continue de se propager, la directrice cherche à réaliser des économies :
« On a gelé les embauches et on a demandé à ce que des gens prennent des congés payés. On a réduit le budget pour les bouquets de fleurs puisqu’il n’y a plus autant de monde. On coupe le chauffage dans les bâtiments vides… On s’attend à une baisse de fréquentation de 30%. »
Registre des visiteurs et prise de température
Au cœur de la Grande Île de Strasbourg, la maison de retraite Saint-Arbogast prévient les visiteurs dès l’entrée du bâtiment : « Merci de vous inscrire sur le registre des visiteurs, de passer à la prise de température et de limiter vos déplacements dans la maison. » Pour limiter les risques de contamination, seule une personne par résident est admise en visite. La responsable de l’accueil de l’Ehpad raconte le chamboulement provoqué par l’épidémie dans son travail quotidien :
« Je passe beaucoup plus de temps à filtrer les entrées. Alors on met de côté certaines tâches liées à l’animation, à la décoration ou à l’aménagement de l’Ehpad. Aujourd’hui, une formation est prévue pour gérer l’épidémie en termes de ressources humaines. Si les cours sont annulés comme dans le Haut-Rhin, il faut bien s’organiser pour s’assurer d’avoir le personnel nécessaire… »
Prochaine étape : fermeture des guichets
Derrière la place des Halles, une trentaine de personnes patientent devant le guichet d’Electricité de Strasbourg. Pour le directeur de la communication Frédéric Thiry, la prochaine phase d’alerte déclencherait des mesures plus restrictives pour l’accueil du public. « Tous les services au guichet sont disponibles par internet. Ils permettront d’assurer la continuité du service », assure Sandrine Maurin, responsable d’agence.
10h30. Un homme en veste noire et en jean vient d’entrer dans une pharmacie strasbourgeoise. Malgré les nombreux écriteaux annonçant la rupture de stock sur le gel hydroalcoolique et les masques, l’homme en demande. Puis il se lance dans la description de ses efforts vains, à commencer par une commande sur Amazon « avec 30 euros de frais de port ». Puis il s’est rendu compte que les masques venaient de Chine : « Alors là je me suis dit “J’en veux pas.” »
L’épidémie, ce fléau oublié
Au départ du chercheur de masque, le gérant de la pharmacie souffle : « J’en peux plus »… Michel fustige l’impréparation du gouvernement face à la crise. Les professionnels de santé se sont rués sur les dix boites de cinquante masques reçues mardi. Pourtant, le pharmacien relativise la protection offerte par ces objets :
« Les masques chirurgicaux ne permettent que de protéger les autres. Pour les masques FFP2, le filtre est plus efficace… mais au bout de quelques heures à les porter, on manque d’oxygène. »
Pour Michel, le plus important reste « de ne pas paniquer, car la morbidité du virus reste assez faible. » Le pharmacien pense qu’en passant à côté de nombreux cas de Covid-19, les statistiques indiquent une dangerosité plus élevée du Coronavirus. Il conclut par une prise de conscience nécessaire pour la suite :
« On cherche tellement le risque 0 qu’on a oublié que dans la vraie vie, l’Homme n’est pas tout puissant. Il peut aussi être fragile face à une épidémie. »
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