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Face à la seconde vague de Covid, les hôpitaux universitaires de Strasbourg « sur le point d’être débordés »

En quinze jours, le nombre de patients Covid a triplé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Une deuxième vague qui survient en pleine période de tension épidémique avec la grippe et de la gastro-entérite aiguë. Le chef des urgences Pascal Bilbault craint le débordement de son service.

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Face à la seconde vague de Covid, les hôpitaux universitaires de Strasbourg « sur le point d’être débordés »

En quinze jours, le nombre de patients Covid hospitalisés a triplé aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Ce lundi 26 octobre, 83 patients Covid étaient pris en charge aux HUS, dont 13 en réanimation. Le 10 octobre, ils n’étaient que 23 patients Covid, dont 8 en réanimation. Cette deuxième vague a poussé l’établissement à déclencher un plan blanc.

Bulletin d’information de la cellule de crise des HUS Photo : Document remis

Le plan blanc permet par exemple des sorties anticipées de patients hospitalisés. Des salles de réveil chirurgical peuvent aussi être transformées en unité de soins critiques et de réanimation Covid. Mais ce mécanisme réservé aux situations sanitaires exceptionnelles ne suffit pas à rassurer les soignants des HUS… « Une réponse indispensable mais non-suffisante », pour le professeur Bilbault, chef du service des urgences des HUS, qui compte sur les déprogrammations d’opérations pour libérer du personnel.

Prêt en matériel, pas en lits et en personnels

« Point de vue matériel, masques, gants, protections, on est prêt cette fois. Mais nous ne sommes pas prêts ni en lits ni en personnel », déplore le professeur Jean-Philippe Mazzucotelli, chef du service chirurgie cardiaque aux HUS. Le professeur Pascal Bilbault décrit aussi une situation « tendue » au sein des hôpitaux strasbourgeois. Il pointe la « conjonction de patients Covid et non-Covid et de lits fermés par manque de personnel médical et paramédical. »

Un constat que partage le professeur Jean-Philippe Mazzucotelli, chef du service de chirurgie cardiaque : « Aujourd’hui, on arrive encore à accueillir tout le monde mais dans les prochains jours, ça risque de devenir compliqué », explique-t-il.

(Photo Jérémie Rumpier)

Des personnels proches de l’épuisement professionnel

Le contexte de manque de personnel est ancien aux HUS. Mais au sous-effectif s’est ajouté le traumatisme de la première vague au sein du personnel soignant. Un rapport sur les risques psychosociaux au sein de l’établissement, datant d’octobre 2020, montrait qu’un tiers des soignants des urgences et du service de réanimation et des urgences des HUS souhaitait quitter l’hôpital. Les questionnaires du cabinet Technologia, spécialisé dans les risques au travail, ont aussi révélé qu’un quart du personnel interrogé a un risque « élevé ou très élevé d’épuisement professionnel. » D’où les inquiétudes du professeur Mazzucotelli :

« Beaucoup de personnels sont partis. Ceux qui sont restés et qui ont vécu la première vague vont se retrouver dans une situation très compliquée professionnellement mais aussi dans leur vie personnelle. Ils sont nombreux à s’inquiéter que leur famille puisse à nouveau être exposée à une contamination. »

Professeur Jean-Philippe Mazzucotelli, chef du service de chirurgie cardiaque des Hôpitaux universitaires de Strasbourg

« On risque d’exploser et le système hospitalier avec »

Pour Sébastien Harscoat, praticien hospitalier aux urgences strasbourgeoises, l’engagement des soignants atteint ses limites face à la deuxième vague :

« Tous les jours, on se met en quatre pour que le système fonctionne encore malgré les dysfonctionnements quotidiens. Mais là on est fatigué de les compenser. À force de faire reposer l’hôpital sur la bonne volonté des soignants, on risque d’exploser et le système hospitalier avec. »

Les personnels hospitaliers craignent également la virulence de la grippe 2020. « La grippe 2019 a été relativement clémente. En mars, il n’y avait plus de cas donc il n’y a pas eu de chevauchement avec le Covid. Mais on ignore ce qu’il en sera de celle de 2020 », raconte le professeur Bilbault.

Un Ségur de la Santé « honteux »

Une situation à laquelle le Ségur de la Santé de juillet n’a pas répondu. Pour le professeur Bilbault, « le Ségur, ça a été beaucoup d’annonces mais le concret arrive lentement. Or il est nécessaire qu’il arrive maintenant ! » Le professeur Mazzucotelli voit même dans la concertation gouvernementale de l’été une des sources de la pénurie de personnel : « Le Ségur a été contreproductif et honteux avec des augmentations de salaires ridicules pour les infirmières. »

Pour le professeur Bilbault, les hôpitaux strasbourgeois ne sont pas débordés mais « pas loin du bord ». D’autant que la situation évolue très rapidement : « La situation change toutes les 48 heures et les choses accélèrent très vite. »


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