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Les silhouettes identitaires de Charles Fréger au Musée alsacien et à La Chambre

Du 18 novembre 2023 au 14 janvier 2024 à La Chambre, Charles Fréger propose un voyage au cœur des époques et des lieux avec son exposition Silhouettes. De quoi découvrir des corps tout en contours, en parallèle de l’exposition Souvenir d’Alsace au Musée alsacien.

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Les silhouettes identitaires de Charles Fréger au Musée alsacien et à La Chambre
 Charles Fréger, Bretonnes, 2011-2014.

Avec ses photographies habituellement colorées et comblées de détails, Charles Fréger capture des communautés et des groupes sociaux au prisme de leurs costumes et uniformes. En travaillant en série, l’artiste ramène le corps individuel au corps collectif. Un jour, à la suite d’un dysfonctionnement de flash lors d’une prise de vue, seule la silhouette noire du sujet photographié fut saisie. Intéressé par cette représentation par le contour, l’artiste décida alors de renouveler le dispositif pour poursuivre sa recherche visuelle sur les silhouettes.

Symboliser les régions sous diverses représentations

Depuis 2011, l’artiste déploie une réflexion photographique en trois volets sur les identités régionales. Après un travail sur la Bretagne (2011-2014), puis sur le Pays basque (2015-2017), Charles Fréger s’est penché sur l’histoire alsacienne, lors d’une résidence en collaboration entre la Chambre et le Musée alsacien de Strasbourg. Depuis juin, entre les murs du Musée, l’exposition Souvenir d’Alsace laisse entrevoir une iconographie singulière de la région au moyen de silhouettes qui se révèlent sous plusieurs formes, de la photographie aux pains d’épices.

Vue de l’exposition Silhouettes à La Chambre.Photo : Axelle Geiss

D’ordinaire uniquement exposées par séries, les photographies de l’artiste sont associées dans le cadre d’une seule exposition pour la première fois. Des liens esthétiques se créent entre les multiples formes visuelles au sein des deux espaces d’exposition. Une représentation s’exprime alors sous différents supports : la photographie La Danse de L’Aigle se retrouve aux côtés d’un silex biface et d’un crâne d’homme de Néandertal à la Chambre, tandis que l’aigle apparait en vidéo au sein du Musée alsacien. 

Charles Fréger, La danse de l’aigle, photographie, série Souvenir d’Alsace, 2018.Photo : Axelle Geiss

Entre fond et contours : des expérimentations multiples

La photographie Bretonnes, seule image de la série éponyme exposée, met en lumière la silhouette d’une femme vêtue de noir au premier plan. Un jeu de textures entre les tissus se joue, mis en avant par les nuances de noir. L’arrière-plan, flouté par la présence d’un voile, laisse entrevoir les silhouettes d’autres femmes. Une impression étrange émane de l’image : la femme du premier plan semble presque avoir été découpée et collée sur le fond. 

 Charles Fréger, Bretonnes, 2011-2014.Photo : Axelle Geiss

L’artiste joue d’ailleurs de ce procédé au début de l’espace d’exposition. Comme pour intensifier davantage ce jeu de contours, des portraits de profil sont découpés dans du papier noir et contrecollés sur un fond blanc. Exposés en une série de médaillons, ces silhouettes tout en minutie font écho à la photographie Mariage à Seebach. La coiffe de mariage faite de dentelle se dégage de l’arrière-plan beige de l’image. Pour le fond de cette photographie, l’artiste a utilisé un tissu humecté par lequel la lumière transparait. Entre les zones sèches et les celles plus humides, un contraste visuel s’opère, mettant en exergue la délicatesse de la coiffe.

Charles Fréger, Irudi, 2015-16, série La suite basque. Photo : Axelle Geiss

L’exposition dévoile d’autres expérimentations formelles de l’artiste. D’après lui, l’arrière-plan est évocateur, bien qu’il ne dévoile pas toujours tout. Deux photographies de la série sur la préhistoire figurent à La Chambre. La première a été prise dans l’ancien pavillon du plus vieil hôpital psychiatrique de France, tandis que la seconde prend place dans une ancienne salle de cours de médecine de l’école de Rouen. L’artiste parle « d’environnements savants », qui permettent d’enrichir la mise en scène photographique.

Charles Fréger, photographie issue de la série La Préhistoire, 2017-2018.

Une exposition sur un fond de violence 

En ne conservant de ses sujets que leur silhouette, l’artiste laisse place à des possibilités de narrations individuelles. Tandis que les signes visuels des photographies font appel à notre imaginaire collectif, la zone presque noire suscite notre imagination et notre culture visuelle personnelle. On ne voit pas vraiment les détails, mais on devine ce qu’il s’y trame. 

Et l’artiste aide son public à tisser des liens entre les œuvres, à enrichir l’histoire qui se dessine. La photographie des Bretonnes met l’accent sur la coiffe – sans dentelle – qui s’apparente à un capot de deuil. Une correspondance se joue sur le mur : les femmes basques représentées font écho à l’inquisition basque. L’artiste fait référence à plusieurs centaines de femmes brûlées vives, dont le prétexte donné fut le port de leurs coiffes, jugées obscènes. À côté, se trouve une autre série : des photographies de femmes alsaciennes, dont les coiffes – encore une fois – deviennent un signe visuel d’identification. Pour l’artiste, il s’agit presque d’une scène de deuil, Charles Fréger parle même d’une « sororité en deuil »

Ainsi, entre les femmes guerrières, celles en deuil, les exilés et victimes de guerres, et autres scènes d’affrontement, l’exposition se dévoile sur un réel arrière-plan de violence. 

Vue de l’exposition Silhouettes à La Chambre. Photo : Axelle Geiss


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