Entre dynamiques participatives et questionnements de l’espace urbain, le festival « Voix Publiques » reflète, construit, imagine, commente ce qu’est Hautepierre aujourd’hui, et ce que ce quartier de l’ouest de Strasbourg sera peut-être demain. Le programme complet est disponible sur le site d’Horizome.
Pour faire découvrir ce que ce festival propose, Rue89 Strasbourg a rencontré deux employées d’Horizome, Mélanie Fresard, responsable administrative, et Bernadette Nguyen, coordinatrice de projets, qui a rejoint le collectif il y a 6 mois.
Rue89 Strasbourg : D’où est venue l’idée du Festival « Voix Publiques »?
Mélanie Fresard (MF) : Depuis 2009 l’association menait chaque année ce qu’on appelle un « temps fort ». Mais nous nous sommes rendus compte cette appellation « temps fort » ne parlait pas à grand monde. « Voix Publiques » vient du fait que nous menons des actions dans l’espace public, afin d’apporter des outils et d’échanger avec les habitants pour qu’ils puissent s’exprimer, porter leur parole et participer aux activités du quartier.
La première édition, en 2014, était une sorte de « préfiguration » de ce que nous faisons aujourd’hui. L’idée est aussi de présenter le travail des artistes en résidence dans le quartier. Cette année nous avons souhaité un festival vraiment représentatif de l’activité d’Horizome, c’est à dire un « connecteur » entre les différents partenaires actifs sur le quartier, tout en questionnant l’appropriation de l’espace public. Nous avons invité tous les partenaires à réaliser ce festival ensemble : nous coordonnons les actions dans leur globalité, mais le festival est une action commune.
Bernadette Nguyen (BN) : Tous les partenaires n’ont pas pu se joindre à l’édition de cette année, par manque de temps, mais ils seront présents l’année prochaine. C’est le cas par exemple pour les Percussions de Strasbourg.
Rue89 Strasbourg : Quels ont été les retours des habitants du quartier sur ce que vous avez fait précédemment?
MF : Souvent les moments de festival sont une occasion, pour les habitants, de découvrir Horizome. C’est un peu bizarre, mais nous ne sommes pas encore très identifiés, même si les aménagements participatifs que nous avons faits dans la Maille Eléonore, comme ils sont visibles et permanents, aident à nous faire connaître. Nous avons de plus en plus de gens qui viennent nous voir à l’association, qui nous demandent des conseils pour monter leurs projets.
BN : Je peux donner un exemple de projet que Horizome a soutenu : Abdelkader [Sidi Ali Cherif], qui habite Hautepierre, voulait monter un projet de court-métrage qui s’appelait initialement Un pas vers l’autre. Son projet s’appelle aujourd’hui Voix de Hautepierre et sera présenté pendant le festival. Ce sont des récoltes de témoignages dans le quartier de Hautepierre, auprès des jeunes. Ce n’est pas évident, il faut vivre le quartier, le connaître, pour pouvoir faire cette démarche.
Rue89 Strasbourg : L’Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU) va installer des divans et récolter des « portraits chinois » du quartier pendant le festival. Qu’allez-vous en faire ensuite ?
BN : La Ville de Strasbourg nous a contacté pour mener une résidence artistique sur le quartier de Hautepierre. Lorsque nous les avons rencontrés, nous leur avons parlé des « Ateliers populaires d’urbanisme » (APU) menés par Yann Coiffier, qui fait partie de l’association et de notre travail avec l’ANPU. Il y aura donc une première phase de récolte pendant le festival, pour ensuite organiser une phase de restitution entre octobre et la fin de l’année. Le format est encore en discussion : grands affichages dans l’espace public, édition…
MF : Le tout était aussi en lien avec le programme FIP : fabriquer – inventer – partager, qui avait commencé avec la résidence de Marcelli [Antùnez Roca] à Hautepierre. C’est un programme mené avec le Shadok et AV Lab, qui a duré 2 ans et qui se termine en juin. Il y a aussi un atelier radio qui s’est développé autour de ça : nous souhaitons le garder, c’est la radio de l’APU. Cette radio va devenir un outil phare de la résidence, en lien avec l’ANPU.
Rue89 Strasbourg : Comment est-ce qu’on peut participer aux Ateliers populaires d’urbanisme ? Et pourquoi ?
BN : Nous allons mettre en place une communication avec un groupe Facebook. Il y a aussi un répondeur téléphonique en lien avec la radio, à travers lequel on peut nous contacter, ainsi qu’une adresse mail. Pourquoi participer ? Parce que cela parle de la vie du quartier, du quotidien, de ce qui se passe autour de nous. On voit les gens faire des travaux, les choses qui changent, on aimerait bien savoir pourquoi et si on a le pouvoir ou non d’agir dessus.
MF : La deuxième phase de rénovation va commencer sur les Mailles Brigitte et Eléonore. Il s’agit donc à la fois de témoigner de ce qui s’est fait dans les Mailles rénovées et de participer à ce qui va se faire, puisque cela se fait en lien avec la direction de proximité de la Ville.
Rue89 Strasbourg : Les nouvelles technologies jouent un rôle important et transversal dans le festival. Est-ce essentiel quand on se préoccupe de rénovation urbaine ?
MF : Je ne sais pas si c’est indispensable, mais nous à Horizome on travaille beaucoup avec le numérique. Créer des outils cela permet de témoigner, par exemple simplement avec un téléphone et un répondeur. Il y a aussi, dans le cadre du FIP, un atelier de jeux vidéos 3D qui a lieu tous les jeudi soir au Ricochet, mené par Grégoire Zabé et Matar Niang. Les jeunes créent un jeu vidéo en 3D qui se passe dans la Maille Karine. C’est une façon, pour les gens, de pouvoir créer « leur » maille, cela peut donner des idées, des façons de réfléchir autrement. Le numérique n’est pas indispensable mais les outils créés permettent de donner une autre façon de voir, de donner aux gens qui ne sont pas à l’aise avec la parole la possibilité de s’exprimer autrement.
BN : Pédagogiquement, c’est génial, ce sont des jeunes de 8 à 14 ans qui sont très autonomes. Moi quand je ne sais pas faire quelque chose je vais voir Grégoire, alors que le petit à côté de moi, quand il a un doute, il sort son téléphone portable et il se trouve un tuto.
MF : Il y a aussi quelque chose de moins frontal, comme avec le SONar, la cabine mobile de captation sonore. On est ensemble autour de cet objet bizarre, on échange, on questionne, cela créée un partage d’expérience.
Rue89 Strasbourg : Y-a-t-il des habitants du quartier qui viennent vous assister en tant que bénévoles pour le festival?
MF : Alors nous avons surtout une super bénévole, c’est Marguerite, qui est arrivée lors de la première édition de « Voix Publiques » en 2014 et depuis elle ne quitte plus Horizome. Elle vient nous voir, elle fait des gâteaux, elle bricole. C’est très important, et on sent que, au-delà de l’aide qu’elle nous apporte, ça lui fait du bien à elle aussi. Elle découvre des choses nouvelles, et elle l’exprime.
BN : Nous avons aussi une équipe de choc avec des étudiants du diplôme supérieur d’Arts Appliqués du Lycée Le Corbusier. Ils sont un peu sur les mêmes thématiques et la même philosophie que Horizome.
MF : Au-delà du festival, parfois c’est le simple fait d’être dans l’espace public qui génère des choses. Peut-être que demain, quand on va monter la scénographie place Maurois, les gens vont venir nous donner un coup de main spontanément. ça marche beaucoup comme ça.
Rue89 Strasbourg : Qu’est-ce que les présences artistiques apportent dans un festival comme celui-là ?
MF : C’est comme les outils numériques, cela apporte une autre dimension. La créativité amène quelque chose qui peut être léger, moins frontal, plus ludique. Venir tester des nouvelles choses, ça intrigue les gens, ça génère de la curiosité. C’est aussi donner accès à l’art à des gens qui n’ont pas forcément ce réflexe. C’est une autre démarche : on attire pas le public vers d’autres endroits, on se pose là pour aller vers eux.
BN : Ce sont les habitants qu’on retrouve sur les photos des expositions, ou en silhouettes. Il y a plusieurs expositions sur les festival, comme le projet « Ici-Correspondances » de la Compagnie 12:21 qui a travaillé avec plusieurs groupes de Hautepierre.
MF : Il y a aussi l’atelier que mène la compagnie de danse SomeBody tous les jeudis matin au CSC Le Galet en lien avec le centre médico-social. Cet atelier se passe sur le plateau de théâtre, dans la yourte du spectacle des Migrateurs. Le but de cet atelier est de travailler sur l’éveil du corps via des gestes de danse très lents, mais aussi sur la façon d’occuper des espaces, de se les approprier.
Rue89 Strasbourg : Dans le festival, tout est ouvert à tout le monde et gratuit?
BN : La plupart des événements du festival sont gratuits, par contre il faut réserver pour manger à midi chez Table et Culture. Le spectacle Un soir chez Boris des Migrateurs est aussi sur réservation. Pour les enfants et leurs parents, il y a les animations de rue du CSC du Galet, les expositions, toutes les activités…
MF : A noter que l’atelier de la compagnie SomeBody est réservé aux femmes.
Un festival fait en commun
Comme le précise l’entretien, le collectif Horizome se place en coordinateur, en « connecteur » de cet événement, qui regroupe des acteurs sociaux et culturels du quartier : citons donc pêle-mêle les Migrateurs, le centre social et culturel Le Galet, Table et Culture, les Jeunes Équipes d’Éducation Populaire (JEEP), l’Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU), la compagnie 12:21, la compagnie SomeBody, Hautepierre sur les Tréteaux, 3 mothersfilms, l’AFEV, Femmes d’ici et d’ailleurs, le collectif Entropie, la Direction Territoire Cronenbourg Hautepierre Poteries Hohberg.
Chargement des commentaires…