Selon la Bible, le peuple juif ne naît pas sur le sol qui lui est destiné mais il est comme « accouché » par une expulsion douloureuse, d’une terre étrangère qui lui est hostile. En se libérant des chaînes de l’esclavage d’Égypte, les Hébreux deviennent une nation-nomade dans un premier temps. C’est seulement après la traversée de la Mer Rouge et 40 années de pérégrinations dans le désert, que le peuple rentre en Canaan, mais sans le chef qui les conduisit jusque là. En effet, Moïse décède à la frontière même de la Terre Promise.
L’histoire de Moïse comme paradigme de celle d’un peuple
Le film de Ridley Scott centre son propos sur l’histoire singulière de Moïse, en tant qu’enfant adopté au palais de Pharaon, puis en tant qu’adulte découvrant ses origines. Il met l’accent sur le parcours du leader des enfants d’Israël au moment où ils émergent comme un peuple prêt à servir Dieu. Ils reconnaissent en Lui, celui qui déploya les 10 plaies pour les sauver de l’esclavage.
En braquant le projecteur sur l’histoire de Moïse, (récit assez fidèle à la version biblique) Ridley Scott donne un fil conducteur qui a tout son intérêt, mais son personnage phare n’acquiert que très peu de consistance au fil du récit. On est surpris de constater que plus il avance dans sa mission, plus Moise devenu Moshé se vide de lui-même, et perd de son charisme.
Sa rencontre avec Dieu devant le Buisson Ardent, prend la forme du dialogue du moi adulte avec la conscience pure de l’enfant. L’idée n’est pas mauvaise, mais elle fait de l’ex Prince d’Égypte un personnage régressif : un leader qui abandonne ses qualités de général des armées pour devenir un mystique éthéré à la limite de la naïveté.
La bande annonce
Un blockbuster de grande envergure qui reste un peu creux
Les décors et les effets spéciaux sont éblouissants, les batailles époustouflantes. Les chars et les chevaux semblent tout droit sortis du Colisée de Gladiator, mais on reste subjugués et tout aussi admiratifs de les retrouver dans ce spectacle plus grandiose que jamais. L’ensemble ne manque pas de souffle et de contenu, mais bien d’émotion et de rythme.
Les Dix Plaies s’abattent sur l’Égypte en accéléré, alors que les tergiversations de Moïse occupent l’espace désertique de ces temps trop reculés pour être porteurs d’un réalisme psychologique ou existentiel des personnages. Les masses sont vivantes et crédibles, mais les individus inscrits dans une histoire universelle qui les dépasse, perdent de leur substance en parlant anglais ou en s’exprimant à titre subjectif.
Une interprétation biblique à la portée de tous
La trouvaille du film réside cependant dans la manière de laisser planer le doute sur les « miracles », et sur l’historicité du récit. Chacun reste libre d’y entendre ce qu’on lui a raconté dans son enfance, ou de l’interpréter psychanalytiquement comme un conte qui fait parler son inconscient. L’ensemble reste crédible en tant que péplum, même si à trop vouloir ancrer tous les second rôles dans le giron du personnage principal, ils finissent par s’évanouir au profit des décors où ils évoluent.
Mais il reste évident qu’avec ce dernier opus très travaillé de Ridley Scott, on partage plus que du cinéma… Tous les plans, les costumes et les maquillages, ainsi que les cadres naturels et historiques sont aussi un hommage au récit biblique. Ils constituent à chaque étape une invitation à une lecture originale et très parlante de l’écrit de l’Exode. La virtuosité avec laquelle le cinéaste s’est emparé de cette légende mythique repose des questions essentielles, et ne laissera certainement aucun spectateur indifférent.
EXODUS est programmé à Strasbourg à l’UGC Ciné Cité et au Vox.
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