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Ces événements festifs alsaciens s’arment contre les violences sexistes et sexuelles

Depuis la vague #MeToo, les dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles existent dans les festivals et les lieux de fête alsaciens.

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Ces événements festifs alsaciens s’arment contre les violences sexistes et sexuelles
Le festival Decibulles, à Neuve-Eglise (67), s’arme contre les violences sexistes et sexuelles avec le dispositif Safer.

Agressions, frottements, contacts non-consentis… « Le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles n’épargnent pas le monde de la musique ni les festivals », reconnaît François-Xavier Laurent, membre du bureau de l’association Pelpass. Les organisateurs de festivals ont donc décidé de devenir des exemples en matière de prévention de violences sexuelles et sexistes (VSS) et plusieurs dispositifs de lutte et d’intervention ont été mis en place.

Du vendredi 12 au dimanche 14 juillet, le festival Décibulles, à Neuve-Eglise près de Sélestat, a ainsi reconduit son partenariat avec l’application Safer pour la troisième année consécutive. Créé en 2022, le dispositif vise « à prévenir, visibiliser et lutter contre les VSS » lors d’évènements festifs. Il repose sur un système d’alertes, formulées par des victimes ou des témoins et a déjà été utilisé sur plus de 200 évènements en France. À Marseille, il est notamment déployé sur les plages contre le harcèlement depuis août 2022 et une quinzaine de médiateurs ont été formés pour répondre aux signalements.

Les Décibulles, qui fêtent leurs 30 ans cette année, incitent les festivaliers à installer gratuitement l’application. S’ils font une alerte pendant les jours de fête, l’équipe bénévole est prévenue et sait où intervenir en soutien à la victime grâce à un système de géolocalisation.

« On peut intervenir instantanément. Des personnes sont mobilisées et font remonter les informations aux équipes dédiées, qui évaluent la gravité des faits », témoigne Coralie Wimmer, chargée d’administration au sein de Décibulles et coordinatrice du dispositif de lutte contre les VSS. En 2023, cinq alertes ont été faites sur l’application Safer lors de la 29e édition du festival.

Entre les évènements, des formations

Outre l’accompagnement des victimes pendant les festivals, les organisations se forment à la détection des VSS tout au long de l’année : « On a commencé par des actions de médiation en interne début 2023, pour être en mesure de bien qualifier les violences sexistes et sexuelles par exemple », explique François-Xavier Laurent, chargé de communication à l’Association Pelpass. À Strasbourg, les associations Dis bonjour sale pute et le Planning familial du Bas-Rhin animent ces formations : prévention des VSS entre les bénévoles, qualification des faits, prise en charge des victimes, écoute bienveillante… Pour Claire, animatrice au Planning familial, les formations sont utiles sur les festivals mais aussi au sein mêmes des organisations, le reste de l’année.

Dans l’association Pelpass, entre 20 et 30 bénévoles ont bénéficié de cet enseignement. « Mais on n’aura jamais fini de se former sur ce sujet-là », estime le chargé de communication.

Sur le festival Décibulles, 80 des 1 200 bénévoles ont été formés à la détection des VSS pour l’édition 2024. Ils sont reconnaissables lors de leurs maraudes sur le site grâce à un autocollant rouge qui précise « écoute et bienveillance ». En plus, « un médecin urgentiste se charge de la prise en charge médicale et psychologique des victimes éventuelles », prévoit l’organisation.

Les associations du Planning familial et Ithaque (spécialisée en réduction des risques) ont aussi des stands tout au long du week-end. « Il est important de montrer que des choses sont réalisées, il faut que les festivaliers et les bénévoles se sentent à l’aise », assure Coralie Wimmer, chargée d’administration à Décibulles. Mais malgré ces efforts, « on ne pourra jamais anticiper tous les cas de figure, car chaque situation est unique », insiste François-Xavier Laurent, de Pelpass.

L'application Safer est téléchargeable pour les festivaliers de Décibulles.
Pour lutter contre les VSS, de nombreux festivals ont adhéré au dispositif Safer, tout comme des municipalités.Photo : Steeven Pellan / Rue89 Strasbourg

Écouter et permettre l’isolement

Afin de bien s’adapter à la pluralité des situations et parce que l’organisation « ne peut pas prédire ce qui va se passer pendant le festival », Pelpass a aménagé un espace isolé sur le site du Jardin des Deux-Rives. Inaccessible au public, les victimes y sont accueillies, écoutées, entendues. Selon la gravité des faits, elles sont accompagnées, orientées vers des professionnels.

Cette idée d’espace de sécurité a aussi été appliquée à deux endroits de la Ville de Strasbourg lors de la Fête de la musique. Déjà testées en 2023, les « safer zones » sont un lieu de répit et d’orientation mis en place par les associations Dis bonjour sale pute, Planning Familial 67, Ithaque et Ru’elles. Place d’Austerlitz et place Saint-Étienne, Christelle Wieder, adjointe municipale en charge des droits de femmes, estime que « cela rassure le public de voir ces espaces et d’être mis en sécurité ».

En dehors des évènements notables, la Ville de Strasbourg a aussi formé huit médiateurs qui parcourent les rues, chasubles verts sur le dos, depuis avril 2024, « notamment le week-end aux abords des espaces de fête », précise l’adjointe. Ils sont chargés de réaliser de la prévention et de repérer les VSS.

Des stands sont mis en place par le Planning familial lors d'événements festifs.
Le stand Planning familial 67 lors d’une intervention en milieu festif avec d’autres associations.Photo : Planning Familial 67

Quel impact ?

Difficile pour les organisateurs de déterminer l’impact des dispositifs qu’ils déploient, au-delà de quelques retours verbaux satisfaits à la fin des évènements. D’une part car certaines des victimes ne parlent pas, selon la chargée d’administration de Décibulles. D’autre part par manque de retombées chiffrées. « Pour l’édition 2024 de Décibulles, nous allons interroger précisément nos festivaliers dans un questionnaire de satisfaction », précise Coralie Wimmer, questionnée sur le sentiment de sécurité de son public.

Pour Claire, du Planning familial, il est certain que leur présence en soutien de victimes est pertinente, ne serait-ce que parce qu’elle « rassure » : « Il y a plus de vigilance et moins de tolérance. » François-Xavier Laurent, de Pelpass, insiste : « Notre rôle est de montrer que nous croyons les victimes ».


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