Margot, étudiante en psychologie de 20 ans, loge dans la résidence Paul Appell, située dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg, depuis septembre 2019. Mais elle a dû quitter sa chambre en mars, en raison des travaux de rénovation qui doivent débuter dans son bâtiment.
Le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), propriétaire de ces résidence étudiantes, assure avoir averti ses étudiants locataires de ses projets de rénovation en septembre. Ces travaux sont prévus depuis 2016 dans le cadre du Plan campus.
Mais Margot n’a su qu’elle devrait déménager que par d’autres étudiants, eux-mêmes résidents de la cité universitaire. Du Crous, elle n’a reçu que deux mails concernant ce projet. Un premier, envoyé le 16 décembre 2021, concerne une « Enquête d’hébergement » sondant les occupants de la résidence afin de savoir où ils souhaiteraient loger en cas de travaux. Le second, envoyé le 7 février 2022, lui indique son déplacement du bâtiment C au bâtiment B de la même résidence :
« J’étais stressée au moment où on attendait plus d’informations, je regardais tous les jours ma boîte mail. Il y a des étudiants des 3e et 4e étages [du bâtiment C] qui attendent toujours d’être relogés. »
Margot a vérifié, rien dans son bail n’indique qu’elle aurait à déménager en cours d’année. Le Crous est néanmoins dans l’obligation de reloger les étudiants dont le bail se termine fin août. Or, environ 70 étudiants de la résidence n’ont toujours pas reçu de proposition de relogement.
Directeur adjoint du Crous, Jean Wisson se dit « surpris » par les inquiétudes des étudiants :
« Les étudiants dont le bail se termine fin août seront tous relogés. En revanche, rien n’est prévu pour ceux dont le bail se termine le 31 mars. Ces baux ont bien été signés après avoir précisé aux étudiants que la fermeture du bâtiment C aurait lieu fin mars. »
Sauf que ces baux à fin anticipée mentionnent également que « l’occupation est consentie du 01/09/2021 au 30/04/2022 », soit un mois plus tard. La direction du Crous n’a pas été en mesure de chiffrer le nombre d’étudiants encore à reloger. Jean Wisson admet que la communication du Crous aurait pu être plus claire. Il explique que le directeur d’unité de gestion de la cité universitaire Paul Appell a décidé lui-même d’informer les résidents au fur et à mesure :
« Il a choisi d’avertir les étudiants étage par étage, afin de faciliter les déménagements des occupants. Ces informations ont suscité des questionnements entre les résidents d’étages différents… La communication était d’autant plus compliquée que nous n’étions pas nous-mêmes certains du calendrier des travaux. »
La plupart des 140 résidents du bâtiment C dont le bail prend fin en août ont été relogés au bâtiment B, également prévu à la rénovation à partir du mois de juin. D’autres se sont vus transférés à la résidence universitaire de la Robertsau, à près de 4 kilomètres du campus principal. Sophie Roussel, directrice du Crous depuis début mars, s’est engagée à trouver un logement uniquement à ceux dont le bail échoit au 31 août, mais pas forcément au même endroit.
« Nous voulions proposer des logements au plus d’étudiants possible »
Le plan de rénovation des bâtiments B et C de la résidence universitaire Paul Appell doit se dérouler entre mars et juin 2022, en plein pendant les examens des étudiants. Quant au bâtiment E, il a déjà fermé ses portes depuis plusieurs mois.
Sophie Roussel explique pourquoi le Crous se retrouve dans cette situation :
« Nous avons décidé d’ouvrir les logements des bâtiments prévus à la rénovation en septembre 2021 afin de proposer des hébergements au plus grand nombre d’étudiants possible. Les travaux ont été planifiés entre mars et juin 2022 afin de pouvoir remettre en service ces logements à la rentrée de septembre, car à cette période il est difficile de trouver une chambre en raison de l’afflux important d’étudiants et du peu de logements qui se libèrent. »
Éléonore, représentante d’Alternative étudiante Strasbourg (AES) au conseil d’administration du Crous, estime que le Crous doit trouver une solution de relogement à tous les étudiants et pas seulement ceux dont le bail échoit à la fin de l’été :
« J’ai contacté les collectivités et des bailleurs sociaux, mais je n’ai eu que des réponses négatives ou pas de réponse. C’est de toutes façons au Crous d’assurer la continuité du service public et de permettre à ces étudiants de finir l’année sans avoir à angoisser d’avoir à se trouver un toit. »
Sophie Roussel affirme que le Crous a sollicité ses partenaires pour savoir s’il existe des logements avec des loyers abordables et propose des services d’aides et d’accompagnement aux étudiants qui en font la demande. Mais selon Michel Koebel, représentant de la cellule de veille et d’alerte des étudiants internationaux à Strasbourg, nombre d’entre eux sont étrangers et très précaires. Certains n’ont pas de garant et n’ont ni accès à une bourse ni aux aides de la Caisse d’allocations familiales (CAF) :
« La plupart des étudiants concernés par cette situation étaient des primo étudiants arrivés en 2021. Ils ne savent pas comment fonctionnent les institutions locales et pensaient pouvoir signer un nouveau contrat par la suite. »
Selon Éléonore, le directeur adjoint du Crous Jean Wisson pense que les résidents sans logement pourront dormir sur les canapés des étudiants qui disposent d’un logement, au moins pour un temps. Interrogé par Rue89 Strasbourg, ce dernier précise ses propos :
« Il s’agirait d’une alternative proposée par les syndicats qui se sont toujours mobilisés pour organiser la solidarité. Nous ne souhaitons pas minorer la situation des étudiants et nous faisons notre possible pour réduire au maximum les nuisances rencontrées par les étudiants. »
Des augmentations de loyers obligatoires
L’inquiétude gagne les étudiants déplacés du bâtiment C au bâtiment B, ce dernier étant promis à la rénovation en juin. Où seront logés les étudiants, par exemple en stage, qui pensaient pouvoir compter sur le Crous jusqu’en août ? La direction n’a pas encore programmé leur déménagement, car elle ignore toujours le nombre de logements vacants en raison du départ de nombreux étudiants à cette période.
En outre, les étudiants craignent des augmentations de loyer, une fois ces rénovations achevées. Margot paie sa chambre 175€ par mois mais à partir de septembre, elle affirme que ce sera 293€. Le Crous assure que lors des déménagements de juin à août, le montant mensuel à payer ne devraient pas changer pour les locataires. Ce ne sera néanmoins pas le cas à partir de septembre. Margot ne voit pas bien comment elle pourra continuer :
« Ma bourse et mes allocations permettent à peine de couvrir mon loyer actuel. Je devrais demander plus d’argent à mes parents l’année prochaine si je continue avec le Crous. »
Selon Sophie Roussel, ces rénovations ne peuvent plus attendre :
« Est-ce acceptable en 2022 d’avoir des chambres de 9 mètres-carrés avec sanitaires communs ? À 293€, les étudiants auront un bloc sanitaire dans chaque chambre avec une tarification très sociale, ces prix sont plus abordables que ceux du marché privé. À l’échelle individuelle, la situation peut paraître problématique mais à l’échelle de l’ensemble des étudiants, on ne peut pas faire des miracles. »
De son côté, Éléonore du syndicat AES dénonce un manque de prévoyance et d’investissement régulier :
« Ces rénovations forment l’un des plus gros investissements du Crous pour la cité universitaire mais cela faisait vraiment longtemps que c’était en très mauvais état. À côté de ça, rien n’est fait pour construire de nouveaux logements afin de faire face à la hausse démographique de l’Eurométropole et du nombre d’étudiants à Strasbourg. »
D’autres travaux de rénovation sont prévus par le Crous, notamment à la cité universitaire de la Somme dans le quartier des Quinze. Sophie Roussel indique que le Crous est à la recherche de terrains pour de nouveaux programmes mais aucun projet de construction d’une nouvelle résidence n’est programmé.
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