Vivre en Allemagne, est-ce le bon plan ? Pour Sandrine Brasleret « sans pouvoir encore l’affirmer, pour le moment, ça y ressemble ». Cette future maman de 31 ans, gérante d’une société à Strasbourg, habite à Gambsheim. A la fin de l’automne, elle et son conjoint ont décidé de changer de cap et de s’installer en Allemagne en zone frontalière.
Propriétaires d’une maison dans ce village au nord de Strasbourg, ils espèrent acquérir rapidement un appartement à Kehl. Pour cela, ils effectuent les démarches de prêt en Allemagne. Le couple, s’il a le choix de contracter un prêt en France ou outre-Rhin, a opté pour le système bancaire allemand, « avec un fonctionnement complètement différent, mais plus rapide » aux dires de l’intéressée. Au départ, « ce projet de déménagement avait pour objectif de gagner en qualité de vie, puis après sont venues les questions financières » avoue la jeune femme.
Des prix fonciers 30 à 40% inférieurs
Et pour cause. Si le prix du mètre carré à l’achat atteint à Strasbourg une moyenne de près de 2450 euros, il vous en coûtera entre 30 et 40 % moins cher à Kehl et dans les environs. « Sur des zones citadines équivalentes, les différences de prix entre les deux pays ne sont pas négligeables, surtout que la taxe d’habitation n’existe pas en Allemagne » confirme Sandrine Brasleret.
La pression foncière est forte à Strasbourg mais l’écart de prix avec Kehl pourrait se resserrer avec l’extension du tram reliant les deux villes, prévue à l’horizon 2014-15, et le projet urbain « Métropole des Deux Rives ». Selon la mairie de Kehl, même si la tendance s’est un peu réduite, 40 % du parc immobilier à vendre reste acquis par des Français.
Vous travaillez aussi en Allemagne ? Adieu le statut de frontalier
Autre paramètre financier à prendre en compte : l’imposition. C’est là qu’entre en jeu la notion de « travailleur frontalier ». Un Français travaillant et habitant en Allemagne sera imposable dans son pays de résidence. Il n’est pas considéré comme frontalier. La notion de frontalier s’applique pour une personne qui habite et ne travaille pas du même côté de la frontière. A ce moment là, le travailleur est imposé dans son pays de résidence. Or les impôts sur le revenu sont plus élevés en Allemagne et les salaires plus faibles en France. D’où « un calcul à faire quand on a le projet de s’installer en Allemagne tout en continuant de travailler en France » précise Cindy Schildknecht, chargée de mission à l’Infobest de Kehl, centre d’information sur les questions frontalières.
Les Français de Kehl semblent l’avoir bien compris. Selon la mairie, ils étaient 2091 en décembre dernier, contre 1059 en juin 2006. Selon Cindy Schildknecht,
«Le profil type souhaitant déménager à Kehl est le fonctionnaire français. Ce sont souvent de jeunes familles, dont l’un des deux parents au moins est employé dans la fonction publique territoriale, hospitalière, ou par l’Université de Strasbourg »
S’ils ont la nationalité française, les fonctionnaires ont la particularité de rester effectivement imposables en France…
Pour Sandrine Brasleret, le calcul est déjà fait. Son mari, salarié dans le privé, sera imposé en Allemagne. En tant que gérante de société, il se pourrait que la jeune femme s’inscrive comme chef d’entreprise en Allemagne.
Armez-vous de patience pour la paperasse
La première démarche administrative à entreprendre en s’installant dans une ville allemande, c’est l’Anmeldung, ou l’inscription en mairie dans les huit premiers jours.
A Kehl, c’est au Bürgerservice (!) de la mairie qu’il faut s’enregistrer. Cet acte gratuit consiste à donner quelques éléments sur son identité et sert notamment à être relié au service des impôts et à l’impôt sur l’Eglise, Kirchensteuer. Cette taxe est prélevée en fonction des revenus pour les membres de l’église catholique ou protestante.
Une des prochaines étapes de notre candidate au déménagement, qui attend son premier enfant, est aussi de se renseigner sur les modes de garde. Pour le moment, elle envisage plutôt une crèche en France sur le chemin du travail, mais Sandrine sait déjà qu’en Allemagne également, cette démarche est à effectuer longtemps à l’avance. « Le système scolaire allemand est proche de notre vision de l’éducation. On pourrait opter pour une scolarisation à Kehl, avec des activités à Strasbourg » précise-t-elle. Les écoles de Kehl ont misé sur le bilinguisme depuis 10 ans. Le français est enseigné comme première langue étrangère dès l’école primaire dans toute la ville et deux établissements proposent des cursus bilingues, la Falkenhausenschule et l’école primaire Sundheim. Pour les lycéens intéressés par un bac reconnu dans les deux pays, le lycée Einstein prépare au double diplôme, l’Abibac.
Des taxes en pagaille
Bon à savoir également, les propriétaires de chiens devront mettre la main à la poche. L’Allemagne impose une taxe sur les chiens, Hundesteuer. Chaque toutou doit être enregistré en mairie. Et tout cela a un coût, qui n’est pas dégressif selon le nombre de chiens, au contraire. Fixé par la commune, le montant de cette taxe s’élève, depuis début janvier à Kehl, à 84 euros par an pour le premier chien et 168 euros pour chacun des suivants. Les propriétaires d’un véhicule sont aussi soumis à un impôt Kraftfahrzeugsteuer dont le montant varie selon le type de véhicule. Si le déménagement est prévu en hiver, une particularité utile à connaître : les pneus neige. Le Parlement allemand les a rendus obligatoires en 2010 sur routes enneigées ou glacées, sans vraiment préciser de période déterminée. 40 euros, c’est le tarif de l’amende. Enfin, redevance audiovisuelle et même taxe sur l’autoradio, à payer chaque trimestre, font parti du lot qui alourdit un peu plus le budget d’un foyer en Allemagne.
Dernier conseil de Cindy Schildknecht pour bien démarrer son installation en Allemagne :
« Nous avons encore le cas de familles qui s’installent sans apprendre la langue et cela reste un problème d’intégration, notamment pour les démarches administratives. La langue allemande n’est pas un aspect à oublier, même si nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de la frontière »
Sandrine Braselert le sait et a déjà réactivé ses connaissances. Si tout semble bien commencer pour nos futurs parents, ont-ils quand même pensé à un plan B ? « Nous nous donnons trois à cinq ans. Nous n’excluons pas de repasser la frontière si cela ne fonctionne pas. Mais pas forcément pour revenir en France, le Canada est aussi dans nos projets » sourit Sandrine Brasleret, en pensant peut-être déjà à la perspective d’un bébé globetrotteur.
Quelques liens utiles :
- Centre d’information sur les questions frontalières : Infobest www.infobest.eu et Centre européen de la consommation : http://www.euroinfo-kehl.eu/fr/
- Le Centre européen de la consommation propose des permanences juridiques gratuites, sur inscription, chaque deuxième mardi du mois avec des notaires et conseillers fiscaux pour les questions de déménagement.
- Apprendre l’Allemand : Université populaire de Kehl : http://www.vhs-ortenau.de/
- Association de frontaliers : www.frontaliers.net
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