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Encore une clope ?

Comment lutter contre le tabagisme de ses patients quand on est médecin ? Culpabiliser, tenter de dégoûter les gens est contre-productif. Je préfère procéder par étapes, et avec l’apparition de la cigarette électronique, je dispose d’une transition supplémentaire pour ceux qui veulent décrocher.

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"Le nouvel homme moderne" (Photo Pipistrelle1974 / FlickR / cc)

"Le nouvel homme moderne" (Photo Pipistrelle1974 / FlickR / cc)
« Le nouvel homme moderne » (Photo Pipistrelle1974 / FlickR / cc)

BlogSylvie fume depuis qu’elle a 17 ans, elle en a 58 aujourd’hui, et fume beaucoup : un paquet et demi par jour. Elle tousse toute la journée, pas beaucoup , mais tous les jours. Sylvie souffre de bronchite chronique, je lui explique. Elle a du mal à monter les escaliers, au bout de deux étages elle n’en peut plus. Elle aimerait bien arrêter de fumer, comme beaucoup de gens, mais elle a peur de ne pas y arriver. Elle ne se sent pas très motivée non plus. Peur de grossir aussi.

Je lui propose de réfléchir à un sevrage tabagique. Je sais que ce ne sera pas tout de suite. Mais elle va y penser, cela va mûrir dans sa tête , et peut-être prendra-t-elle rendez-vous un jour…

Sylvain a 30 ans , il fume un demi paquet par jour depuis qu’il a 20 ans. Il a arrêté plusieurs fois le tabac, et repris. Il fumait aussi « autre chose » comme il dit, mais ça il a arrêté l’an dernier. Il est content d’avoir pu le faire tout seul. Il vient pour que je l’aide à arrêter le tabac maintenant. Il me dit que c’est plus dur que les joints. Il a repris le sport, la course à pied et aimerait « virer la clope », comme il dit.

Il ne lui reste qu’un poumon, mais c’est « à cause de la pollution »

Joël a 56 ans, lui fume toujours, beaucoup, il me dit qu’il ne faut plus « l’emmerder avec la clope » aujourd’hui. Joël à pourtant un cancer du poumon, un méchant. Il a déjà été opéré l’an passé, il lui manque le poumon gauche. Il m’explique que c’est pas vraiment la clope qui l’a rendu malade, mais « cette foutue pollution atmosphérique ».

Julie a 19 ans , elle vient pour que je lui prescrive une contraception, elle fume déjà près d’un paquet par jour. Elle veut « la pilule » comme elle dit. Elle n’a jamais pensé à un autre moyen de contraception. Je lui propose d’envisager autre chose que des œstro-progestatifs, un DIU (stérilet) ou un implant. Elle est surprise d’apprendre que pilule et tabac ne font pas bon ménage… Toutes ses copines fument et prennent la pilule.

Il y a aussi Martine qui après un cancer du sein faisait bronchites sur bronchites et qui a quitté mon cabinet pendant deux ans parce que je la « bassinais » pour qu’elle arrête de fumer . Elle est revenue l’an passé en consultation pour me dire qu’elle voulait me reprendre comme médecin traitant, mais qu’il ne fallait plus lui parler d’arrêter de fumer :

« Docteur, je sais pour le tabac, mais ne m’en parlez plus. »

La difficulté : ne pas éloigner les patients des soins

Les raisons pour lesquelles les patients fument sont multiples, les raisons pour lesquelles ils veulent arrêter aussi. J’ai appris beaucoup avec Martine par exemple. Respecter le désir de fumer du patient pour ne pas l’éloigner des soins est aussi important que stimuler ceux qui ont besoin d’un coup de pouce.

De plus un discours moralisateur va taper à côté de la cible, le patient a plus besoin d’un discours clair et d’infos que d’autre chose. Inciter lourdement comme j’ai pu le faire avec Martine a été totalement contre-productif.

Les motivations positives sont aussi beaucoup plus efficaces que la peur de la maladie. Avoir envie d’un teint de rose (oui oui) ou d’un souffle retrouvé est souvent plus stimulant que la peur de l’infarctus ou du cancer.

La e-cigarette, une clope de transition

Sylvie est revenue pour une nouvelle bronchite. Elle n’est pas encore tout à fait décidée à franchir le pas (un précipice pour elle), mais la e-cigarette la tente entre deux clopes. Je l’encourage à débuter avec ce nouveau système à la mode. Elle me pose la question du danger de la e-cigarette, je lui réponds qu’en tout  état de cause, elle sera sûrement moins dangereuse que sa cigarette puisque sans goudron.

Sylvain va choisir de mettre des patchs de nicotine pendant 3 mois. Il trouve cela long. Je lui explique que la dépendance physique à la nicotine est estimée à 12 semaines. Il commencera par un dosage moyen de 14 mg et continuera avec 7 mg. Il est très motivé , je ne lui propose pas de revenir me voir pour le suivi. Il le fera s’il a du mal.

Julie aura choisi un implant, et me dit qu’elle va essayer de fumer moins. L’heure du sevrage n’est pas arrivée pour elle. Je vais respecter le souhait de Martine. Et je ne lui parlerai plus d’arrêter. Martine sait, elle ne veut pas. C’est son choix. Mais je ne désespère pas du jour où peut-être…

Il y a plusieurs moyens de sevrage tabagique : la volonté pure, les gommes et les bonbons et autres sprays nicotiniques, les patchs, et maintenant la e-cigarette qui n’a pas encore vraiment prouvé son efficacité dans le sevrage, mais qui me semble une alternative intéressante pour diminuer la consommation de cigarettes.

Il existe aussi deux médicaments plutôt intéressants : la varénicline (comme le Champix), et le bupropion (comme le Zyban). Ils sont déconseillés en cas d’antécédents de maladies psychiatriques, comme la dépression. Je prescris assez rarement ces médicaments,  seulement si toutes les autres méthodes ont échoué, en raison de la survenue d’effets secondaires non négligeables.

Le sevrage, une idée qui doit faire son chemin

Des méthodes non médicamenteuses sont également utilisées, comme l’acupuncture et l’hypnose mais aucune de ces deux méthodes n’a démontré scientifiquement son efficacité . Mais l’acupuncture est beaucoup pratiquée.

Avec le temps, j’ai appris que l’idée du sevrage tabagique doit faire son chemin et mûrir dans l’esprit du fumeur, qu’en parler sans culpabiliser est essentiel, et que chaque fumeur va trouver une motivation basée sur son expérience et ses besoins : l’amélioration de sa santé, de son souffle, de son teint, de son cadre de vie… Faire peur avec les méfaits du tabac me semble tout à fait inefficace, j’ai vu dees patients très malades du tabac continuer à fumer sans mollir.

Pour se faire aider, il y a également en dehors de votre médecin traitant, des consultations spécialisées de tabacologues, à Strasbourg au CHU en pneumologie notamment. On peut appeler un numéro dédié, comme tabac info service (39 89). Sinon je viens de voir une pub anti-tabac de l’INPES pas trop ringarde pour une fois et ciblée jeunes.


#Santé

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