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En juin, le festival « Premières » transcendera les questions sociales

Le festival célébrant les premières créations de jeunes metteurs en scène s’ouvrira à partir du 5 juin dans un contexte particulièrement tendu pour les professions des arts du spectacle. La programmation de Premières abordera des thèmes engagés, graves, avec en toile de fond les angoisses quant à la création et à son soutien par les pouvoirs publics.

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En juin, le festival « Premières » transcendera les questions sociales

La pièce mise en scène par la performeuse suisse Corinne Maier, et qui se jouera les 5 et 6 juin au Maillon, posera la question du rôle de la mondialisation dans le cercle familial. Photo : Brigitte Fässler
La pièce mise en scène par la performeuse suisse Corinne Maier, et qui se jouera les 5 et 6 juin au Maillon, posera la question du rôle de la mondialisation dans le cercle familial. (Photo Brigitte Fässler)

Ce 9e festival « Premières » est un nouveau miracle. Après son décalage en biennale pour des raisons budgétaires, puis un passage outre-Rhin l’an dernier, pour impliquer le Staatstheater de Karlsruhe dans l’équipe, revoilà à Strasbourg ce festival dédié à la jeune création européenne, porté à bout de bras par le Maillon et le TNS depuis 2005. Comme à chaque fois dans ce festival composé uniquement de créations, c’est la jeunesse européenne qui crie sa condition en utilisant toutes les formes d’expression. Mais cette fois, la condition d’artiste s’invite dans le débat, comme l’explique Barbara Engelhardt, responsable de la programmation du festival :

« Les jeunes créateurs, les faiseurs de théâtre, comme on le dit aux Pays-Bas, ont de plus en plus de mal à se frayer un chemin. Ils reçoivent de moins en moins d’aide et sont de plus en plus touchés par la crise. Leur seule solution est de se regrouper en collectif. C’est pour cela que cette neuvième édition, qui jette la lumière sur de jeunes metteurs en scène talentueux, se donne comme objectif principal d’arriver à atteindre le public dans leurs urgences, leurs questionnements. »

Tout le monde dans la salle pouvait sentir, dans le ton, un léger coup de gueule à peine perceptible. Alain Fontanel, adjoint au maire de Strasbourg, était présent lors de cette conférence de presse, ce qui laisse penser que la culture pourrait lui échoir au sein de la nouvelle équipe municipale. Le déjà premier adjoint n’a pas commenté les propos précédent mais il a déclaré :

« Ce festival que l’on soutient totalement est une chance, une chance aux jeunes créateurs de pleinement exprimer leur talent. C’est une chance de pouvoir mener quotidiennement ce combat pour la culture. »

« Combat », le mot est lancé et résonne dans les esprits, mot qui se devra d’être le leitmotiv permanent des auteurs, metteurs en scène et comédiens.

La bande annonce du festival

Un festival porte-voix des jeunes metteurs en scène

Quels sont donc ces problèmes dont les jeunes « faiseurs » d’art souffrent tant ? Tout d’abord, un problème de parrainage : les grosses structures, financées, officielles, devraient parrainer beaucoup plus et beaucoup mieux les créateurs. Un manque de dialogue entre les deux parties qui fut l’une des raisons de la création de ce festival. Ensuite, des montants en baisse pour les subventions publiques ont des conséquences sur la vie des intermittents du spectacle vivant. Des impératifs financiers poussent les metteurs en scène à cumuler des petits boulots. Dans toute l’Europe, les situations sont contrastées, comme le dit Bernard Fleury, directeur du Maillon :

« Il y a des cas où le théâtre vit bien, et des cas où c’est la catastrophe. A Utrecht (Pays-Bas) par exemple, le théâtre a fait un acte d’héroïsme fondamental : les petits théâtres se sont regroupés dans un élan solidaire, ce qui leur permet de proposer un programme de qualité et de se maintenir à flot. En Grèce, c’est terrible, le théâtre se porte au plus mal, heureusement que des fondations privées soutiennent par le mécénat les créations, sinon rien n’existerait plus. Il convient de rappeler que la culture à Strasbourg a un rôle particulier. »

Une situation dramatique, donc, qui légitime l’existence de ce festival qui aura lieu du 5 au 8 juin 2014. Un festival placé sous le signe d’une richesse linguistique forte : à part la Suisse qui sera représentée deux fois dans deux pièces différentes, une pléthore de pays occupera les scènes du Maillon et du TNS : la Hongrie, l’Italie, la Belgique, la France et l’Allemagne pour ne citer qu’eux.

Un programme riche et complet

Au programme de cette 9ème édition, il sera question de la place de la femme dans notre société avec « Amatorki » (5 et 6 juin, respectivement à 19H30 et 18H30 au TNS), du très polémique et très politique « Légionnaires » qui abordera le thème de l’enrôlement de force des Lettons par l’armée nazie lors de la seconde guerre mondiale (5 et 6 juin, respectivement à 21H45 et 18H30 au TNS, Espace Grüber), la question toujours subtile du bonheur dans une pièce qui ressemblerait à s’y méprendre au film « Happiness Therapy » mais dont le titre est légèrement déformé : « What the hell is happiness ? », une création qu’on imagine plus rock’n’roll que le film de David O’Russell.

La pièce "What the hell is happiness", création italienne traitant de la vaste question du bonheur, sera jouée le 6 juin à 21H15 et le 7 juin à 15H à la petite salle du TJP. Photo Alessandro Salafor
La pièce « What the hell is happiness », création italienne traitant de la vaste question du bonheur, sera jouée le 6 juin à 21H15 et le 7 juin à 15H à la petite salle du TJP. (Photo Alessandro Salafor)

C’est aussi avec « Past is present », mis en scène par la suisse Corinne Maier qu’on risque de se prendre une claque artistique de haut vol. Le réalisateur bengali Shaheeen Dill-Riaza a décidé de nous présenter sa propre famille dispersée aux quatre coins du globe (ses parents vivent au Bangladesh, son frère aux Etats-Unis, sa soeur en Australie et son fils à Varsovie), et ce au plus près des émotions qui animent son clan. On peut voir par exemple sa mère pleurer de détresse, son père la réconforter, dans une scène qui reste gravée dans la mémoire parce que troublante.

Légère au premier abord mais dont le sens suppose une certaine gravité, « Dehors » est la pièce se rapprochant le plus des questions sociales complexes à résoudre pour le politique : en effet, elle traite de l’exclusion des sans-abris et des préjugés qui en découlent, se gardant bien de s’installer dans le confort doucereux de la facilité. Mis en scène par le belge Thomas Debryck, « Dehors » sera joué dans le Hall 2 du Maillon le samedi 7 juin à 19h et le dimanche 8 juin 16h30.

Aller plus loin

Le site du Festival Premières.


#Bernard Fleury

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