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Emploi : pas de pitié sur le net

Subrepticement, le monde du travail se synchronise avec celui des réseaux sociaux. Il est devenu presque impensable de parler d’emploi ou de développement d’activité sans passer par ces réseaux professionnels sur Internet. Objectif premier : accumuler des contacts qui pourront éventuellement vous servir plus tard. Mais le monde du travail est impitoyable, et sur les réseaux aussi.

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"I'm in" (Photo ntr23 / FlickR / CC)

"I'm in" (Photo ntr23 / FlickR / CC)
« I’m in » (Photo ntr23 / FlickR / CC)

Viadeo, 50 millions d’inscrits, LinkedIn plus de 200 millions de membres, sont les réseaux sociaux professionnels les plus connus. Ce sont des vitrines qui permettent aux professionnels, entreprises, demandeurs d’emploi d’étaler leurs compétences ou leur savoir-faire pour attirer d’éventuels recruteurs, partenaires ou clients. La démarche consiste à faire une demande de contact à une personne dont le profil professionnel intéresse, dans l‘espoir que les relations de ce contact voient dans cette connexion une opportunité. Un schéma qui demande de la patience…

Swapna Pigeat, 27 ans, strasbourgeoise, diplôme d’ingénieur agroalimentaire en poche, est à la recherche d’un emploi depuis près d’un an. Elle s’est inscrite sur le site Viadeo pour développer son réseau comme lui a recommandé sa conseillère de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) qui s’occupe des jeunes diplômés. Elle regrette le manque de sincérité et de transparence des relations :

« C’est facile au départ quand on veut se connecter avec des gens, mais quand il faut demander un emploi, ce n’est pas évident. La démarche est très longue. Au départ, ils veulent bien discuter du marché de l’emploi mais une fois qu’on rentre dans le vif du sujet, il n’y a plus personne. »

Des relations ténues…

Swapna a été jusqu’à rencontrer un de ses contacts avec qui elle a eu un long échange. Il lui a même promis qu’il allait la prévenir au moment opportun. Pendant qu’elle fait ses recherches d’emploi sur ces sites, elle trouve une offre d’emploi concernant  l’entreprise où son contact occupe un poste de responsabilité. Elle décide de lui envoyer directement son CV, en espérant au moins un soutien de ce dernier.

Malheureusement pour elle, son contact n’a jamais répondu à sa demande. Sans nouvelle, elle reçoit quelques semaines plus tard un mail des ressources humaines de l’entreprise lui annonçant que sa candidature n’a pas été retenue.

Expérience peu fructueuse également pour Clément, strasbourgeois de 27 ans, diplômé en communication et en recherche d’emploi. Il reçoit régulièrement sur Viadeo des demandes de contacts de professionnels qui n’ont pas forcément de rapport avec son domaine de compétence.

« Il arrive des moments où je fais des demande de contacts à des professionnels du même corps de métier que moi, soit ils acceptent une heure après, soit ils mettent trois jours. Au pire, ils n’acceptent pas et ne répondent pas aux messages envoyés. C’est frustrant. »

… mais plus faciles

Malgré la froideur de ces relations virtuelles, Clément avoue que c’est plus facile pour lui de contacter des professionnels par le biais de ces réseaux que de décrocher son téléphone. Mais est-ce bien la bonne méthode ? Pour Jean-Christophe Anna, consultant strasbourgeois spécialiste en recrutement, on ne peut pas tout demander aux réseaux sociaux :

« Les réseaux sociaux ont mis les candidats à égalité avec les recruteurs. Auparavant, il était très difficile d’identifier qui était la personne derrière une offre d’emploi. Mais il ne suffit pas d’écrire un email pour être embauché ! Il faut faire preuve d’audace, de culot et d’inventivité. LinkedIn et Viadéo sont des plate-formes très riches et en fouillant un peu dans les profils, on peut entrer en relation de manière indirecte, par les groupes de discussion par exemple, ou par recommandation, ce qui est beaucoup plus efficace. »

Le plus efficace est sans doute de faire comme Sophie Figenwald, étudiante en marketing à l’EM Strasbourg. Cette passionnée d’aéronautique s’est mise à partager sa veille sur Twitter en 2011. Résultat : elle s’est faite connaître et a été invitée à des événements par Air France ou les Aéroports de Paris :

« Grâce à mes réseaux, j’ai pu contacter directement les responsables marketing de Cors’Air pour mon stage de fin d’études. C’est sûr, produire une veille et un blog sur l’aéronautique m’a pris beaucoup de temps mais en retour, j’ai eu des réponses favorables à toutes mes demandes, des propositions de CDD et même de CDI. »

Yen Bui, 28 ans, consultante marketing et communication indépendante, précise la bonne stratégie à adopter sur ces réseaux :

« Recevoir des demandes de contacts ou des mails des personnes qu’on ne connait pas peut paraître intrusif. Il faut vraiment cultiver la patience dans ces réseaux. On ne peut pas espérer faire du business ou trouver un emploi immédiatement, il faut tisser la relation. On n’est pas obligé de demander un service tout de suite après la mise en relation, sinon ce serait du rentre-dedans. Ça se ressent quand on rencontre ces personnes qui veulent des résultats trop vite, on a simplement envie de les éviter. »

Vers la rencontre réelle

Inscrite sur Viadeo et LinkedIn, Yen Bui s’est créé un profil également sur Work’n meet, l’un des  nouveaux-nés des réseaux professionnels ouvert le 21 mars. Il concerne pour l’instant les professionnels de Strasbourg, Mulhouse et Paris. Ce réseau veut sortir du virtuel et met l’accent sur la rencontre autour d’un repas. Les créatrices strasbourgeoises de ce service,  Emmanuelle Semamra, 26 ans, et Alice Chenel, 25 ans, insistent sur le côté social de leur réseau, qui est avant tout réservé aux professionnels et subsidiairement aux chercheurs d’emploi :

« L’idée c’est de faire les affaires autour d’une bonne table. Nous avons voulu remettre la rencontre au goût du jour. Et quand vous avez mangé et que vous avez passé deux heures avec quelqu’un, ce sera plus facile de passer un coup de fil pour une autre rencontre. C’est entre autres un moyen pour les professionnels de ne plus se sentir seul dans leur prise de décision importante pour le fonctionnement de leur entreprise. »

Il est important de relever ici que ce sont les membres du réseau qui choisissent les personnes avec qui ils veulent déjeuner ou dîner pour parler business. C’est ce côté sélectif que Luc Haberkorn, 33 ans et responsable marketing-vente chez Zooplus, apprécie. Il est l’un des premiers inscrits sur le réseau Work’n meet :

« Les rencontres d’affaires sont très demandées aujourd’hui. J’ai assisté à mon premier repas et j’en suis très satisfait. Avant la rencontre, j’ai pris le temps de voir le profil des personnes avec qui j’allais partager ma table. Ça permet de segmenter les personnes avec qui on veut discuter ou faire affaire. »

Exclusion progressive des « non-reseautés »

Ces réseaux sont un très grand avantage pour les recruteurs qui ont accès à des profils divers et variés tout de suite, ce qui leur permet de réduire les coûts du recrutement. Mais selon la sociologue Sylvie Moncharte, enseignante à l’université de Strasbourg, l’univers des réseaux professionnels virtuels, s’il est indispensable, reste excluant :

« Ces réseaux filtrent a priori les personnes, et tous ceux qui n’en font pas partie sont exclus. C’est l’un des plus grands dangers. Et c’est ce qui rend également invisible la question des discriminations. On ne donne pas la chance à l’ensemble. Le fait de recourir à des réseaux professionnels pour le recrutement va faire que les candidats vont être insérés dans des catégories précises. On aura affaire à des recrutements d’homophilie où les recruteurs ou les personnes qui recommandent auront tendance à mettre en avant les personnes qui ont entre autres un parcours similaire au leur. »

Pour Jean-Christophe Anna, il n’y a pas à hésiter :

« On est devenu des « candidats à vie ». Chacun doit se positionner, s’intéresser, suivre son champ d’activité et développer son réseau en même temps, via les réseaux professionnels. Ne pas le faire, c’est mettre sa carrière entre parenthèses et se fermer des opportunités. Et a fortiori quand on est en recherche active d’emploi, on doit s’assurer de contrôler toutes les premières lignes que Google renvoie lorsqu’un recruteur a tapé votre nom dessus. »

La future version du moteur de recherche de Facebook, Graph Search, permettra aux recruteurs de trouver des candidats en croisant des données géographiques et de parcours. De réseaux professionnels comme Viadeo et LinkedIn, la recherche d’un nouvel emploi ou d’un nouveau candidat prendra alors une toute autre dimension.


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