Quand on entre au Syndicat potentiel en ce moment, c’est comme pénétrer dans l’appartement de quelqu’un mais celui de qui ? Avec son exposition « permutations, déracinements et rénovation urbaine », Anne-Laure Boyer emménage au Syndicat potentiel jusqu’au 27 octobre.
Je suis toujours surprise par ce que je découvre quand je vais au Syndicat potentiel : bureau de vote, esprits, fantômes ou autres. Souvent, la découverte est bonne : le lieu mettant un point d’honneur à ce que sa programmation dénote d’une réflexion et d’un débat. On peut ne pas être d’accord avec ce qui est proposé mais on est, la plupart du temps, invités à réfléchir sur ce monde dans lequel on vit et notre manière d’y vivre.
Cette fois-ci, je suis entrée dans un appartement : un coin chambre avec un lit, une table de chevet, une valise et une plante ; un coin salle à manger avec une table des chaises et un vaisselier, il s’y trouve aussi un salon avec un canapé, des fauteuils, une télé. Espace habité à habiter, le tout sur une moquette verte.
Accrochés au mur du Syndicat potentiel : des photographies dans lesquelles on retrouve certains des meubles. Ces derniers ont été récupérés par l’artiste photographe à Bordeaux au moment du déménagement des habitants de logements sociaux détruits puis reconstruits : Anne-Laure Boyer a rencontré ses habitants qui, au moment de ces déracinements ont jeté certains de leurs meubles et ont vu leur vie complètement chamboulée.
Ces rencontres ont été initiées par l’artiste qui a proposé aux habitants de prendre en photo certaines pièces de leur appartement et de filmer les déménagements. Elle a, en outre, récupéré certains objets et meubles qui allaient être jetés : l’occasion peut-être pour certains occupants de faire table-rase du passé et de commencer une nouvelle vie ailleurs dans de nouveaux meubles. Dans ces lieux, ce sont autant de vies et de souvenirs qui étaient conservés et détruits par ces démolitions : recommencer et oublier ou du moins continuer à vivre ailleurs sans possibilité de retourner et revoir là où on a vécu telle ou telle chose. Parfois, cela est simple et, à d’autres moments, c’est plus compliqué, cela dépend de chacun, de l’attachement que l’on a aux choses, aux lieux, aux gens, à la vie que l’on s’est construite en fait…
Il est étonnant de se promener entre les meubles de cet appartement qu’Anne-Laure Boyer trimballe avec elle à travers ses expositions : on peut y voir le travail de mise en abîme qu’elle a réalisé à partir de ces objets. On les découvre face à nous mais aussi dans leur contexte originel dans les photographies accrochées au mur.
À l’instar d’une anthropologue, Anne-Laure Boyer observe et documente les différentes étapes d’un déracinement. Elle a offert aux habitants d’un quartier qui allait être détruit puis qui a été détruit, la possibilité de se souvenir et de conserver une trace de leur passage en ces lieux. Qui n’est jamais retourné sur un lieu de son passé qui avait été ou détruit ou complètement modifié au point de ne plus le reconnaître ? Qu’avez-vous ressenti ? Pour avoir déjà été dans cette situation, c’est une sensation étrange…
L’artiste, ancienne étudiante de l’École des arts décoratifs de Strasbourg, travaille autour de la question de l’urbanité et ses transformations dans lesquelles elle intervient en proposant une réflexion sur la mémoire et le souvenir comme construction de l’humain : on vient de quelque part, on grandit dans un lieu et ce sont les espaces que l’on parcourt tout au long de notre vie, nos rencontres qui nous façonnent, entre autres…
Y aller
Exposition d’Anne-Laure Boyer – Permutations, déracinements et rénovation urbaine, du 5 au 27 octobre 2012 ouverte du mardi au samedi, de 15h à 19h, au Syndicat Potentiel, 13, rue des Couples à Strasbourg. Entrée libre.
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