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Emballages toxiques : les imprimeurs dégustent aussi

L’agence de sécurité sanitaire a révélé la contamination des aliments par l’huile minérale utilisée lors de l’impression de certains emballages alimentaires. Cette étude questionne non seulement les risques qu’encourent les consommateurs, mais aussi les imprimeurs eux-mêmes. Malgré de grandes avancées, ils restent exposés tous les jours à de nombreux produits chimiques.

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Emballages toxiques : les imprimeurs dégustent aussi

Début mai, l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), a mis en évidence les risques de contamination des aliments par leurs emballages liés au produits utilisés pour l’impression. Dans le secteur de l’imprimerie, ces questionnements sur la toxicité des produits existent depuis longtemps.

“Quand on travaille avec des UV, on revient avec des maux de tête”

Christian, imprimeur alsacien depuis 38 ans, met en garde contre les procédés ultra-violets qui sont beaucoup utilisés pour leur praticité et leur rapidité de séchage mais nocifs :

“À la fin de la journée, quand on travaille avec des UV, on revient toujours à la maison avec des maux de tête.”

Des propos que confirment les collègues de ce conducteur d’imprimerie. Comme ce dernier supervise tout le processus d’impression, son poste est le plus directement impacté par les risques chimiques et visuels. Christian explique que les conducteurs de presse ont rarement une longévité exemplaire après la retraite.

Cependant, Christian assure avoir vécu de nombreuses améliorations dans ses conditions de travail. Il estime que si les UV sont encore autorisés c’est parce que les lobbys de l’imprimerie, comme les grands groupes vendeurs d’encres et de solvants, ont empêché des règlements protecteurs de voir le jour.

A la sortie de l’imprimante, le conducteur est celui qui est le plus touché par les possibles risques chimiques et visuels. (photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Rayons et volatilité des encres : les dangers des UV

D’abord, ce processus génère des particules d’encre, qui peuvent être inhalées par les imprimeurs. D’autre part, ces derniers ne sont pas toujours protégés contre les effets nocifs des rayons UV tels que la chaleur qui en émane, ou pire, le dégagement d’ozone qui en résulte.

Christian relève qu’on lui demande de mettre une plaque de verre entre l’imprimante et lui quand il travaille en UV, « si c’était vraiment inoffensif on aurait pas besoin de mettre une plaque. » Les ouvriers rencontrés expliquent qu’ils ont remarqué un assèchement de leurs muqueuses et des maux de têtes récurrents.

La composition des encres et vernis mis en cause

Dans un aide-mémoire technique écrit en 2010 par l’INRS, les composants des produits utilisés dans l’imprimerie sont d’abord mis en cause dans les risques chimiques :

« Bien que certaines substances puissent nuire fortement à la santé, même en faible quantité, comme dans le cas des toxiques cumulatifs (composés du plomb et du cadmium, par exemple), les risques toxicologiques liés à l’utilisation des encres et des vernis d’impression émanent, avant tout, des ingrédients majoritaires : les résines, les solvants et les pigments, employés en concentration élevée.”

Pour l’INRS, ces risques peuvent déboucher sur plusieurs pathologies, comme des légères irritations respiratoires, des formes asthmatiques graves, des perturbations du système nerveux jusqu’au syndrome psycho-organique, qui comporte des troubles de la mémoire et de l’humeur.

La volatilité des encres est perceptible sur les parois de la presse offset, normalement cette plaque devrait être grise. (photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Des fumées pouvant provoquer des pathologies pulmonaires

Les encres UV en sérigraphie sèchent grâce aux rayons ultra-violets, ce qui provoque un dégagement d’ozone qui est à l’origine d’irritations respiratoires. C’est ce processus de séchage qui irrite la peau les yeux et les muqueuses des imprimeurs. Selon la dose inhalée les risques vont des sécheresses buccales aux lésions pulmonaires prévient l’INRS :

« Une exposition répétée à l’ozone peut, suivant la dose, entraîner des pathologies pulmonaires chroniques ; même à de faibles concentrations d’ozone, une dyspnée asthmatiforme (difficulté à respirer, asthme) peut être développée. »

Dans cette imprimerie, quand on travaille en UV, le sécheur est toujours fermé, les imprimeurs ne peuvent l’ouvrir que quand la lampe est refroidie par mesure de sécurité (photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Les procédés d’imprimerie classés comme cancérogènes possibles

Dès 2004, Gérard Lasfargues, professeur en médecine du travail et actuel directeur général adjoint scientifique de l’ANSES publiait un article évoquant les risques cancérogènes des produits utilisés en imprimerie. Un dossier CHSCT (Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail) d’Officiel Prévention, publié plus de huit ans plus tard, en 2012, mettait lui aussi en lumière les dangers de l’imprimerie, notamment les nombreux risques visuels et chimiques.

Ces deux documents scientifiques s’appuient sur le fait que le CIRC (Centre Internationale de Recherche sur le Cancer) ait classé les procédés d’imprimerie comme cancérogènes possibles :

“Les métiers des industries graphiques utilisent des encres, des produits de nettoyage des rouleaux et pinceaux et de mouillage qui contiennent des solvants, résines, colles, colorants, décapants qui sont allergisants, irritants, inflammables et toxiques […]. L’exposition aux solvants toxiques, aux produits caustiques et aux poussières de plomb en suspension dans l’air présentent des risques par contact ou par inhalation et certains composés chimiques sont des cancérogènes possibles. Compte tenu de données sur les excès de cancers de la vessie dus aux agents chimiques dangereux contenus dans les encres et solvants, les procédés d’imprimerie ont été classés par le CIRC comme cancérogènes possibles.”

Des évolutions perceptibles dans les conditions de travail

Cependant, depuis une vingtaine d’années, il y a eu une “très grosse évolution en termes de sécurité au travail” souligne Maël, imprimeur dans la région de Strasbourg depuis 15 ans:

“À l’époque, on travaillait avec n’importe quoi, on utilisait même de l’ammoniac pur jusqu’en 2002, c’était assez dangereux. Aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas, de nombreux produits toxiques ont été remplacés, par exemple nous n’utilisons plus de diluant mais de l’eau. À chaque fois que nous utilisons des produits toxiques, comme les décapants, qui n’ont pas encore été substitués nous sommes obligés de porter un équipement spécifique : masque à cartouche, gants et lunettes de protection.”

En termes d’information des imprimeurs, l’évolution est aussi perceptible dans l’instauration de fiches de données sécurité qui expliquent en détail quelles sont les composantes des produits utilisés. Aussi, des visites comportementales sont régulièrement organisées et permettent d’analyser comment chaque imprimeur travaille afin de lui fournir des conseils pour améliorer sa sécurité au travail.

Selon lui, ce sont en grande partie les obligations découlant du label Imprim’vert qui ont été à l’origine de ces avancées. Il souligne cependant que l’image de marque des imprimeries est aussi en jeu que c’est d’abord pour les clients, qui l’exigent pour avoir eux-mêmes une bonne image auprès du public, que ces normes sont mises en place.

Mais Maël explique que certaines mesures ont été prises uniquement pour des questions d’image. Ainsi, un de leurs clients, très à cheval sur l’hygiène, a obligé l’imprimerie à adopter la certification BCR, qui implique le port de la charlotte, l’absence de parfum ou de bijoux. Cependant, cette mesure a été jugée inefficace par les imprimeurs car ils ne sont jamais en contact avec des produits alimentaires. Combattue un moment par la FILPAC (Fédération des travailleurs des industries du livre du papier et de la communication, CGT) cette norme a finalement été acceptée par tous les ouvriers.

Pour être labellisé Imprim’vert, il faut trier et recycler tous ses déchets (photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Imprim’vert, des avancées, pas une révolution

Claudine Florange, secrétaire générale de l’UNIIC Alsace, syndicat patronal de l’imprimerie, explique que si la profession a beaucoup évolué c’est notamment grâce au label Imprim’vert:

“Imprim’vert a un cahier des charges que tous les labellisés doivent respecter et il nous permet aussi de sensibiliser nos équipes aux questions d’environnement.”

L’information faites aux salariés est aussi une des priorités des labellisés selon l’UNIIC (photo KZ/ Rue89 Strasbourg)

Cependant, ce label n’est pas une révolution et connaît encore de grosses déficiences. Tout d’abord il n’y a pas d’unification dans les produits chimiques utilisés dans les imprimeries Imprim’vert, la seule obligation est de ne pas utiliser de produits toxiques, signifiés par le pictogramme à la tête de mort.

Jean-Christophe Wallet, patron d’une imprimerie à Illkirch et membre de l’UNIIC, explique qu’une des avancées majeures est celle du remplacement progressif des produits toxiques, notamment au niveau des encres.

Cependant, comme le soulevait l’Institut National de Recherche Supérieur (INRS) en 2010, les pigments organiques jugés plus sains, n’ont pas encore fait l’objet d’assez d’études approfondies pour que l’on puisse déterminer leurs risques sur la santé.

Selon le patron alsacien, face aux risques qu’encourent les ouvriers, c’est aussi aux imprimeries de se montrer entreprenantes :

“On évolue avec les années, on est obligés de faire attention à tous les niveaux et au delà du label on doit aussi montrer que nous sommes dans une démarche positive. Par exemple, rien ne m’y oblige mais, tous les 3 ans je fais faire un diagnostic du bruit sur chaque poste pour créer des bouchons d’oreilles moulés spécifiquement pour chacun des 25 salariés. Dans l’imprimerie on n’est pas toujours exemplaires mais on fait tout pour que les salariés soient sujets à de moins en moins de risques.”

5 critères d’attribution pour être labellisé Imprim’vert (Infographie Imprim’vert)

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