Nike blanches sous une robe d’avocat. Élise tient le micro d’une main et ses notes de l’autre. Jeudi 12 avril, vers 20h, le rideau rouge vient de s’ouvrir sur l’estrade de la salle Marcel Marceau, au Neudorf à Strasbourg. Pour la finale du concours d’éloquence Ogma, l’association D-Clic a le sens de la mise en scène. La collégienne de Hautepierre, Élise, est à gauche, proche des six membres du jury. Elle fait face à Chaima, une élève du collège Leclerc de Schiltigheim.
Famille, amis et équipe du collège sont là
Depuis quinze jours, le sujet de la finale est posé : « Le malheur des uns fait-il le bonheur des autres ? » Élise doit répondre par la négative. Au fond de la salle, toute sa famille est réunie : parents, frères et soeur, grand-père, cousins. Quelques amis aussi. De l’autre côté de la pièce, la principale adjointe du collège Érasme assiste au débat. La professeure d’anglais d’Élise est également présente. Une centaine de personnes écoutent les deux contradictrices.
Dans la salle au parquet de bois, l’ambiance est tendue. Aucun bruit ne perturbe le débat. Les deux participantes sont applaudies après chaque plaidoirie. Chacune réagit ensuite au discours de l’adversaire avant de répondre aux questions du jury. Les dernières interrogations poussent les candidates dans leurs retranchements, en utilisant des situations hypothétiques autour de la peine de mort. Plusieurs personnes poussent des cris d’indignation : « Ça va trop loin là ! »
Cris de joies et mines déconfites
20h30. Le jury a terminé de délibérer. Plusieurs dizaines de collégiens attendent sur l’estrade. Ce soir, des prix sont aussi remis pour un concours de création d’entreprise. Il y a des cris de joies et des mines déconfites. Élise et Chaima patientent, main dans la main. À l’annonce des résultats, la collégienne de Hautepierre ne peut s’empêcher de verser quelques larmes. Sa mère est à ses côtés. Le présentateur de la soirée lui fait dire un mot au micro. Elle en formule trois : « Je suis déçu… »
« Les jeunes des quartiers souffrent d’autocensure »
Les concours sont allés droit au coeur de nombreux collégiens. Lors du buffet de clôture, les jeunes discutent encore les décisions des jurys. À table, le président de l’association D-Clic n’a pas le temps de manger les boulettes de viande, les samosas et les salades dans son assiette. Une fille demande un autographe sur le prix qu’elle a reçu. Puis quelques collégiens réclament à Achour Jaouhari des explications sur leur troisième place. Le responsable prend le temps de répondre avant d’expliquer le fondement de ces événements :
« Les jeunes d’un quartier comme Hautepierre souffrent avant tout d’autocensure. Partout, ils ne voient que des limites. Mettre les collégiens en situation de présenter un projet, leur remettre un prix, c’est leur montrer qu’ils peuvent y arriver. »
« Élise est toujours là pour nous aider »
Élise vient de sécher quelques larmes. Le stress se dissipe. Trois amies réconfortent la finaliste déçue. Pour Djihane, Besime et Yousra, elle est un modèle de réussite. Sa copine Djihane entame une ode à Élise :
« Je connais Élise depuis toute petite. Elle a toujours été un exemple pour moi. Elle est intelligente déjà, pas comme moi et mon 3 de moyenne générale (rires). Et puis Élise est toujours là pour nous aider, pour nous expliquer un cours qu’on n’a pas compris. Élise, elle va percer, c’est sûr. »
Les collégiennes manquent de confiance
Lanya Lahmar, professeure d’anglais au collège Erasme, décrit aussi une élève exemplaire :
« Élise n’a pas attendu le concours d’éloquence pour s’exprimer. Elle est déjà très forte et influence son entourage. Nous, les profs, on passe beaucoup de temps à réprimer la parole des élèves pour avoir leur attention. Un concours d’éloquence permet à ces collégiens d’exprimer leur personnalité, souvent forte. Aujourd’hui, Élise montre la voie, surtout à ses amies du collège. Ce sont souvent elles qui souffrent le plus d’un manque de confiance en elle et d’un environnement qui ne les incite pas toujours à s’épanouir. »
Un père rumine la décision du jury
Il est près de 22h. La soirée se termine doucement. À la sortie du bâtiment, un homme fume une cigarette. Sa fille ne fait pas partie des vainqueurs du concours de création d’entreprise. Cet autoentrepreneur dans le secteur du bâtiment rumine sur la décision du jury.
Une collégienne de Hautepierre sort en trombe de la salle. Elle tient deux desserts à la main. « C’est bon, je vais pas me faire frapper par mon père parce que je suis en retard. Je vais me faire pardonner avec les tiramisus ! » Un peu plus loin, Élise s’éloigne du bâtiment. Elle tient son petit frère d’une main, sa petite soeur de l’autre.
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