Christian Ball a raté la dernière étape de son pari. En ne votant pas le budget en décembre 2017, puis en provoquant des élections anticipées à la faveur de démissions collectives, l’ex-premier adjoint (LR) avait pris toutes les formations politiques de court (en particulier « En Marche »). Tout s’était passé comme il l’avait prédit jusque-là, voire mieux puisqu’il était arrivé en tête du premier tour, dimanche 8 avril avec plus de 35% des suffrages exprimés. Mais il a trébuché sur la dernière marche, le second tour.
Première femme à Schiltigheim, et d’une grande ville d’Alsace
A contrario, l’écologiste Danielle Dambach sort victorieuse de ce traquenard. Samedi lorsqu’elle sera élue maire par les nouveaux conseillers municipaux, elle deviendra la première femme à la tête de Schiltigheim. Et même la première femme à remporter une élection municipale dans une ville importante d’Alsace (Michèle Lutz dirige certes Mulhouse depuis novembre 2017 mais n’était pas tête de liste aux élections en 2014), depuis Catherine Trautmann en 1989 et Fabienne Keller en 2001 à Strasbourg.
Sa colistière Nathalie Jampoc-Bertrand pourrait d’ailleurs devenir sa première adjointe, ce qui ferait un tandem féminin inédit pour conduire les affaires de la Cité des Brasseurs.
Un score quasi-triplé
Entre les deux tours, Danielle Dambach a presque triplé son score. Elle passe ainsi de 1 293 voix à 3 510. C’est plus que le total de ses voix du 1er tour, cumulées à celles de Nathalie Jampoc-Bertrand (divers gauche) – avec qui elle s’était alliée -, de Marc Baader (La France insoumise), voire des 86 électeurs d’Annelyse Jacquel pour Lutte ouvrière.
En plus d’un très bon report des voix de gauche, elle a donc vraisemblablement récupéré une partie de l’électorat de Jean-Marie Kutner (1 253 voix au premier tour). Le maire sortant, troisième et isolé après le 1er tour avec 19,78% des suffrages, s’était retiré avec fracas mardi en appelant à voter pour Danielle Dambach, son opposante.
Christian Ball gagne peu de voix
Depuis, l’ex vice-président de l’UDI du Bas-Rhin a fait campagne activement sur les réseaux sociaux contre son ex-premier adjoint, avec parfois des mots très durs (« entre la peste et le choléra, je choisis le choléra », avait-il notamment déclaré).
Christian Ball a, au contraire, peu progressé entre les deux tours. Largement en tête dimanche 7 avril avec 2 268 voix, il plafonne à 2 930 une semaine plus tard.
Très légère hausse de participation
Le nombre de votants était à peu près similaire entre les deux tours, passant de 6 473 à 6 651, soit 36,30% de participation. Un gain d’électeurs limité par la hausse prévisible des votes blancs (106 contre 65 au premier tour) et nuls (105 contre 73). Au final, seuls 105 suffrages supplémentaires ont été exprimés.
Christian Ball ne remporte que six bureaux de vote sur 21 malgré un carton à l’école Victor Hugo, dans le quartier des Écrivains.
Du référendum sur Kutner à un affrontement droite/gauche
Le premier tour avait pris l’allure d’un référendum « pour ou contre Kutner », avec parfois des convergences des quatre listes face à lui. Dans ce contexte, Christian Ball a pu paraître le mieux à même d’y parvenir, là où la gauche était éparpillée sur trois listes.
Mais le second tour a pris une autre tournure. La liste écologiste et de gauche constituée dans l’entre-deux tours s’est efforcée de « droitiser » au maximum son adversaire, lui rappelant ses dossiers portés avec Jean-Marie Kutner (notamment l’opposition au tram). Son soutien jusqu’au-boutiste à François Fillon ou des déclarations de colistiers ont aussi été ressorties des archives.
Christian Ball, qui avait pourtant réuni des ex-soutiens UDI de Jean-Marie Kutner, des Modem, des Marcheurs et des régionalistes d’Unser Land n’a de son côté pas dévié de sa campagne initiale d’un iota. Il n’a pas eu de geste marquant envers les abstentionnistes ni surtout à destination de l’électorat de Jean-Marie Kutner, pourtant censé être plus proche politiquement. Et il n’avait pas de réserve sur sa droite.
C’est dans ces circonstances que Danielle Dambach remporte finalement assez largement le scrutin, alors qu’elle n’était pas favorite. Un exploit, tant les partis écologistes ont accumulé les scores décevants depuis… les élections européennes de 2009. Le programme était aussi très proche avec celui de Nathalie Jampoc-Bertrand, l’alliance est parue naturelle et a enclenché une dynamique.
Des premiers dossiers brûlants
Danielle Dambach a donné rendez-vous dès 7h30 ce lundi matin devant la maison alsacienne du Dinghof. Danielle Dambach veut une restauration sur place et y adosser un verger communal, et non la déplacer de quelques mètres pour permettre à un projet immobilier de se construire.
La question de la requalification de la friche de l’imprimerie Istra (Jean-Marie Kutner y imaginait des tours de prestige et un parc) et de la rénovation urbaine du quartier des Écrivains doivent aussi être traités sous quelques jours.
Réactions de Danielle Dambach et Nathalie Jampoc-Bertrand
Christian Ball a reconnu assez tôt sa défaite. Il a promis de veiller à l’application ou non des promesses électorales de la campagne lors de ce court mandat, de moins de deux ans. Il estime qu’il était trop tôt pour se projeter pour 2020.
Christian Ball : « nous serons vigilants sur les promesses »
Toujours souriant, mais en rogne contre son ancien allié, Jean-Marie Kutner a estimé de son côté que Christian Ball ferait mieux de se mettre en retrait de la vie politique schilikoise. Il a aussi conseillé à Danielle Dambach de ne pas défaire tout ce qu’il a entrepris et dit qu’il se tiendrait à sa disposition si elle le souhaite.
Jean-Marie Kutner invite Christian Ball à se retirer
Peu de changement à l’Eurométropole
À l’Eurométropole, les équilibres devraient peu évoluer. Les écologistes devraient pouvoir reformer un groupe avec l’arrivée de 4 élus, quand bien même les écologistes schilikois se sont montrés critiques sur le Plan local d’urbanisme porté par la coalition droite-gauche.
Nathalie Jampoc-Bertrand devraient rejoindre les Socialistes au sein de la majorité. Reste une incertitude pour savoir si le score permet à la nouvelle majorité d’envoyer 5 ou 6 élus sur 7 à l’assemblée des 33 communes de l’agglomération. Le sixième homme, Antoine Splet (Parti communiste), devrait figurer parmi les non-inscrits. Sinon, l’opposition de droite aurait deux représentants.
La séance d’installation des nouveaux élus est prévue samedi 21 avril. Les anciens élus pourront donc encore siéger au conseil de l’Eurométropole du vendredi 20 avril s’ils le souhaitent.
Reste que cette séquence peut sonner comme un avertissement pour les maires « bâtisseurs, » quand de tels projets sont peu acceptés et compris par les administrés. D’une manière générale, le « dégagisme » n’a pas dit son dernier mot. Il sera intéressant de voir si l’alliance entre Danielle Dambach et Nathalie Jampoc-Bertrand tient jusqu’en 2020 et si elles feront alors liste commune ou repartiront en front divisé.
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