Les électeurs français sont appelés aux urnes pour une double élection, les régionales et les départementales, les dimanche 20 et 27 juin. C’est une première depuis mars 2008, où les élections municipales et départementales (on parlait alors de « cantonales ») avaient lieu les mêmes jours. En Alsace, cela signifie que les votants renouvelleront les assemblées de la nouvelle « Collectivité européenne d’Alsace » et du conseil régional du Grand Est. Il s’agit de deux élections locales, mais en dehors de ce point commun, beaucoup de choses les opposent, en particulier le mode de scrutin.
Voici le petit guide pour s’y retrouver dans les tracts de campagne et bulletins de vote.
Qui s’occupe de quoi ?
- Les conseils départementaux et la Collectivité européenne d’Alsace
Issue de la fusion des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin le 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace connaîtra donc ses premières élections, en même temps que tous les départements de France.
Les départements gèrent notamment :
- L’action sociale (RSA, aide à l’enfance, handicap, personnes âgées) ;
- La construction, l’entretien et équipement des collèges ;
- Le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des pompiers ;
- L’équipement rural, le remembrement, l’aménagement foncier et la gestion de l’eau ;
- Le Sport, la Culture, le tourisme en partage avec d’autres collectivités.
Par rapport à ses homologues, la CeA a quelques compétences supplémentaires, mais limitées. La principale est la gestion des anciennes routes nationales. Dans d’autres domaines, comme le bilinguisme, le transfrontalier ou le tourisme, il s’agit surtout de coopération avec l’Éducation nationale, la Région Grand Est et les intercommunalités sur le moyen terme. Le premier budget de la CeA est de 2,02 milliards d’euros.
- Les conseils régionaux et la Région Grand Est
Le conseil régional du Grand Est a les mêmes prérogatives que les autres régions, notamment :
- Les trains express régionaux (TER) ;
- Les transports publics en autocar et scolaires ;
- La construction, l’entretien et l’équipement des lycées ;
- L’aide aux entreprises et le développement économique ;
- La distribution de fonds européens, notamment dans l’agriculture (FEADER) et dans la cohésion économique, sociale et territoriale (FEDER) ;
- Des schémas stratégiques sur l’occupation des sols, la gestion de l’énergie et des déchets ;
- La Région Grand Est est impliquée de manière « volontaire » dans la protection de la nappe phréatique d’Alsace via l’association de l’Aprona ;
- Des compétences « partagées » comme le Sport et la Culture, le tourisme (comme la CeA), mais aussi le logement, l’éducation populaire, la lutte contre la fracture numérique ou la santé.
Le budget de la Région Grand Est est de 3,4 milliards d’euros.
Ces deux collectivités pourraient grapiller des pouvoirs supplémentaires, à la marge, avec la loi dite « 4D » (décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification), examinée par le Parlement dans la deuxième partie de l’année 2021.
Deux modes de scrutin opposés
- La Collectivité européenne d’Alsace
Pour la CeA, les électeurs votent pour des binômes homme-femme (et leurs remplaçants) dans leur canton, comme dans n’importe quel département, ce qui assure d’avoir une assemblée paritaire. L’Alsace compte 40 cantons, 23 dans le Bas-Rhin (6 à Strasbourg) et 17 dans le Haut-Rhin (3 à Mulhouse ; 2 à Colmar). L’électeur doit donc d’abord se renseigner pour savoir dans quel canton il vote, et quels sont les binômes qui s’y présentent. En Alsace, 181 binômes sont candidats en 2021. On en compte au minimum 2 dans le canton de Lingolsheim, et au maximum 8 dans deux cantons à Strasbourg. Rue89 Strasbourg publiera prochainement une carte des cantons et des candidats (ces derniers sont appelés à se signaler via ce formulaire).
C’est une élection nominale à deux tours qui se rapproche de celle du président de la République ou des députés. Sauf cas exceptionnel, les deuxièmes tours opposent les deux binômes arrivés en tête au premier tour. Pour qu’il y ait une triangulaire, voire une quadrangulaire, il faut que les binômes arrivés troisième ou quatrième réunissent entre 20 et 30% des voix, selon le niveau de participation. Les binômes ne peuvent pas changer ou s’unir entre les deux tours.
Une fois le binôme désigné vainqueur, c’est ensuite l’assemblée de 80 élus et élues qui se met d’accord pour former une majorité et élire un ou une présidente, et ses 15 vice-présidents. En l’absence de proportionnelle, ce mode de scrutin déforme les résultats et donne une majorité pour six ans aux partis qui remportent la majorité des cantons. En 2015, aucun candidat du Front national, écologiste ou régionaliste n’avait intégré les assemblées bas-rhinoises et haut-rhinois, en dépit de scores supérieurs à 10% au premier tour et de quelques qualifications au second tour dans plusieurs cantons.
- La Région Grand Est
Aux régionales, c’est l’inverse. Comme aux élections municipales, il s’agit d’un scrutin de liste avec une prime à la liste en tête, ce qui lui assure une future majorité pour six ans : 25% des 169 sièges lui sont attribués, tandis que les autres sont répartis à la proportionnelle du second tour.
Au 1er tour, seules les listes avec 10% des voix peuvent se maintenir au second. Celles qui font entre 5 et 10% ne peuvent rester en course seules. Elles peuvent fusionner… si une autre liste le veut bien. Celles qui font moins de 5% sont éliminées.
Pour ne rien simplifier, les candidats présentent des listes… départementales (1 seule pour toute l’Alsace, 9 en tout dans le Grand Est), qui déterminent combien de colistiers sont élus en fonction des résultats de chaque département. Mais l‘électeur ne choisit qu’une seule et même liste pour tout le Grand Est. Cette année, on en compte neuf.
Les sortants : deux majorités de droite en recomposition
- La Collectivité européenne d’Alsace
En mars 2015, la droite et le centre avaient largement emporté les élections départementales en Alsace, à une époque où « La République en Marche » n’existait pas. Dans le Bas-Rhin, les socialistes devaient leur salut aux résultats à Strasbourg, où ils avaient remporté 4 des 6 cantons. Dans le Haut-Rhin, un seul tandem « divers gauche » avait sauvé l’honneur. Frédéric Bierry (LR) et Éric Straumann (LR, devenu député en 2017, puis maire de Colmar en 2020) avaient ensuite été élus par leurs pairs, respectivement à la tête du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Le 2 janvier, l’addition des majorités haut-rhinoises et bas-rhinoises ont confié les rênes de la CEA à Frédéric Bierry, jusqu’à ces élections de juin.
La question de la Collectivité européenne d’Alsace et la rivalité avec le Grand Est ont occasionné quelques mouvements dans la droite alsacienne, notamment un désaccord entre Frédéric Bierry et Brigitte Klinkert, patronne du Haut-Rhin de 2017 à 2020 avant de devenir ministre déléguée à l’insertion, tout en restant dans l’assemblée alsacienne. Sur le plan national, la droite alsacienne est écartelée entre celles et ceux qui restent fidèles à « Les Républicains » et ceux qui soutiennent la majorité présidentielle. Quelques élus de la CeA sont désormais sur les listes concurrentes à la Région Grand Est. On remarque aussi que quelques députés de droite souhaitent cumuler leur mandat avec un autre à la CeA, histoire d’assurer leur avenir au-delà de 2022.
À quelques exceptions près, notamment à Strasbourg, les partis de droite et du centre se concurrencent assez peu en Alsace en 2021. En face, les partis écologistes et de gauche partent unis, sauf à Strasbourg. D’autres partis comme les régionalistes d’Unser Land ou le Rassemblement national espèrent créer des surprises et intégrer l’assemblée qui se réunit à Colmar, mais doit encore fixer son siège définitif. LREM et ses alliés ne présentent pas assez de candidats pour prétendre conduire une majorité seule.
- La Région Grand Est
En décembre 2015, Philippe Richert (LR ; 48,40%) avait remporté les élections régionales devant Florian Philippot (FN ; 36,07%) et le socialiste Jean-Pierre Masseret (PS ; 15,51%). Philippe Richert a abdiqué en 2017, ce qui a propulsé l’ex-maire de Mulhouse Jean Rottner (LR) à la tête du Grand Est. Il concourt à sa réélection pour la première fois en tant que tête de liste. Mais sa majorité avec le Modem et des membres de « Les Républicains » a en partie été aspirée par une autre Haut-rhinoise : la ministre déléguée Brigitte Klinkert, une ancienne de « Les Républicains » elle aussi, qui a rejoint la majorité présidentielle.
Les indemnités : la CeA désormais plus rémunératrice
- La Collectivité européenne d’Alsace
Avec la CeA, les élus ont aligné en janvier les indemnités des conseillers du Haut-Rhin avec leurs homologues du Bas-Rhin, soit 2 780,92 euros brut (tous les élus sont membres de la commission permanente, ce qui donne droit à une majoration de 10%). À cela s’ajoutent des majorations pour les 15 vice-présidents (3 539,35 €) et le président (5 639,63 €). Les élus n’ont pas voté la rémunération maximale : le plafond autorisé par la loi est à 2 995€, majoration de 10% comprise. La nouvelle majorité délibèrera sur ses indemnités début juillet.
- La Région Grand Est
Lors de leur mise en place début 2016, les élus du Grand Est avaient alors voté des indemnités de 2 128,82 euros brut, soit 30% inférieures par rapport au plafond maximal. Mais avec la fusion et l’augmentation de la population, il s’agissait en fait d’une… augmentation pour les élus de Champagne-Ardenne et d’Alsace, et un montant en légère baisse pour les élus de Lorraine (-150€ brut mensuels), plus peuplée. Comme à la CeA, une majoration de 10% pour les membres de la commission permanente est possible et le plafond maximal est identique, à 2 995€ brut. Lors du mandat passé, seuls 56 élus sur 169 faisaient partie de cette instance qui se réunit plus souvent pour traiter des affaires courantes plus rapidement. Les conseillers régionaux « simples » perçoivent, alors moins que leurs homologues de la CeA.
Je n’ai pas lu les paragraphes, vous me résumez le tout ?
Les électeurs auront deux bulletins dans leur bureau de vote les 20 et 27 juin. L’un concerne la nouvelle collectivité européenne d’Alsace, c’est-à-dire la fusion des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin depuis le 1er janvier. Cette institution s’occupe de l’aide sociale, des collèges, de l’aide aux communes et de la quasi-totalité des routes. Il s’agira de binômes homme-femme répartis dans les 40 cantons en Alsace. Les deux tandems en tête au premier tour s’affronteront lors du second tour. Les vainqueurs intégreront une assemblée de 80 élus et élues d’Alsace qui formera une majorité pour six ans et se choisira un ou une présidente.
Le deuxième bulletin de vote sera une liste de 169 noms (et 18 suppléants) pour désigner la majorité de la Région Grand Est. Cette collectivité locale s’occupe des trains TER, des lycées, de la formation professionnelle ou de l’aide aux entreprises. Ce sera un scrutin avec 10 listes, avec différentes sensibilités politiques. Les alliances sont autorisées entre les deux tours pour les listes qui dépassent les 10%. La liste vainqueur aura une majorité pour six ans, mais l’assemblée représentera de manière proportionnelle les autres listes qualifiées au second tour. Le ou la future présidente sera la personne en tête de liste.
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