En raison du 11 novembre férié, le conseil de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) se tient exceptionnellement le vendredi qui précède le conseil municipal de Strasbourg, programmé lundi 7 novembre. Une petite inversion de calendrier sans grande incidence, puisque l’ordre du jour reste fourni, avec 62 points prévus.
Les principaux votes (points 3, 4 et 5) concernent la rénovation urbaine des Quartiers prioritaires de la ville (QPV), qui s’étalera jusqu’en 2032. Au total, ce deuxième programme de renouvellement urbain concernera sept quartiers dans cinq communes, pour un total de plus d’un milliard d’euros. Ces chantiers impacteront 11% de la population.
Plus d’un milliard pour la rénovation urbaine
Le conseil de vendredi votera précisément les contours des projets pour les deux mailles qui restent à rénover à Hautepierre (Éléonore et Brigitte), la poursuite des opérations dans le Neuhof et le début de la rénovation du quartier des Écrivains à Schiltigheim et Bischheim. Ce quartier des années 1960 n’a pas encore fait l’objet de rénovation.
Les rénovations de ces trois quartiers représentent plus de 600 millions d’euros, abondés en majorité par les bailleurs sociaux. D’autres secteurs, comme l’Elsau (plus de 200 millions d’euros), feront aussi l’objet de rénovations, mais le vote sur le projet est prévu un peu plus tard, en 2023. Pour d’autres QPV, les montants sont plus faibles car il est seulement question de terminer la rénovation engagée lors du premier programme (les Hirondelles à Lingolsheim, Libermann à Illkirch-Graffenstaden, la Meinau ou Cronenbourg à Strasbourg).
Sur le fond, rien de très nouveau puisqu’après le premier programme de rénovation urbaine, piloté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) dans les années 2010, les discussions sur le deuxième programme ont été engagées à la fin du mandat précédent. Il s’agit de détruire les immeubles les plus vétustes, d’en rénover d’autres et de construire des logements neufs. À cela s’ajoute une réfection des abords des immeubles et des espaces publics.
À Hautepierre, la rénovation des mailles Brigitte et Éléonore était par exemple présentée aux habitants début 2019. Mais entre les nouvelles lois, un budget de l’État légèrement rehaussé, et les souhaits de la nouvelle équipe à Strasbourg, les projets ont pu être légèrement modifiés.
Continuité et nouvelles exigences environnementales
Dans la classe politique strasbourgeoise, la nécessité de retaper les quartiers populaires fait consensus. Le conseil ne devrait donc pas donner lieu à des débats houleux. La rénovation urbaine est une politique emblématique des élus socialistes qui ont mené à bien le premier programme lors des deux mandats précédents. Désormais dans l’opposition, ils devraient relever les différences d’approche. Mais pas sûr que les critiques soient trop intenses, car c’est aussi une élue socialiste, la seule à avoir intégré la majorité, qui est désormais aux commandes de cette politique : Nathalie Jampoc-Bertrand.
Cette élue de Schiltigheim et vice-présidente de l’Eurométropole en charge de la rénovation urbaine, parle d’ailleurs de continuité :
« Quand on est arrivé en 2020, on s’est inscrit dans la continuité de nos prédécesseurs. On a souhaité aller plus loin dans les ambitions environnementales, avec des mesures d’économie circulaire pour le choix des matériaux, atteindre des performances énergétiques de niveau B (contre C ou D auparavant, NDLR), ou permettre l’infiltration de l’eau de pluie dans le revêtement des parkings. Le programme vise à ranger les quartiers, les rendre accueillants avec des îlots de fraîcheur. »
À l’issue du premier programme de rénovation (dit « Anru 1 »), les habitants concernés répondaient souvent que ces opérations avaient certes changé le cadre de vie, plus agréable, mais pas la vie dans les quartiers en elle-même. Le deuxième programme se donne-t-il cette ambition ?
L’Anru 2 ne résoudra pas tout convient Nathalie Jampoc Bertrand, mais certaines dispositions visent à créer des bénéfices économiques :
« La rénovation urbaine est un pilier de la politique de la Ville. Mais elle est complétée par un ensemble de dispositifs, comme les Cités éducatives, les Cités de l’emploi, les quartiers de Reconquête républicaine… L’Anru ne change pas le revenu des habitants, mais elle peut faire ce lien entre les politiques. On a élevé les clauses d’insertion sur les chantiers à 25%, alors que le minimum légal n’est que de 5%. La demande d’avoir plus d’économie circulaire va aussi créer de nouveaux métiers. «
Le PLU va s’attaquer aux dark stores
En fin de séance (point 50), il sera encore question d’urbanisme avec le début du processus d’une quatrième modification de Plan local d’urbanisme (PLU), la deuxième depuis le changement de majorité. La précédente modification visait à mieux intégrer les enjeux de qualité de l’air dans les prescriptions d’urbanisme. Celle-ci prévoit notamment :
- De modifier le seuil où il est obligatoire d’intégrer des logements sociaux dans une construction neuve : il serait désormais de six logements
- Mieux lutter contre les coulées de boues qui concernent 14 communes sur 33 de l’Eurométropole
- Renforcer la réglementation pour intégrer des locaux à vélo fermés et sécurisés dans les immeubles
- Réglementer « les dark kitchen et les dark stores », des cuisines ou des entrepôts au cœur des villes, afin d’être idéalement placé pour des activités de livraison.
Même si Strasbourg est encore relativement peu concernée par les implantations de « dark stores » (des « magasins invisibles » en français), la vice-présidente en charge du PLU, l’écologiste Danielle Dambach estime que c’est l’occasion de clarifier les règles :
« Dans les centre-villes, il faut encadrer l’arrivée de ces entrepôts qui ne relèvent pas de l’artisanat ni du commerce de détail. Aujourd’hui, on peut opposer un refus via la police de l’urbanisme, mais les règles ne sont pas forcément claires. »
Une première consultation pour le public se tiendra dans les mairies et sur internet du 23 novembre au 23 décembre. Après une enquête publique au printemps, la révision numéro 4 doit être adoptée fin 2023.
Pour voir les effets de ces prescriptions d’urbanisme sur les constructions neuves, il faut attendre cinq à six années… D’ici là, la majorité procèdera encore dans le mandat à une cinquième modification, qui ciblera notamment les terrains en friche. La majorité veut également engager « un projet de territoire » concernant le PLU, qui aboutira éventuellement à une « révision », c’est-à-dire un changement plus profond des règles instaurées en 2016. Mais ce travail avec les maires interviendrait « au-delà du mandat », selon Danielle Dambach.
Les bâtiments les plus énergivores retapés en 2023
Dans les conseils d’Eurométropole, le très long terme percute parfois le court terme. Ainsi, dès le point 2, une délibération engagera de manière beaucoup plus concrète la rénovation de six bâtiments parmi les plus énergivores de l’Eurométropole.
Il s’agit de locaux techniques des services de la collectivité (district propreté à Koenigshoffen, site de la Fédération à la Meinau), ou qui accueillent du public (Maison de l’Insertion au Neuhof, bâtiment d’honneur de l’ancien hôpital militaire Lyautey avec des places d’hébergement d’urgence), ou, plus surprenant, les archives de la Ville et de l’Eurométropole, avenue du Rhin, un bâtiment pourtant construit en 2004.
« On ne concevait pas les bâtiments avec les considérations énergétiques actuelles », remarque à ce titre Danielle Dambach. Des économies de 40 à 70% des consommations d’énergie sont attendues. Ce levier est bien plus efficace que les mesures de sobriété (20% d’économies espérées) ou les petits gestes (10%). Ces rénovations sont budgétées à hauteur de 19,4 millions d’euros, pour lesquelles l’Eurométropole espère recevoir des aides de 10 à 20%.
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