À l’occasion des élections municipales anticipées, le dimanche 7 avril, la petite ville d’Eckbolsheim, à l’ouest de Strasbourg, est devenue le théâtre d’une bizarrerie politique : un groupe de parents d’élèves mécontents s’est mué en force d’opposition. Le collectif « Parent’aise » a décidé de créer une liste de candidats intitulée « Un renouveau pour Eckbo » et se présentant contre l’équipe sortante.
Tout a été précipité par la mort du maire, André Lobstein. Engagé initialement à l’UMP, rejoignant par la suite le parti Les Républicains (LR) avant de s’en éloigner, il avait été continuellement réélu depuis 1995 pour cinq mandats consécutifs. À défaut d’un quorum suffisant, un nouveau ou une nouvelle maire ne pouvait être désignée sans convoquer de nouvelles élections. Pour cause : deux conseillers avaient démissionné et un autre conseiller était décédé au début du mandat.
Exécutif vétéran
Jusqu’à sa mort, André Lobstein cultivait l’image d’un édile conciliant et fantasque. À chaque cérémonie de vœux, il n’hésitait pas à ressortir ses vestes facétieuses, cousues d’or lamé et de sequins, pour se mettre en scène dans des spectacles de magie. Avant lui, la ville n’avait connu que deux autres maires depuis 1945 : Charles Ernwein (1945-1971) et Pierre Sammel (1971-1995).
Politiquement, André Lobstein s’était illustré au sein de l’Eurométropole par son soutien en faveur du projet de « voie de liaison intercommunal ouest » (VLIO) visant à désengorger le trafic routier à Eckbolsheim et Wolfisheim. Quand à son étiquette politique, son rapport aux instances des Républicains restait lointain. « C’était surtout pour son positionnement au sein du conseil général, à l’époque où il y siégeait », évacue l’adjoint en charge de l’information et de la citoyenneté, Ghislain Lebeau.
Isabelle Halb pour la continuité
L’équipe qu’il laisse derrière lui se représentera en avril derrière la bannière de la première adjointe, laisse entendre l’élu. « Nous repartons avec la même équipe, complétée avec quelques postes. Isabelle Halb devrait être tête de liste, ça s’inscrit dans une logique de continuité. Nous serons là pour terminer les projets en cours, réhabiliter un gymnase, finir la construction d’un nouveau clubhouse. »
De quoi faire bâiller Philippe Gillig, l’un des candidats de la liste « Un renouveau pour Eckbo » : « Globalement, les gens au conseil municipal ne sont pas des hargneux. Ils écoutent même. Mais ils restent immobiles ». Il y a aussi une différence de génération entre les deux listes, qui se traduirait par un intérêt moindre de l’équipe en place pour le développement des mobilités douces, pour les initiatives du tissu associatif et pour les enjeux du changement climatique.
Parents politisés
Le cœur de la liste « Un renouveau pour Eckbo » repose essentiellement sur un cercle de parents d’élèves actifs au sein du collectif Parent’aise. Ce dernier est né de la fusion entre deux groupes de parents, partagés entre les associations de parents d’élèves PEPA et la FCPE. « À partir du moment où on est parent d’élève, on se frotte à des sujets qui dépasse le simple cadre de la compétence éducative. Par exemple la circulation, les sports, la culture… Des sujets qui dépendent en partie de la mairie », explique la tête de liste, François Jouan. Tout est déjà là pour constituer l’esquisse d’une équipe de campagne : les effectifs, les boucles WhatsApp, et une habitude du travail en collectif.
« Au sein du collectif, on était tous dégoûtés qu’il n’y ait pas de liste pour s’opposer à la municipalité actuelle », rajoute Philippe Gilig. Installé à Eckbolsheim depuis 2019, père de deux enfants inscrits à l’école primaire, il était déjà actif au sein du collectif Parent’aise. « Mais on n’est pas qu’une liste de parents d’élèves ! », se défend tout de suite le chercheur en économie. « Très rapidement, on a essayé de faire fonctionner nos relations, d’étendre la liste vers la société civile et d’autres associations, dans le sport, la pêche… »
François Jouan abonde : « C’est un mouvement qui s’élargit vers les travailleurs sociaux, les chercheurs, les retraités, les chefs d’entreprises ou encore les professionnels de santé. » Le quinquagénaire à l’allure élancée est lui aussi représentatif d’une nouvelle sociologie d’habitants à Eckbolsheim, de jeunes parents préférant le vélo cargo à la voiture.
Un quart de mandat
La liste d’opposition se présente comme le relai de leurs préoccupations, mais pas seulement. François Jouan présente en vrac plusieurs points au programme : accentuer la rénovation thermique des bâtiments, mettre en place une tarification solidaire à l’école de musique, instaurer un budget participatif… En tant que directeur de la Maison sport santé à Strasbourg, François Jouan compte aussi créer un dispositif Sport-santé à Eckbolsheim.
« Il faut garder en tête qu’il ne nous restera qu’un an et demi de mandat, si nous sommes élus », tempère la tête de liste. D’autres projets plus ambitieux seront portés dans un second temps assure François Jouan, comme la création d’un « lieu de rencontre intergénérationnel » qu’il souhaiterait mettre en place, « sous forme de café associatif par exemple. »
Du côté de l’équipe en place, Ghislain Lebeau rit jaune : « On demande déjà d’avantage de pistes cyclables à l’EMS ou un meilleur éclairage pour les cyclistes le long du canal de la Bruche. On nous répond que ce n’est pas possible, même s’il y a un nouveau projet cyclable en préparation sur la route des Romains. » L’élu se défend d’un désintérêt de l’exécutif sur ces questions, assurant que des aménagements ont également été mis en place devant les écoles. « On peut encore faire plus et mieux. Encore faut-il avoir les moyens budgétaires, qui ne sont pas illimités. »
Repositionnement à l’EMS
Nul doute que les élus à l’Eurométropole de Strasbourg, à laquelle Eckbolsheim est rattachée, auront les yeux rivés sur les élections. Alors qu’André Lobstein siégeait au sein du groupe « Maires et élus indépendants », un changement de majorité ferait évoluer les équilibres au sein du conseil eurométropolitain. « On peut dire qu’on est de gauche, même si on a pas d’étiquette partisane », assure François Jouan.
« Par le passé, l’exécutif à Eckbolsheim donnait l’impression de tourner le dos à l’Eurométropole, notamment sur des sujets importants comme la Zone à faibles émissions (ZFE) ou l’arrivée du tram. Si nous sommes élus, nous renouerons le dialogue avec l’EMS. »
François Jouan, tête de la liste « Un renouveau pour Eckbolsheim »
Une accusation que rejette Ghislain Lebeau : « Avec l’EMS nous avons une attitude constructive. Nous sommes soucieux des intérêts de la commune, particulièrement en termes de flux de circulation. Sur le tram par exemple, nous étions très enclins à son arrivée. »
Dans l’hypothèse d’une victoire, François Jouan ne tranche pas entre une adhésion au groupe de la présidente Pia Imbs, « une Eurométropole des proximités », et celui de la première vice-présidente Jeanne Barseghian, « Eurométropole écologiste et citoyenne ». « Ce ne sera pas une décision à prendre seul, si nous gagnons, nous choisirons par un vote. »
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