Découvrez ci-dessous les coulisses du Bulli Tour Europa, pour cette 13ème semaine sur les routes.
Nos reportages journalistiques se trouvent sur notre site.
1+1+1+1+1= 5 mécanos
La chronique du Bulli Tour Europa de cette semaine aurait pu porter sur les clés à molettes de tel garagiste ou sur le cambouis de celui-ci, meilleur que celui-là. Le Bulli est en effet passé par les mains de pas moins de cinq garagistes différents… avant de pouvoir repartir.
Cela aura été l’occasion de réaliser plusieurs reportages sur le passé juif de Lviv et le timide renouveau actuel, à découvrir sur notre site mi août.
La concurrence des mémoires
Après une étape prolongée à Lviv, le Bulli est parti plus à l’ouest, vers la frontière ukraino-slovaque. La ville de Drohobytch a une histoire similaire à celle de Lviv. Tout d’abord cité de l’empire austro-hongrois, elle est ensuite devenue polonaise (entre 1918 et 1939) avant d’être rattachée à l’URSS. La ville a ensuite été occupée par les nazis en 1941. Elle retrouva le giron soviétique pour quelques décennies, au sein de la République socialiste soviétique d’Ukraine jusqu’en 1991.
C’est ici qu’est né l’auteur Bruno Schulz. Comme tous les juifs de Drohobytch, il fut enfermé dans le ghetto de la ville par les nazis. Bruno Schulz était enseignant de littérature, auteur, traducteur (les Polonais lui doivent les premières traductions des oeuvres de Franz Kafka) et artiste. Le chef de la Gestapo de Drohobytch lui commanda des fresques pour la chambre de ses enfants. Schulz s’exécuta, il réalisa des peintures murales sur le thème des contes de Grimm. L’Histoire les oublia. Quant à Schulz, il fut abattu lors du « Jeudi noir » (19 novembre 1942), où les nazis avaient l’autorisation de tuer tous les juifs qu’ils croisaient, en représailles à une tentative d’évasion. 265 personnes furent assassinées ce jour-là.
Il ne reste aujourd’hui que peu de traces de cet héritage multiculturel à Drohobytch… En 2001, les peintures murales redécouvertes par hasard sont vendues par le maire de la ville au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Une décision qui provoque la colère de Leonid Goldberg, passionné d’histoire. Le maire avait en fait agi seul, sans concertation aucune. Juteux marché, cette transaction lui rapporte un million de dollars ! Quelques temps auparavant,un mécène avait pourtant bien proposé 300 000 dollars pour conserver sur place les fresques… Les fresques sont aujourd’hui visibles en Israël seulement. Vous ne verrez que des copies en Ukraine, exposées dans un musée de la ville.
Leonid Goldberg, tente de faire vivre la mémoire de cet artiste juif, ukrainien et polonais…. dans l’indifférence presque générale.
« Chacun s’arrache la parenté de Schulz. Enfin, surtout Israël et la Pologne. Les Ukrainiens ne s’y intéressent pas et ne comprennent pas que c’est notre héritage multiculturel national dont il est question. Une poignée d’entre nous organise chaque année le « Festival de Schulz« , pour permettre à ces œuvres d’être connues. Mais il y a un héritage lourd du communisme : les Ukrainiens ne s’intéressent pas du tout à la mémoire juive car ils estiment que ce n’est pas leur histoire… c’est pourtant bien une part de la mémoire collective ukrainienne que j’essaie de sauvegarder.
Découvrez le témoignage de Leonid Goldberg mercredi 13 août via notre site.
Le Bulli quitte définitivement l’Ukraine, après plus de trois semaines de reportages entre Odessa, Kiev et Lviv. Il gagne l’Europe en arrivant en Slovaquie.
Le théâtre du bidonville
Moldava nad Bodvou est une petite ville slovaque de 11 000 habitants. Quelque 2 000 Roms y sont recensés, soit 20% de la population. Mais seule la moitié d’entre eux habite vraiment la ville. Les autres sont concentrés dans un bidonville à deux kilomètres de là.
Il faut quitter la grande route goudronnée et passer par un chemin de terre pour s’y rendre. Sur place, deux vieux immeubles fatigués, sans fenêtres ni portes. Les canalisations des eaux usagées sont bouchées ou ont explosé il y a longtemps. On enjambe les flaques. La situation sanitaire y est dramatique.
Adam Ganik est un jeune réalisateur américain. Il a découvert le bidonville lors d’une mission de bénévolat en 2009.
« Je suis venu il y a cinq ans ici pour construire des baraques. Je suis plutôt attristé de voir que rien, depuis, n’a changé. Ici, 70% d’entre eux voudraient travailler. En ville, 90% des gens pensent qu’aucun ne veut gagner de l’argent. Il y a un profond malentendu. La misère dans laquelle ils vivent est malheureusement cyclique. Sans aide extérieure, ils ne peuvent pas s’en sortir. »
C’est ici qu’Irma Horvathova a crée le « Théâtre du bidonville » en 2010. Ils sont dix comédiens autour de cette mère de famille de 41 ans — la plupart sont des membres de sa famille — et rejouent leur quotidien à travers des pièces documentaires racontant tantôt la vie quotidienne dans le bidonville, tantôt les discriminations envers les Roms. Chacun participe à l’écriture des dialogues et des chansons. Irma témoigne :
« Ce n’est pas facile de raconter nos réalités. Notre dernière pièce parle de la mort d’un de nos jeunes ici qui snifait de la colle. Sa disparition a fait prendre conscience aux autres qu’il fallait arrêter ça. Ici on fume parce que ça coupe la faim. Comme on n’a pas grand chose, pas de travail, pas de quoi bien manger, on sniffe… et on oublie qu’on a le ventre qui gargouille. Mais avec le théâtre je veux qu’on raconte tout cela, que nos jeunes découvrent qu’il y a d’autres chemins pour s’en sortir. »
La plupart du temps, leurs pièces sont jouées dans la baraque du bidonville appelée « centre culturel ». Mais parfois aussi, elles sont données à l’extérieur, dans des festivals slovaques. Une seule fois ils sont partis jouer… à Bratislava puis à Bruxelles.
Lenka Orsagova travaille pour l’ONG ETP qui travaille auprès des Roms du bidonville.
« C’était une super expérience pour eux d’aller jouer ailleurs, surtout à Bruxelles. Mais ils ont été choqués car ils n’étaient, pour la plupart, jamais sorti de Moldava nad Bodvou. Ils rient encore de leur indigestion suite à un repas de fruits de mer qu’on leur avait servi en Belgique. Avec ce voyage, ils ont vu le monde et ont pu montrer le leur. »
Notre reportage sur le Slumdog Theater sera visible sur le site du Bulli Tour Europa à la fin du mois d’août.
Le Bulli quitte la Slovaquie pour gagner la Hongrie et Budapest.
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