C’était le 23 septembre. Le temps de quelques minutes. À 11h20, Lina, 15 ans, envoie un message vidéo à son petit ami, Tao, alors qu’elle se rend à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, près de chez elle dans la vallée de la Bruche. Elle est habituée à emprunter cette route de 2,9 km. Elle est censée retrouver Tao à Strasbourg vers midi. À 11h22, son téléphone cesse d’émettre et ne borne plus. Depuis, Lina reste introuvable.
Une enquête préliminaire a immédiatement été ouverte par le parquet de Saverne, puis le 1er octobre deux juges d’instruction de Strasbourg ont été saisies du dossier et le parquet de Saverne dessaisi au profit du parquet de Strasbourg. La section de recherches de Strasbourg et le groupement de gendarmerie du Bas-Rhin sont en charge de l’enquête.
Plus de quatre mois après cette disparition, la mère de Lina, Fanny Groll, a décidé de communiquer, lors d’une conférence de presse dirigée par son avocat, Me Matthieu Airoldi. À leur demande, ils ont été reçus jeudi 1er février par les juges d’instruction en charge du dossier, Sophie Thomann et Valérie Iltis.
La plainte pour viol classée : « Je me suis sentie trahie »
Si Fanny Groll et son avocat espéraient avoir accès au dossier de l’enquête préliminaire après ce rendez-vous, c’est un échec. Les deux juges ont été « dans l’empathie » mais elles sont restées inflexibles. « Je ne suis pas naïf, je sais que derrière, il y a la volonté de protéger le secret de l’instruction dans un dossier important », analyse Matthieu Airoldi. Décision qu’il regrette. « Je réplique juste que les juges pourraient nous faire un peu plus confiance. » « C’est terrible au quotidien de ne pas savoir », a ajouté Fanny Groll. « Je cogite tout le temps, j’analyse, je fais des hypothèses. »
La mère de l’adolescente a par ailleurs voulu revenir sur la décision du parquet de Saverne de classer la plainte pour viol déposée par sa fille en juin 2022. Une information que Fanny Groll et son avocat ont appris par voie de presse, ces dernières semaines de janvier 2024. Et non par le parquet de Saverne lui-même, qui aurait classé la plainte au printemps 2022 selon nos confrères des DNA :
« Je me suis sentie trahie. Nous faisions confiance à la justice, on nous avait parlé d’une confrontation, pour moi c’était normal que les choses prennent du temps. Je parle au nom de Lina, en agissant ainsi, la justice ne l’a pas protégée. Alors qu’à 13 ans et demi, on a besoin d’être protégée. »
Matthieu Airoldi a glissé qu’il avait à plusieurs reprises tenté de contacter la procureure de Saverne depuis, sans succès. La mère de Lina n’a jamais été informée non plus. L’avocat va donc porter plainte dans cette affaire, en se constituant partie civile au nom de sa cliente. « Ainsi, un juge d’instruction sera saisi et pourra contrôler le travail du parquet. »
« Son consentement a été abusé »
L’avocat, qui a précisé qu’il ne rentrerait pas dans les détails de cette affaire, a tout de même voulu préciser certains points. Les faits se seraient déroulés en mai 2022, et « il ne s’agissait pas d’une soirée, mais d’une activité de fin d’après-midi, avec deux ou trois amis. Lina s’est faite abuser. Son consentement a été abusé ». Il a rappelé qu’il existe depuis le 21 avril 2021 une loi qui protège les mineurs et qui institue que tout acte sexuel commis avec un mineur de moins de 15 ans est considéré comme un viol.
« Je ne comprends pas la façon dont ce dossier a été traité. Ma cliente n’a pas été informée. Et j’apprends par des journalistes, que finalement le parquet de Saverne étudierait la possibilité de revoir ce classement sans suite, et qu’une nouvelle décision sera prise ? En 20 ans de métier, je n’ai jamais vu ça. Nous estimons que cette procédure a été mal menée. »
Depuis l’information sur cette plainte pour viol, les commentaires et les réseaux sociaux se sont enflammés, répandant des rumeurs et des fausses informations sur la vie que menait la jeune adolescente. « J’appelle à la réserve et à ne pas faire de conclusion hâtive », a martelé l’avocat. La mère de Lina, visage fermé, a rajouté :
« Je traverse déjà l’enfer. Et ce qu’on raconte est tellement énorme, tellement faux, tellement blessant. Ce n’est pas possible. Je ne peux pas rester silencieuse. »
Matthieu Airoldi a ainsi déclaré que sa cliente avait déposé plainte auprès du parquet de Saverne pour diffamation contre un youtubeur qui diffuse et divulgue de fausses informations sur Lina. L’enquête a été confiée à une section spécialisée de la gendarmerie de Metz.
Aucune piste n’est écartée
Si Fanny Groll et son avocat n’ont toujours pas accès au dossier, ils ont semblé satisfaits de certaines réponses qui leur ont été apportées lors de leur rendez-vous avec les juges d’instruction :
« Elles nous ont assuré que toutes les pistes étaient vérifiées, que ce soit les pistes farfelues, les médiums qui déclarent savoir où est le corps de Lina, ou encore des désignations anonymes. Elles nous ont également dit que tous les moyens de la justice étaient déployés pour que la vérité soit faite. »
Les juges ont également assuré que « dès qu’un élément important nouveau apparaîtra, c’est Fanny Groll qui sera prévenue la première ». Mais en attendant, il faudra s’armer de patience. Au moins jusqu’à mi-mars, date à laquelle les juges ont affirmé que le dossier serait accessible à la mère de l’adolescente.
Interrogée sur son état d’esprit, et si elle gardait l’espoir, Fanny Groll a déclaré : « Toujours. C’est ce qui fait que je me lève tous les matins. Je n’ai pas d’autre choix que de garder espoir ».
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