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Disparition du poste d’assistant social dans les lycées : « Le gouvernement démolit l’école publique »

Depuis 2017, les lycées de Strasbourg sont concernés par le redéploiement des postes d’assistance sociale vers les collèges. Syndicats, corps enseignant et élèves dénoncent une mesure nationale opaque et inacceptable. 

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Disparition du poste d’assistant social dans les lycées : « Le gouvernement démolit l’école publique »

Une vingtaine de professeurs et des représentants syndicaux ont manifesté mercredi 8 juillet en fin de matinée devant le rectorat de Strasbourg, contre la suppression des assistants de service social (ASS) dans les lycées. Ces personnels interviennent auprès d’élèves confrontés à des difficultés économiques, d’insertion, familiales, de santé ou de logement. Trois lycées strasbourgeois – Jean Monnet, Marie-Curie et Pasteur – viennent d’apprendre la mauvaise nouvelle : à la rentrée, ils devront se passer de leur ASS.

Des représentants de syndicats enseignants se sont mobilisés mercredi 8 juillet devant le rectorat de Strasbourg (photo Alice Ferber / Rue89 Strasbourg)

L’incompréhension des représentants

Lors du Conseil d’administration (CA) du 30 juin, la proviseure du lycée Jean Monnet a annoncé aux équipes qu’à la rentrée 2020, l’assistante sociale n’officiera plus dans l’établissement. Une décision qui a surpris les syndicats. À Jean Monnet, une seule référente s’occupe à mi-temps de 1 000 lycéens, dont 387 boursiers. Le manque de transparence sur cette mesure inattendue a alerté les représentants du personnel.

Coline de Dadelsen, membre du syndicat Snes-Fsu et élue au lycée Jean Monnet, a alors contacté ses collègues d’autres établissements strasbourgeois :

« En discutant, on a réalisé que plusieurs lycées connaissent une situation similaire. Si on n’avait pas pointé le problème du doigt, certains ne s’en seraient peut-être même pas rendu compte, et ils auraient découvert l’absence de leur assistant social à la rentrée. »

Le personnel du lycée a alors réclamé au rectorat de Strasbourg le maintien de ce poste et une audience à l’inspection académique. La négociation a débouché sur un compromis, l’assistante sociale sera présente à la cité scolaire deux jours par semaine, contre trois auparavant. Mais l’inquiétude demeure pour Coline de Dadelsen : 

« Une exception nous a été accordée parce qu’on s’est battu, mais la décision globale ne change pas : le gouvernement supprime des postes alors qu’il faudrait en créer davantage. Il est fondamental que la suppression des ASS soit un combat national plutôt que le fruit d’une négociation individuelle de chaque lycée. » 

Une circulaire méconnue depuis 2017

En réalité, cette mesure provient d’une circulaire datée du 22 mars 2017. Le ministère de l’Éducation nationale y classe « les établissements prioritairement dotés » en ASS. Cette liste privilégie les collèges des réseaux d’éducation prioritaire (REP) et du secteur rural, les établissements avec internat et les lycées professionnels. Mais pas les lycées d’enseignement général et technologique. Concrètement, cela signifie que les assistants sociaux en poste dans ces lycées seront redéployés vers certains collèges, sans être remplacés. C’est ce qu’a rappelé le rectorat lorsqu’il a rencontré une délégation de représentants du personnel en fin de journée.

« On supprime un maillon humain indispensable » 

Le rôle de l’assistant social est reconnu par le corps enseignant comme par les lycéens. Juliette (prénom modifié), élève de terminale au lycée Jean Monnet et représentante des élèves, n’était pas à la manifestation mais elle a lancé dimanche soir une pétition en ligne qui a récolté près de 100 signatures. Contactée, elle estime que la disparition de ce référent serait dramatique : 

« L’assistant social est là pour échanger avec les élèves sur des sujets délicats comme le mal-être lié à l’adolescence ou les relations conflictuelles avec leur famille. L’accompagnement moral est encore plus important que l’aspect administratif. »

« Si les adultes ne sont pas entendus par le rectorat, on veut montrer qu’en tant qu’élèves, on peut réagir aussi, parce que ça nous concerne », complète-t-elle. 

Pour Séverine Charret, co-secrétaire académique du syndicat Snes-Fsu, entre les départs à la retraite non remplacés et les redéploiements de postes, la pérennité du métier est compromise : 

« Bientôt, on finira par avoir un numéro impersonnel à appeler, à la place d’un spécialiste en qui les élèves ont confiance. En détruisant ces postes, le gouvernement est en train de démolir l’école publique. » 

Les manifestants ont dit non à la suppression des ASS dans les lycées G&T (photo Alice Ferber / Rue89 Strasbourg)

Isabella Jeannot, professeure d’allemand au lycée Jean Monnet, qui organise régulièrement des sorties culturelles et des voyages, souligne l’importance de l’accompagnement personnalisé : 

« En janvier, j’ai organisé un voyage de quatre jours à Berlin qui a coûté 300 euros à chaque élève. Sur les 25 participants, six ont bénéficié d’une aide financière, jusqu’à 80% du montant total. Sans assistant social, les familles dans le besoin seront livrées à elles-mêmes pour toutes ces démarches administratives complexes. Forcément, les demandes aboutiront moins souvent car les dossiers seront incomplets. »

Le Bas-Rhin compte 50 assistants sociaux qui s’occupent chacun de trois établissements. Avec cette réforme, chaque assistant risque d’avoir la responsabilité de plus de collèges et lycées.


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