Pour la fin de l’étape en Bosnie, le Bulli retrouve un compagnon de route… un combi des années 1990 ! À son bord, deux amis journalistes qui nous ont rejoints pour un bout de l’aventure. On échange nos impressions sur cette partie de l’Europe, si étonnante et si riche… et on relance le sujet : où commencent et où finissent les Balkans ?
Sur notre chemin, chacun répond différemment et la question reste bien en suspens…. Slovène, Boris Pahor, depuis Trieste, attestait que l’Italie est bien sûr aux portes des Balkans mais que Ljubljana a toujours été européenne . En Slovénie, Barbara Polajnar annonçait : « les Balkans, c’est à partir de la Croatie ! » Arrivés en Croatie, c’est finalement en Serbie que les frontières balkaniques se dessineraient… et ainsi de suite. Alors, Balkans ou pas Balkans ? L’Est semble toujours commencer un peu plus loin.
Comment réunir ce qui fut brisé
À Mostar, les habitants vivent de part et d’autre de la rivière Neretva. Les Bosniaques et les Croates ne semblent pas s’y mêler et ont, chacun de leur côté, ce qu’il leur faut : hôpitaux, écoles, théâtres, compagnies d’électricité, équipes de foot… « Le souvenir de la guerre de 1993 est encore dans les têtes, et comme on se souvient de ce qui s’est passé, alors on se méfie du voisin… Donc chacun reste chez soi » commente Elvedin Nezirovic, directeur du Centre culturel Pavarotti, une école de musique créée il y a vingt ans pour réunir Bosniaques et Croates autour de concerts.
Même initiative au Centre Abrasevic, un centre culturel détruit pendant la guerre et reconstruit il y a une vingtaine d’années, sur la rive ouest. Depuis un an, Vladimir Coric en est le jeune directeur . « Nous montons des expos, des concerts pour les jeunes de Mostar et peu nous importent les nationalités de chacun ». Le centre emploie douze salariés et travaille avec une vingtaine de bénévoles. « Nous essayons de créer des ponts dans les esprits pour enfin relier les deux parties de la ville », explique Vladimir, dans la cour du centre où se retrouve, le soir, une partie de la jeunesse de Mostar. Pour d’autres habitants, il serait inimaginable de se rendre dans le quartier d’en face.
Les 40% de chômage et le clientélisme n’arrangent rien, comme l’affirme Elvedin Nezirovic, du Centre Pavarotti :
« Si vous êtes bosniaque et que vous voulez un bon poste dans une entreprise dont le directeur est croate, vous n’aurez aucune chance. La réciproque est bien sûr vraie. »
Chacun son guignol
Pour ses 80 000 habitants, Mostar compte deux théâtres de marionnettes… Double programmation, doubles équipes artistiques, deux fois plus de choix. La situation pourrait ravir les amateurs de théâtre, mais le fossé entre les deux populations de la ville se creuse, et la culture y joue, malgré elle, un rôle. Ici, les politiques entretiennent les rancœurs et cultivent les dissensions.
Ranka Mutevelic, directrice du théâtre de marionnettes de la rive est (bosniaque), dénonce la situation économique difficile et la politique difficilement tenable :
« On a pourtant eu un espoir en 2008 quand un représentant de l’UE a écrit au maire de Mostar pour proposer de fusionner les deux théâtres. Nous étions tous d’accord sur l’importance de ne pas diviser davantage les publics, surtout les enfants… »
Finalement, silence radio depuis six ans, et chacun de rester chez lui.
La Macédoine, ça se mérite
Les pages du guide routier s’arrachent les unes après les autres, preuve que nos doigts suent sur les itinéraires bis et ter. Pour rejoindre Skopje, il est plus rapide de traverser le Kosovo… Or la région n’est pas couverte par notre assurance. On décide alors de contourner la région, et de passer par l’Albanie. Les petites masses brunes dessinées sur la carte routière auraient dû nous interpeller et nous laisser deviner les importants dénivelés des montagnes avoisinantes..
Parfois la route s’arrête… et reprend plus loin
Le Bulli s’enfonce donc dans les montagnes d’Albanie et y découvre des sommets à plus de 2 000 mètres. En première et à 20 km/h, nous profitons bien du paysage. Problème, l’aiguille de la jauge d’essence descend dangereusement…
Parfois la route s’arrête, interrompue par un éboulement de terrain ou un troupeau qui traverse.
On évite de regarder trop par-dessus la rampe de sécurité…. le vertige nous guette dans certains endroits bien périlleux. Il faut trois longues heures (70 km !) avant de tomber sur la pompe à essence du coin… qui ne vend que du diesel !
Le soleil est déjà couché, nous profitons des dernières lueurs du jour pour avancer encore sur les sentiers escarpés. Les feux du combi sont trop faibles pour poursuivre la route… Nous cherchons un virage pas trop exposé pour passer la nuit… Mais la route est trop étroite pour se garer. Dilemme à vingt et une heures, quand la lune apparaît. Cela fait plus de dix heures que le Bulli roule, la nuit s’installe, et pourtant, il nous faut poursuivre.
Heureusement, entre chiens et loups, nous arrivons à Peshkopi, petite ville d’Albanie, à la frontière avec la Macédoine… où il y a une pompe « à essence » . Sauvés !
Après plusieurs jours sur les routes, entre Bosnie, Croatie, Monténégro et Albanie, le Bulli arrive, rompu mais toujours entier, à Skopje pour sa sixième semaine de reportages.
Vous pourrez retrouver sur BulliTour.eu ces reportages ainsi que les sujets précédents réalisés par l’équipe du Bulli Tour Europa. À très bientôt sur Rue89 Strasbourg pour la chronique de nos (més)aventures.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Les chroniques du Bulli Tour Europa
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