Impact visuel
Une fente étrange se répand sur un mur blanc. Interstice duquel des tiges de verres chutent, à raison d’une toutes les deux secondes, durant la totalité des heures d’ouverture de l’exposition au public. L’impact visuel est extrêmement fort et n’aura de cesse de s’amplifier au fur et à mesure que le temps passe. Les tiges de verres s’abattent, s’aplatissent, s’écrasent, se fracassent sur le sol, et se superposent parfois les unes sur les autres en un assemblage coloré.
Une expérience physique et psychique
“Firozabad Glass Rods Production” est une œuvre dont on fait réellement l’expérience. Une expérience à la fois physique et psychique. Dans cette approche plastique de l’espace, le corps entier est sollicité. Il fait face au son et à l’image d’une destruction. Le visiteur se déplace, visite et explore l’installation. La notion de déplacement est inhérente au travail et à la démarche de François Daireaux.
En effet, l’artiste développe un art de l’installation conçu à partir d’expériences et de matériaux rapportés de ses multiples voyages et errances à travers le monde. L’artiste se déplace à travers le monde et nous fait nous déplacer. Il appréhende l’activité humaine, il regarde le monde et nous en donne sa vision. Le monde devient son atelier. L’errance lui permet d’explorer plusieurs possibilités qui se ressentent ensuite dans son travail plastique.
Entre aléatoire et éphémérité
Pour cette installation, l’artiste s’est réapproprié une matière manufacturée : des fils de verre produits en Inde, à l’origine destinés à produire de la rocaille. L’oeuvre s’éprouve dans la durée. Elle est en progrès, en perpétuelle évolution et est surtout minutieusement mise en scène. L’aléatoire et l’éphémérité sont inévitables, mais l’artiste souligne l’espace et laisse parler les matériaux tout en s’exposant volontairement à l’imprévisible.
Beaucoup d’artistes, avec leurs installations, sont connus pour leur choix accumulatif, pour la variation autour d’un même élément (ou volume) ou pour leurs gestes de remplissage. Je pense notamment à Nele Azevedo qui souligne par l’intermédiaire de petits personnages de glace, la fragilité et la fugacité du temps qui passe. François Daireaux revendique lui aussi une forme de fragilité et de précarité. La notion d’éphémérité est extrêmement importante. Seules les photographies feront traces de l’évolution de cette œuvre. Elle change, se métamorphose et se transforme à chaque seconde.
Une partition plastique
L’installation est d’autant plus intéressante qu’elle sollicite le corps entier du spectateur, par son déplacement et son regard certes, mais aussi par son ouïe. En se fracassant sur le sol, les tiges de verres forment une musique, une sorte de partition plastique. Ainsi, un son aérien émane de ces tiges de verres. On arpente, silencieux, la pièce pour entendre le chant de cette installation. Porteuses d’une mémoire, ces tiges de verres nous transportent et nous questionnent. L’oeuvre ne se fixe et ne se fige jamais. Il s’agit d’une oeuvre dont on fait l’expérience, et qu’il faut sans aucun doute aller voir et re-voir plusieurs fois.
[affiche_event id=66202]
Chargement des commentaires…