Huit familles demandeuses d’asile ont posé des tentes et des bâches sur les trottoirs de la rue des Canonniers au Neuhof, faute de place dans les centres d’accueil de Strasbourg. Deux mois seulement après l’évacuation d’un campement de familles demandeuses d’asile le 17 août, un nouveau est en train de se recréer au même endroit depuis mi-octobre. La situation est particulièrement préoccupante pour les nombreux enfants en bas âge.
Des familles avec enfants
Mercredi, trente personnes (huit familles) dorment sous des bâches et des petites tentes devant l’ancien hôpital militaire Lyautey au Neuhof. La moitié sont des enfants, dont douze ont moins de sept ans. Les enfants les plus jeunes sont des bébés : ils ont à peine 4 mois, 5 mois, 9 mois… En outre, deux femmes sont enceintes.
Aucune toilettes, aucune assistance médicale, aucun repas chaud. Et « s’il pleut, les matelas sont mouillés, » prévient Gérard, du collectif Canonniers. Avec la baisse des températures (4°C au petit matin lundi), la santé des plus fragiles est en danger. Plusieurs enfants sont déjà allés à l’hôpital (à « la Boussole », la permanence d’accès aux soins) pour des problèmes respiratoires. Trois présentaient des symptômes fiévreux.
Lorsqu’Ivanka, 9 mois, la fille d’Alberto Demirodic, a eu une montée de fièvre la semaine dernière, il est resté avec elle toute une nuit à l’hôpital la peur au ventre. Cela fait un peu plus d’une semaine qu’il campe ici avec sa femme et sa fille. Depuis leur arrivée à Strasbourg le 15 septembre, ils dormaient dehors derrière la gare. Ils ont choisi de rejoindre la rue des Canonniers dans l’espoir d’être plus visibles et d’obtenir de l’aide. La majorité des familles du nouveau campement dormaient également derrière la gare avant. Une autre famille dormait sous un pont.
Des discriminations qui traversent les frontières
Alberto et sa famille viennent de Serbie. Ils ont leur attestation de demande d’asile depuis le 24 septembre, mais toujours pas l’ombre d’une proposition d’hébergement. Toutes les familles présentes ont déposé une demande d’asile à la préfecture. L’Etat est dans l’obligation légale de les héberger le temps qu’elle soit traitée. Mais à Strasbourg, « il n’y a plus de place », leur répète-t-on.
Les procédures sont longues. Trois familles ont déjà leur attestation de demande d’asile mais les autres doivent attendre la date de leur convocation à la préfecture pour recevoir ce document. En attendant, elles n’ont rien : pas de toit, ni l’aide financière attribuée aux demandeurs d’asile, dont les virements peuvent mettre plus d’un mois à arriver après que toutes les démarches aient été effectuées.
Toutes les familles de ce campement sont roms. Elles viennent de Bosnie, de Macédoine et de Serbie. Dans ces pays, leurs communautés sont gravement discriminées, ce que confirment plusieurs rapports d’ONG qui font état de violences, persécutions, problèmes d’accès au logement, à l’emploi et aux services de santé. Beaucoup vivent dans des camps. Les enfants n’ont souvent pas accès à l’éducation.
Mustafa est venu en France en bus avec sa femme et ses deux enfants :
« Quatre jours à Paris, sept jours à la gare de Strasbourg, dix jours ici… Nous sommes dehors depuis tellement longtemps. Moi ça va, mais mes enfants, c’est un problème ! Ils n’ont pas à manger. Ils dorment mal. Il fait froid, ils ont le rhume et mal à la gorge. Un de mes enfants a 2 ans et l’autre a 4 mois. Je ne suis pas là pour demander de l’argent, je veux juste une maison pour eux. Ils boivent du lait froid, on n’a pas d’endroit où le chauffer. Ils n’ont pas de couches. »
Et pour Mustafa, son exil est lié à l’intolérance religieuse :
« En Macédoine, nous n’avons pas de travail, pas d’école pour les enfants, pas de maison. Tout ça parce qu’on est Musulmans et qu’en Macédoine, ils ne veulent pas de nous. Ils ne veulent même pas de nos enfants à l’école. »
« Ils disent que notre pays est l’Inde et que nous devons retourner en Inde, » rajoute un autre Rom macédonien qui rejoint la conversation.
Les familles dépendantes d’une solidarité de rue
Au Neuhof, les demandeurs d’asile trouvent des personnes qui s’intéressent à elles et leur viennent en aide. Les membres du collectif Canonniers, qui était déjà très présent pour aider les personnes du campement de l’été, passent les voir tous les jours pour faire le point sur leurs besoins et leur santé.
Sans aucune aide financière ou matérielle de l’Etat, les familles de la rue des Canonniers ne pourront pas éternellement survivre des dons et de la bienveillance des quelques anonymes solidaires qui sont venus leur déposer des paquets de couches, du pain et du lait au cours de la semaine.
Le collectif « D’ailleurs Nous Sommes D’ici » multiplie les communiqués pour interpeller les pouvoirs publics sur la situation et les lettres, notamment à l’attention du maire de Strasbourg, Roland Ries. À ce jour, aucune réponse à leurs sollicitations n’a été reçue.
Me Sophie Schweitzer, qui défendait déjà activement les Roms rue du Rempart, a décidé prendre en charge les dossiers de ces familles pour les défendre auprès du tribunal administratif. Le tribunal administratif, saisi en référé par l’avocate, a ordonné à l’État, de loger une première famille sous 48 heures.
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